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«Tina TURNER (1939-2023) et ses deux vies d’artistes, la Reine du Rock and Roll» par Amadou Bal BA –

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«Vous ne faites pas que danser et chanter. Vous représentez un possible» a dit d’elle Ophrah WINFREY. La star adepte du bouddhisme, avait une voix exceptionnelle qui n’avait d’égale que l’histoire de sa vie, plus de 60 ans sur scène, avec des ventes de disques exceptionnelle. Tina TURNE a remporté onze Grammy Awards. Ses contributions constantes à la musique rock lui ont permis d’acquérir le titre de «Queen of Rock and Roll». En plus du rock, Tina a un vaste registre artistique notamment dans le Rythm and Blues, la soul, la dance et la pop music. Tina figure sur la Rolling’s Stone List : The Immortals, Greatest Artists of All Time et est également présente au Grammy Hall Of Fame, avec deux de ses plus fameux singles, «River Deep», «Mountain High», en 1999 et «Proud Mary», en 2003. Tina est une des artistes les plus populaires du monde, avec des ventes dépassant les 200 millions d’albums.

Chanteuse, danseuse avec des hauts talons, actrice noire américaine, naturalisée suisse, de son vrai nom, Annie Mae BULLOCK, l’artiste Tina TURNER est née le 26 novembre 1939, à Nutbush, dans le comté de Haywood (Tennessee), aux États-Unis, et décédée le 24 mai 2023 à Küsnacht, du canton de Zurich, en Suisse. Annie Mae BULLOCK est la fille de Zelma CURRIE (1918-1999) et de Floyd Richard BULLOCK (1912-1967), tous deux employés d’usine. Abandonnée avec sa grande sœur Alline par son père, homme violent, et, provisoirement, par sa mère, elle est élève à la Flag Grove School à Haywood County (Tennessee) et chante dans la chorale de son église. Les jeunes filles déménagent à Saint-Louis, dans le Missouri pour rejoindre leur mère. Anna Mae BULLOCK chante à l’église avant de se produire dans les clubs de Saint-Louis sous le nom de «Little Ann’». C’est là qu’elle rencontre, en 1956, Ike TURNER, qui l’accompagne pour devenir une grande artiste. Annie prend le surnom de Tina ; elle a une voix puissante «Quand j’étais petite, j’adorais prendre des risques. Je me balançais à une corde au-dessus d’une rivière dans le bled de Nutbush, Tennessee, où j’ai grandi, sans imaginer ce qu’il pourrait se passer si je tombais dans l’eau marécageuse. Je me bagarrais avec des animaux : des chevaux, des mules et même des serpents. Tout au long de ma vie, on a dû se demander comment j’avais réussi à me sortir de certains mauvais pas. Je me suis mise en danger, on m’a mise en danger, mais, au dernier moment, mon instinct a toujours été là pour me dicter quand fuir et comment survivre. Quoi qu’il ait pu m’arriver, je m’en suis toujours tirée» dit-elle dans son autobiographie.

La presse à sensation résume de façon simpliste et artificielle, la vie de Tina TURNER, et la ramène uniquement à la maltraitance déplorable et scandaleuse que lui a faite subir, son mari, Ike, dont elle a conservé le nom. Une relation qui se révélera, sans doute explosive et toxique avec Ike, mais, pour ma part, c’est cette partie de la carrière musicale, avec son premier mari, l’inventeur du Rock and Roll, de Tina TURNER de la Soul musique qui restera dans la postérité, notamment avec son légendaire «Proud Mary». A chaque fois que je réécoute ce morceau, je suis transporté vers d’autres cieux. Une musique intemporelle, un patrimoine commun de l’humanité en raison de cette confidence du cœur !

