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Dans un manifeste, largement relayé dans la presse du 23 février 2021, un groupe composé de 102 enseignants-chercheurs a eu la prétention de décréter la déliquescence de l’État de droit au Sénégal. Pourtant, à la lecture du texte, la première chose qui frappe réside dans le manque de prudence et d’humilité et la légèreté dont les auteurs ont fait montre. Pour s’en rendre compte, il suffit d’évoquer leurs propos sur les thèmes de l’indépendance de la justice de l’éventualité d’une 3e candidature du Président Macky Sall, la fragile démocratie et des relations ambigües entre pouvoir politique et pouvoir religieux. Le tout dans un contexte social fortement marqué par l’affaire du leader du Pastef.

Sur le sujet de l’indépendance de la justice, les auteurs du texte affirment globalement que les juges sont devenus des juges du gouvernement et qu’ils se sont dépossédés, par devoir de gratitude et de corruption intellectuelle, de leurs attributions. Selon eux, le système judiciaire est caractérisé par des poursuites sélectives, la docilité des magistrats, le suivisme alimentaire, l’entrisme, le clientélisme politique, etc. Bref, ils soutiennent une domestication de la justice par le pouvoir exécutif qui consiste à l’utiliser pour combattre les opposants.

L’indépendance de la justice figure parmi les problématiques les plus complexes qui se posent au monde contemporain. Elle demeure un idéal vers lequel tendent les plus grandes démocraties. Parler d’une question aussi difficile avec autant de légèreté n’est pas digne d’un universitaire. Plus encore, force est d’admettre que depuis son accession à la souveraineté internationale, l’État du Sénégal s’évertue de mettre en place un système judiciaire répondant aux exigences de la démocratie, de la garantie des droits et libertés des citoyens et de l’ancrage de l’État de droit. Et depuis le secteur de la justice a connu une forte évolution avec des réformes substantielles visant à renforcer sa crédibilité. Les magistrats du siège qui sont chargés de juger sont protégés par l’inamovibilité ; le conseil supérieur de la magistrature gère la carrière des juges sans aucune ingérence des autorités exécutives. Aussi, en dehors des quelques procès qui impliquent des hommes politiques, l’indépendance de la justice n’est aucunement remise en cause. Pourtant, les auteurs du texte ont, en toute mauvaise foi, occulté de relever ces différents éléments. Il apparaît clairement que les signataires de ce manifeste ont manqué de respect aux magistrats mais ont surtout fait preuve d’imprudence, de manque d’humilité et de grave légèreté. Ce qui est, du reste, blâmable pour un universitaire.

S’agissant de l’éventuelle 3e candidature du Président Macky Sall, les rédacteurs du texte prétendent que la constitution a tranché et que le refus de la majorité d’en parler est une manière de suspendre la nation aux caprices du prince. A vrai dire, le débat sur le 3e mandat est plus agité par certains collègues juristes (constitutionnalistes), dont les interprétations sont aussi diverses et variées. Cette pluralité de point de vue, d’interprétation de l’article 27 de la Constitution de 2001 est exploitée à suffisance par la presse qui y trouve son compte. Le moment venu, la Conseil constitutionnel, seul habilité à valider la candidature du Président
Macky SALL se prononcera en toute indépendance, en toute souveraineté.

Concernant la démocratie, les auteurs se sont limités à évoquer la création d’institutions dites budgétivores. Les auteurs du manifeste ont ignoré que la démocratie, au delà des procédures et des institutions est aussi une question sociale. A ce titre, il est nécessaire de rappeler la politique sociale mise en place par le Président de la République Macky SALL notamment dans le domaine sanitaire (CMU, gratuité de l’hémodialyse…), la bourse de sécurité sociale, la carte d’égalité des chances, pour ne citer que cela. Les institutions visées par le manifeste ont leur importance pour la consolidation de l’Etat de droit et la participation politique des citoyens, indispensables à la démocratie.

Les auteurs du manifeste estiment que la démocratie sénégalaise est fragilisée par « la
dispersion du pouvoir dans les lobbies (…) confrériques… ». Il est important de rappeler que
le processus de construction de l’Etat du Sénégal ne s’est pas fait à travers une séparation
des du politique et du religieux. Au contraire les confréries ont participé non seulement à
légitimer le pouvoir politique, mais aussi à pacifier l’espace social. Au Sénégal, nous avons
toujours observé que ce sont les interactions entre divers acteurs (représentants de l’État, élus locaux, chefferies religieuses, responsables communautaires, etc.) qui génèrent le capital
social et symbolique indispensable pour assurer la gouvernance.

Le président Macky SALL a perpétué cet héritage, en le consolidant. Les religieux ont toujours été des personnes ressources, les conseillers avisés, surtout quand le Sénégal traverse des crises spécifiques comme celle de la pandémie covid 19. Le contexte social du moment, à forts relents politiques, discréditent ce manifeste en remettant totalement en cause l’objectivité, l’indépendance et la neutralité de ses auteurs.

Fait à Dakar, le 24 février 2021
Réseau des universitaires républicains

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