Tweet du Président Macky : aucune faute, pourtant ! Par Mounirou Sy
« Pourquoi est-ce que toutes ces personnes issues des pays de merde viennent ici ? »
Voici en substance les propos infamants du Président Trump qui ont choqué plus d’un et le Président Macky Sall a choisi un procédé moderne et d’envergure mondiale pour apporter une réponse sanglante et calibrée.
Mais, depuis sa réaction sur Tweeter, les commentaires vont bon train et signalent une faute de grammaire qu’aurait commise le Président sénégalais. Pourtant, il n’en est rien. Au contraire, le tweet ne révèle que le respect scrupuleux d’une règle grammaticale que seuls les chevronnés de la langue française à l’instar de Léopold Sédar SENGHOR et de Malick SONKO, professeur de Français, Latin et Grec à Ziguinchor peuvent déceler.
Le Président SALL a écrit : « l’Afrique et la race noire mérite le respect et la considération de tous ». Certains « férus » de grammaire, sur tous les réseaux sociaux à visage couvert et d’autres sur certains organes de presse à visage découvert considèrent que le verbe « mériter » se conjugue à la troisième personne du pluriel. Ainsi, le Président SALL devait écrire : « l’Afrique et la race noire MERITENT le respect et la considération de tous ». Non et non ! On est en face d’un procédé grammatical appelé « accord par syllepse ».
Pour le Grevisse et Goosse, Nouvelle grammaire française, « c’est le fait qu’un mot s’accorde, non avec le terme ou les termes au(x)quel(s) il se rapporte, mais d’après un autre terme que le sens éveille dans la pensée ». Ainsi, l’exemple courant donné en leçon de grammaire est le suivant : « chaque goutte tombait dans le silence…je les entendais distinctement ». « Chaque goutte » étant au singulier, la logique voudrait l’usage d’un pronom singulier « je l’entendais ».
Mais, comme le sens voudrait que l’on entende plusieurs gouttes, l’accord par syllepse impose le pluriel. Dans la même veine, Sacha GUITRY écrit quelque part, « les femmes, je suis tout contre ». Il faut simplement retenir que la syllepse grammaticale n’est pas toujours employée dans un but stylistique. Il arrive qu’elle soit obligatoire dans certains cas. Ainsi, la syllepse peut désigner alors un accord grammatical fait selon le sens ou la logique, et non selon les règles habituelles.
Ce procédé, qui est aussi appelé syllepse grammaticale, peut porter sur l’accord en genre, en nombre ou en personne comme c’est le cas du Tweet présidentiel. L’Afrique et la race noire, l’une étant dans l’autre, se fondent (au sens de fondre) au point de se confondre. Il ne s’agit pas de choses distinctes mais de deux éléments d’une seule et même réalité. Cela pourrait s’entendre comme suit : « l’Afrique, plus précisément, la race noire, mérite … ».
Ce serait similaire de dire, « Dakar et sa banlieue vous dit Merci ». Comme Monsieur SONKO, on peut être interloqué qu’un géologue de formation puisse nous rappeler, sur une simple phrase, les mystères de la langue française avec le procédé peu connu et utilisé qu’est la syllepse grammaticale et du nombre. « Le scepticisme coupe chemin à l’erreur, il délivre la vérité des ombres qui la couvraient ». Merci au Président Macky, sans oublier au passage l’autre Président, sans qui, le tweet n’aurait existé.
Professeur Mounirou SY Maître de Conférences à l’Université de Thiès,
Président de l’Alliance pour une Dynamique Nouvelle (ADN)