Tout au début de la rencontre avec Ike, une ascension fulgurante entre 1957 et les années 70, Tina a franchi des étapes étonnantes de transformation, dans sa vie personnelle et sa carrière. Donald BRACKETT, un de ses biographes a examiné, sérieusement, la lente, mais continue révélation de cette campagnarde, force bruyante de la nature, qui va progressivement mettre en mouvement, en elle, toute une extraordinaire alchimie créative en action, pour se muer en transformer en Tina TURNER. Avant de rencontrer Ike, Anne BULLOCK avait précocement en elle tout le talent stellaire qui ne demandait qu’à émerger et à attirer l’attention mondiale. Cette collaboration avec Ike, au début harmonieuse et mutuellement avantageuse, même si elle se révélera toxique et violente par la suite, a permis à la jeune Anna, vulnérable certes, mais pleinement formée, de sortir de sa coquille d’exposer, pleinement, tout son talent immense.

Izear Luster dit Ike TURNER (1931-2007), un génie de la musique et un producteur, a oscillé entre grandeur et décadence. Né le 5 novembre 1931, à Clarksdale, dans le Mississipi de la ségrégation raciale, son père, pasteur, mourra dans son enfance, battu à mort par la foule lors d’un lynchage de Noirs, pour avoir eu une relation sexuelle avec une blanche. A 12 ans, le jeune Ike a subi d’autres traumatismes, pour avoir été violé par de femmes âgées. Très tôt, Ike s’évade de ce lourd passé, à travers la musique ; repéré par une radio locale, il monte son premier groupe professionnel à l’époque où le Rhythm and Blues évolue vers une énergie plus turbulente, le Rock and Roll. En 1956, Ike rencontre Anna Mae BULLOCK, une chanteuse de 18 ans, qui s’installe chez lui lorsque ses parents la chassent, car elle est enceinte d’un des saxophonistes du groupe. Mais, rapidement, ils nouent une histoire d’amour, qui va devenir une des plus célèbres de l’histoire de la musique populaire. En 1959, Tina, de son nouveau nom d’artiste, chante «A Fool in Love», qui atteint la 2ème place des classements Rythm and Blues, la plus haute jamais atteinte par un enregistrement d’Ike. Celui-ci flaire quelque chose de neuf et rebaptise son groupe : «The Ike and Tina Turner Revue». Ike ayant reconnu le talent de Tina, se met en arrière-plan, et projette Tina au-devant de la scène. Le grand succès avec Ike n’arrivera que 10 ans plus tard. En 1969, le couple participe à une tournée des Rolling Stones.

Pendant ses tournées avec son Ike, Tina, dont l’engagement politique a été peu remarqué en dépit de la ségrégation raciale, a, elle-même relaté, dans le Sud des Etats-Unis, des vexations et tracasseries : «On traversait, mettons, le Mississippi, quand un policier blanc nous faisait signe de nous arrêter. «Alors, mon garçon», disait-il, provocateur, à Jimmy Thomas, l’un des choristes qui nous servait aussi de chauffeur, «tu roulais un peu vite, pas vrai ?» Jimmy répondait, de son ton le plus poli : «Non, monsieur, je respectais la limitation» Et le jeu du chat et de la souris s’engageait. Le policier répliquait : «Mon compteur dit le contraire. Je crois que je vais devoir vous arrêter» Jimmy répondait alors : «Vous savez, monsieur, on est chanteurs, et un peu en retard. On pourrait peut-être régler ça directement avec vous ?». Et, bien sûr, le policier repartait un peu plus riche au volant de sa voiture, et on continuait la route… jusqu’au moment où un autre agent nous ordonnait de nous ranger sur le bas-côté. Un jour, Jimmy, un négociateur et un beau parleur de première, nous a fait descendre, Ike et moi, et chanter pour convaincre les forces de l’ordre qu’on était vraiment des musiciens» dit Tina dans son autobiographie.

