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Une Nuit blanche 2017 branchée sur les corps en exil

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La grande fête artistique, qui a lieu samedi, à Paris, s’est imprégnée des questions sociales.

Entre Riquet et Marx-Dormoy, les nuits sont souvent blanches. Elles assomment les corps en exil, parqués dans les impasses, les jardins. Nombre de réfugiés, de tous pays, survivent sur cette précaire terre d’accueil, en attendant mieux. De Stalingrad à la porte de la Chapelle, le 18e arrondissement vit désormais à leur triste rythme. Alors, faire la fête, ici… Vraiment ? Cela pourrait sembler indécent. D’ordinaire, la Nuit blanche, organisée par la Mairie depuis 2002, élit plutôt domicile dans un Paris de carte postale. Mais Charlotte Laubard, directrice artistique de cette 16e édition qui a lieu samedi 7 octobre, a décidé de faire pleins feux sur le nord de la ville, en y installant une douzaine de projets.

« Ce quartier populaire est emblématique des transformations de Paris et de sa richesse culturelle, ce n’est pas qu’un quartier à ­problèmes, explique-t-elle. J’ai longtemps hésité, consciente de la dif­ficulté. Mais une ­soirée passée au Bal Pop’ du Cent­quatre, au cœur du quartier, m’a convaincue : il y avait une mixité incroyable, les gens étaient heureux d’être ensemble, d’oublier leurs problèmes pour une nuit. »

Pas question, avec la Nuit blanche, de donner seulement du rêve à moudre. « L’essentiel, c’est de célébrer le collectif en ces temps de repli sur soi et de crispations identitaires, mais aussi de modifier la perception de cet espace public, en permettant de comprendre comment les interactions sociales façonnent son identité, plus que l’urbanisme », poursuit Charlotte Laubard. C’est pourquoi elle a ­décidé de mettre en avant des collectifs d’artistes-citoyens.

MU est l’un d’eux. Passionnés de création sonore, les quatre membres du groupe, basé à Barbès, travaillent depuis plus de quinze ans sur le secteur. Ils ont déjà créé dans le coin plusieurs parcours audio, notamment à la Goutte-d’Or, et gèrent depuis un an l’espace alternatif de la Station d’Aubervilliers, à deux pas de là. Pour la Nuit blanche, ils mettent en scène une véritable mer de sons, entre le pont ­Riquet et la Halle Pajol, en collaboration avec douze duos de compositeurs de la scène électro.

Chants afghans et bruits de trains

Chacun a été invité à piocher dans la banque sonore de la SNCF, dont l’océan de rails lacère le paysage, mais aussi à enregistrer in situ, du jardin d’Eole aux jardins Rosa-Luxemburg. « Ce quartier a une identité très forte, il est vivant et habité, pas question de l’oublier, explique Olivier Le Gal, directeur artistique de MU. Toutes nos créations sont imprégnées du territoire, et la question des réfugiés, nous l’éprouvons très directement. » Comme l’ont éprouvée les musiciens qu’ils ont invités, dont certains sont partis à la rencontre de ces voyageurs malgré eux.

Le dialogue a parfois été facilité par la troupe Good Chance Theatre, qui a travaillé dans la « jungle » de Calais avant de venir en résidence à la Station, afin d’y organiser des ateliers artistiques avec ces populations. « Sans tomber dans le démonstratif ni le pathos, ces sons n’ont rien de désincarné, ils évoquent cette présence, poursuit Rodolphe Alexis, commissaire associé du projet. Une des compositrices a par exemple recueilli l’histoire d’un ­réfugié, qui raconte son périple ­depuis Vintimille et comment il s’est efforcé de devenir invisible. »

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