«Simone BILES, une gymnaste hors du commun, championne américaine, une leçon de vie, un conte de fées» par Amadou Bal BA –
En cette période estivale de fête des Jeux olympiques, certains Britanniques, à l’esprit étroit, ont choisi, dans une grande bassesse, de lyncher des demandeurs d’asile. Comme souvent, dans leur indignation sélective, les champions des droits de l’homme, ceux qui portent le monde sur leurs épaules ont choisi de détourner la tête devant les massacres ou humiliations de gens qui ne leur ressemblent pas.
Vous remarquerez, qu’avec notamment l’athlétisme, le football ou la gymnastique, même chez les nations peu métissées, les racisés sont massivement sélectionnés aux équipes nationales. C’est le sens de l’histoire, le monde se créolise, pour reprendre une idée chère à Edouard GLISSANT (Voir mon article, Médiapart, 28 février 2024). Ces Jeux olympiques de Paris, en raison de cette trêve politique, attestent bien qu’on peut vivre ensemble autour de l’essentiel et dans le respect mutuel.
Dans ces Jeux olympiques historiques de Paris de 2024, Simone BILES, l’athlète américaine la plus titrée de tous les temps, gymnaste la plus acrobatique, vient pourtant de loin ; elle a repoussé toutes les limites physiques et sociales en gravissant «la montagne raciale», suivant une expression du poète afro-américain, Langston HUGHES (Voir mon article, Médiapart, 12 février 2024). Simone Ariane BILES est née le 14 mars 1997, à Columbus, dans l’Ohio, un Etat du Nord-Est des États-Unis. Le père a vite abandonné sa famille. Sa mère, Shannon, avait de grandes difficultés à assurer l’éducation de ses quatre enfants «La femme qui m’a donné naissance à Colombus, dans l’Ohio, était la fille de Poppa Biles, d’un précédent mariage. Elle s’appelait Shanon, et, pour l’essentiel, avait grandi avec sa mère à Colombus. La vie a fini par devenir rock’n’roll pour Shanon parce qu’en grandissant, elle s’est fait attraper par l’alcool et la drogue. Quand je suis venue au monde, le 14 mars 1997, ma sœur aînée, Ashley, venait juste d’avoir 7 ans et mon frère Tevin allait en avoir 3. Deux ans plus tard, le 27 janvier 1999, ma petite sœur Adria naissait. Dès lors, notre vie avec Shanon avait commencé à être difficile», écrit Simone BILES dans son autobiographie. Simone, sa sœur, Adria, ainsi que son frère ainé, Tevin, après avoir été placés par une travailleuse sociale en famille d’accueil, ont, finalement, été confiés à leurs grands-parents, Ronald et Nelly, originaires de Bélize. Sa mère n’ayant pu surmonter ses difficultés personnelles, Ashley et Tevin ont été adoptés, par la sœur ainée du grand-père, sa tante Harriet, à Cleveland. À partir du 7 novembre 2003, Adria et Simone sont restés définitivement chez leurs grands-parents. «L’amour ne connaît pas de limite. Il saute les haies, franchit les barrières et traverse les murs pour atteindre sa destination plein d’espoir», écrit Maya ANGELOU (Voir mon article, Médiapart, 22 février 2017).
Ses grands-parents déménagent à Houston, c’est là que Simone découvre, par hasard, la gymnastique, la sortie de son école à une ferme ayant été annulée, le groupe se rend dans une salle de gymnastique «C’est trop bien de danser, d’apprendre à faire des sauts périlleux et tout», se dit-elle. Aimee BORMAN, qui a cru en elle, devient son entraîneuse. La gymnastique étant un sport particulièrement exigeant nécessitant des sacrifices, Simone, d’une énergie débordante et une volonté de fer, commence des entraînements de 20 heures par semaine, mais compte tenu des exigences de cette discipline, elle effectue 32 heures par semaine, et suit donc pour son éducation des cours à domicile. «Pour relativiser ses performances, on dit qu’elle correspondrait au code de pointage actuel, mais pour moi, toute gymnaste s’adapte et évolue, et ce sont aussi des gymnastes comme Simone qui font évoluer la gymnastique. À l’entraînement, on sait ce qu’il faut travailler pour récolter des points et ce qu’il faut améliorer pour ne pas en perdre. En tant que gymnaste, on sait que le travail paie. Même s’il y a quelque chose d’inné dans sa gym, et notamment cette amplitude dans ses acrobaties et cette détente exceptionnelle, il y a énormément de travail derrière. À l’entraînement, mais aussi au niveau mental pour réussir à canaliser tout cela.», écrit Emilie LE PENNEC.
Dans sa jeunesse, Simone BILES avait subi diverses moqueries sur sa petite taille, 1m46, de ses muscles ou des insultes racistes «La prochaine fois, nous devrions nous teindre la peau en noir afin de gagner, nous aussi», avait dit Carlotta FERLITO, une gymnaste italienne ; Gabby DOUGLAS est devenue la première gymnaste féminine noire à gagner l’or olympique au concours général, et Simone BILES, la première gymnaste féminine noire à gagner les championnats du monde. Finalement, Carlotta FERLITTO s’en est excusée «Je veux présenter mes excuses aux Américaines. Je ne voulais pas paraître rude ou raciste. J’aime Simone et je suis une immense fan de la gymnastique américaine. J’ai commis une erreur, je ne suis pas parfaite, j’étais trop nerveuse et je ne réfléchissais pas à ce que je disais. Je suis seulement humaine. Je suis tellement, tellement désolée.», dit Carlotta FERLITO. En dépit d’une déclaration très maladroite et incendiaire de la fédération italienne de gymnastique, tentant d’accréditer l’idée que la puissance et la grâce seraient liées à la race, Simone BILES a pris de la hauteur devant ces attaques racistes «Je voulais que tous sachent que poursuivre ses rêves, pas seulement en gymnastique, mais partout, ne devrait rien avoir à voir avec la couleur de sa peau. Il ne s’agit que de trouver la discipline et le courage de travailler dur», écrit-elle dans ses mémoires.