Ike, en raison de son immense talent artistique, aurait dû rester dans l’histoire, mais en raison de ses faiblesses, n’ayant pas pu assumer le poids de son passé et de ses succès musicaux, il est inscrit à la rubrique des faits divers. En effet, un drogué à la suite d’une rencontre Elvis, macho, jaloux paranoïaque, jouissif avec ses partouzes, agressif, violent, finira par décéder, le 12 décembre 2007, d’une overdose de cocaïne. Pendant les moments difficiles et particulièrement traumatisants, de cette relation sulfureuse et violente, Tina devient une adepte du Bouddhisme : «Aux pires moments de ma vie avec Ike, je me suis tournée vers le bouddhisme. Plusieurs personnes, y compris mon fils cadet, Ronnie, m’avaient dit que je pourrais en retirer une expérience positive. Psalmodier, selon eux, pourrait vraiment m’aider à changer des choses dans mon quotidien. J’ai découvert que psalmodier m’épurait de mes attitudes négatives. J’ai commencé à penser différemment. Tout me paraissait plus léger. J’avais besoin d’une nouvelle mentalité pour endurer mon horrible mariage, et ma «pratique» m’aidait à reprogrammer mon cerveau, à entrer dans la lumière, à prendre les bonnes décisions. La pratique me rendait plus forte» dit Tina dans son autobiographie.

En 1976, après sa séparation avec Ike, Tina TURNER entame alors une seconde et longue vie d’artiste. Il faut dire, là aussi, que le succès n’est pas arrivé tout de suite. Tina, en solo, a dû travers le Purgatoire pendant plus de seize ans, et failli être oubliée de tous. En effet, Tina sortira triomphante sur l’adversité, par sa volonté créative pure comme chanteuse, compositrice, danseuse, actrice, icône féministe. En effet, femme hautement résiliente et combative, après sa relation explosive et destructrice avec Ike Izear TURNER, l’artiste était revenue sur le devant de la scène seule, et pourtant plus forte que jamais. Tina était de sensibilité démocrate, une admiratrice de Jacky KENNEDY, mais sans un engagement politique trop marqué : «J’admirais les Kennedy, le Président et la Première Dame, lorsque je les ai découverts au début des années 1960. Grâce à eux, je me suis intéressée à la politique. J’observais Jackie avec soin, j’étudiais ses moindres gestes, et sa façon de parler et de s’habiller m’impressionnait tellement que je me disais : Je veux être comme elle» dit Tina dans ses mémoires. Ses plaisirs étaient de conduire des voitures de sport, une jaguar.

Tina a pu retrouver son équilibre ses performances à la suite de son divorce en 1978, sa brève relation avec David BOWIE, de son remariage, le 21 juillet 2013 avec Erwin BACH, né le 24 janvier 1956, à Cologne (RFA), un cadre de la maison de disque EMI, rencontré en 1986. «Tina, tu me marierais ?» C’est avec ces mots qu’Erwin Bach, l’amour de ma vie, l’homme qui m’a donné le vertige dès que je l’ai vu, m’a demandée en mariage. J’ai adoré sa façon très personnelle de formuler les choses – comme il est allemand, l’anglais est sa seconde langue. Mon «je n’ai pas de réponse à te donner» l’a sans doute surpris. En 1989, on vivait ensemble depuis trois ans. J’allais sur mes cinquante ans ; Erwin, qui en avait trente-trois, pensait que j’attendais un engagement de sa part» dit Tina, dans son autobiographie.

Dans cette partie de sa carrière musicale, avec ses chirurgies esthétiques, ses jambes majestueuses, ses hauts talons, sa perruque dont les cheveux venus d’Afrique et son jet privé, retranchée en Suisse, Tina a su rebondir et connaître un grand succès commercial. Résidante en Suisse, depuis 1995, et ayant mis à sa carrière musicale en 2009, Tina se sent en phase avec le public européen qui l’apprécie beaucoup. Elle a renoncé à la nationalité américaine, pour prendre celle de la Suisse et a acheté une villa somptueuse dans le Sud de la France. Son mari, Erwin BACH, travaillant dans l’industrie du disque lui a ouverte son carnet d’adresses et Tina, qui a traversé 16 ans de galère, a préféré l’aisance matérielle à la qualité artistique. «While rock and roll is rooted in the Black experience and the Black musical tradition, the mainstream industry has racialized it as “white” music. So Tina Turner had much resistance when she wanted to position herself as a rock ‘n’ roll artist” dit Don LINSDAY.

Mais pour ma part, c’est la partie la moins riche de sa vie artistique, le succès commercial (Simply the Best, We Do Not Need Another Hero), n’est pas nécessairement un gage de postérité. En effet, pour se refaire une «virginité», Tina néglige la musique noire en cherchant à plaire un certain public blanc. Il est vrai, aussi bien dans la musique, que la littéraire, ceux qui ont le pouvoir financier, ce n’est pas la communauté noire. Aussi, les artistes ont souvent un choix douloureux à faire : entre la sécurité financière et la marginalisation. «Je n’ai pas parlé à ma mère depuis Dieu sait quand, probablement dans les années 2000. Je ne pense pas qu’aucun de mes frères ne lui ai parlé depuis longtemps, non plus. Ma mère vit sa vie ; elle a un nouveau mari (Erwin BACH) et elle est en Europe. Elle ne veut rien avoir à faire avec le passé» dit Ike Junior.

Tina avec eu deux enfants, avec Raymond HILL, maintenant décédés : Craig TURNER (1958-2018) et Ronnie TURNER (1960-2022). La question de l’héritage ne tardera pas à se poser en raison de deux enfants adoptifs encore en vie et remuants (Afida TURNER, Ike Junior).

REFERENCES

I – Contributions de Tina TURNER

TURNER (Tina), Autobiographie, en collaboration avec Deborah Davis et Dominic Wichmann, traduction de Pierre-Paul Durastanti, Paris, Harper Colins, 2019, 251 pages ;

TURNER (Tina), Happiness Becomes You : A Guide for Changing your Life for Good, en collaboration avec Taro Gold et Regula Curti, Astria Books, Simon and Schuster, 2020, 240 pages ;

TURNER (Tina), My Love Story, Century, 2018, 2019, Arrow, 272 pages ;

HASDAY (Judy, L.), Tina Turner Story, Philadelphia, Chelsea House Pub, 114 pages ;

TURNER (Tina), Talking Back my Name, en collaboration avec Nigel Cawthorne, Virgin Books, 1999, 271 pages.

II – Références sur la biographie de Tina TURNER

BEGO (Mark), Tina Turner : Break every Rule, Lanham (Maryland, Etats-Unis), Taylor Trade Publishing House, 2005, 336 pages ;

BRACKETT (Donald), Tumult : The Incredible Life and Music of Tina Turner, Guilford (Connecticut), 2020, pages ;

DELOEUVRE (Guy), Tina Turner, Hero, Publication indépendante, 2018, 74 pages ;

FISSINGER (Laura), Tina Turner, Ballantine Books, 1985, 166 pages ;

LUCKETT (Jacqueline, E.), Searching for Tina Turner. A Novel, New York, Grand Central Publishing, 2010, 320 pages ;

MABERY (D. L.), Tina Turner, Minneapolis, Lerner Publication Co, 1986, 48 pages ;

PORET (Laurent), Tina Turner, Hero, Publication indépendante, 2019, 52 pages ;

PRESTON (Kate), BUDWEG (Peter), SCHINS (Marie-Therese), Stuttgart, Verlag, Tina Turner, 1994, 56 pages, texte en allemand ;

WIN (Ron), Tina, Tina Turner Story, New York, Collier Books, 1985, 158 pages.

III – Références sur Ike TURNER

CAWTHORNE (Nigel), The Confessions of Ike Turner : Taking Back my Name, London, 1999, 306 pages ;

COLLIS (John), Ike Turner : King of the Rythm, London, Do-Not Press, 2003, 252 pages ;

GURALNICK (Peter), Sam Philipps : The Man Who Invented Rock and Roll, New York, Little Brown and Co, 2015, 763 pages ;

Paris, le 24 mai 2023, par Amadou Bal BA – http://baamadou.over-blog.fr/

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