Finalement, les coups du sort de la vie, une famille peu conventionnelle, les remarques désobligeantes n’ont pas empêché Simone BILES de devenir une icône mondiale, une extraterrestre. Simone participe, en juillet 2013n aux championnats des États-Unis, mais ce fut un désastre, le mental ne suivant pas. «Aucune grande chose n’est créée dans l’instant», disait le philosophe, Épictète. Cependant, ayant travaillé sur elle-même, sur le plan psychologique, passionnée pour son art et résiliente, capable de se dépasser, 6 mois plus tard, Simone remporta les championnats du monde, en septembre 2013, en Hollande. «Le combat se gagne ou se perd bien loin des regards, dans les coulisses, dans la salle d’entraînement, et dehors sur la route, bien avant que je ne danse sous les projecteurs» disait Mohamed ALI (Voir mon article, Médiapart, 17 juin 2023). Le 1er novembre 2015, au Championnat du monde, à Glasgow, en Écosse, Simone avait déjà remporté 14 médailles ; elle est devenue la première gymnaste à remporter trois titres d’affilés. En effet, aux Jeux olympiques de Rio, en août 2016, c’est la consécration, avec une note de 9,9, pour deux médailles d’or en individuel et en équipe. «Aussi incroyable qu’ait été mon destin olympique, mon plus gros cadeau était la chance d’apporter de la joie à ceux qui m’aimaient le plus, les membres de ma famille. Au-delà de toutes les médailles d’or du monde, j’avais voulu les rendre fiers. Après tout, ce sont papa et maman qui les premiers m’avaient donné le courage de rêver aussi grand et de grimper plus haut que je n’aurais jamais imaginé. Ils savaient depuis le début que j’avais des ailes. Ils avaient simplement attendu que je les déploie», écrit Simone BILES, dans ses mémoires. À Rio, Simone remporte une médaille de bronze pour les barres asymétriques. «C’était stupéfiant pour moi de m’imaginer cela, qui n’avait pas perdu une seule compétition où j’étais engagée sur les quatre agrès depuis ma victoire aux championnats des États-Unis en 2013. J’étais la triple championne des États-Unis et la double championne du monde en titre», écrit Simone BILES dans ses mémoires.
Simone BILES a donc écrit une page glorieuse de l’histoire de la gymnastique : «Je l’ai découverte assez tard, mais la première fois que je l’ai vue en compétition, Simone était un peu une extraterrestre. Elle sortait tellement, totalement, de ce que j’avais connu comme style de gymnastique dix ans avant, même si déjà, à l’époque, les Américaines avaient ce dynamisme et des profils plus musculeux… Je me suis tout de suite demandé comment une boule d’énergie pareille arrivait à être si concentrée et si stable, notamment à la poutre, où ça m’a toujours marquée» écrit, Emilie LE PENNEC, dans la préface de l’autobiographie de Simone BILES. En effet, Simone BILES est la gymnaste la plus médaillée de l’histoire avec 41 médailles dans les événements mondiaux : trente en championnats du monde et onze aux Jeux olympiques. Aux JO de Paris, Simone a remporté quatre médailles, trois d’or et une d’argent «J’ai accompli bien plus que mes rêves les plus fous, non seulement pendant ces Jeux, mais aussi dans la gym en général. Je ne peux donc pas être fâchée de mes performances», dit Simone BILES.
Par ailleurs, Simone BILES a révolutionné la gymnastique. Elle s’est inspirée des plus grands sportifs pour devenir la meilleure. La première qualité d’une gymnaste, c’est le courage, la discipline, le travail et croire en soi.
Un Français, Laurent LANDI, est désormais l’entraîneur de Simone BILES depuis 7 ans. La gymnaste est également mariée, depuis le 22 avril 2023, à Houston, à Jesse OWENS, un sportif du football américain.
Références bibliographiques
BILES (Simone), Courage to Soar. A Body in Moton. À Life in Balance, préface de Marie Lou Retton, Grands Rapids, Michigan, Zondervan, 2016, 250 pages ;
BILES (Simone), Mon parcours vers l’envol : un corps en mouvement, une vie en équilibre, traduction de David Lortholary, préface d’Emilie Le Pennec, Vanves, Marabout, 2020, 284 pages ;
BETHANY (Bryan), Simone Biles. Dominant Gymnast, Cavendish Square Publishing, 2020, 65 pages ;
BILLIOUD (Jean-Michel), Simone Biles : s’inspirer des plus grandes pour devenir le meilleur, illustrations d’Aurélie Guarino, Paris, Albin Michel, 2021, 143 pages ;
FISHMAN (Jon. M.), Simone Biles, Minneapolis, Lerner Publications, 2017, 32 pages ;
LAWRENCE (Blythe), Total Gymnastics, Minneapolis, MN, ABDO Publishing, 2017, 64 pages, spéc sur «Superstar Simone BILES» pages 40-44 ;
SCHEFF (Matt), Simone Biles, Minneapolis, MN, ABDO Publishing, 2016, 32 pages ;
SWARTZ (Heather, E.), Simone Biles. Greatest of All Time, Lerner Pub. Group, 2022, 48 pages.
Paris, le 8 août 2024, par Amadou Bal BA –