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«Sénégal: présidentielles de 2024, la nécessité vitale d’un débat d’idées, contradictoire et de qualité, avec des propositions audacieuses conformes aux attentes des Sénégalais» par Amadou Bal BA –

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La banalisation des invectives, des outrances verbales ou des insultes, des menaces ou violences physiques, est devenue une dérive majeure que la démocratie sénégalaise devrait, rapidement, et de façon définitive, résoudre. Dans une démocratie exemplaire de ce «Grand petit pays» qu’est le Sénégal, le débat politique n’étant pas un pugilat, ces postures violentes, cachent mal l’absence d’une vision pour l’avenir, d’un projet alternatif crédible. Le retrait du président Macky SALL de la course des présidentielles, comme la double condamnation pénale de l’opposant M. Ousmane SONKO, loin de clarifier les choses, fait peser de lourdes menaces sur la démocratie exemplaire sénégalaise. À tout moment, tout peut déraper. On a l’impression que, dans ce chaos, un troisième larron, n’importe qui, un démagogue, un dictateur, un populiste, pourrait surgir et conduire ce «Grand petit pays» vers des ténèbres.

M. Amadou BA, premier ministre, a été finalement désigné candidat de BENNO, la majorité présidentielle. M. Abdoulaye Daouda DIALLO, maire et président du Conseil économique et social, ancien ministre, a finalement retiré sa candidature. Cependant et à ce jour, 75 candidats sont encore en lice, dont Thierno Alassane SALL, un ancien ministre de l’énergie ; ils devront franchir le cap des parrainages avant le 27 novembre 2023 (0,6% du fichier électoral, 13 députés ou 120 maires ou présidents de conseil départemental). Il reste donc en lice quelques candidats de la majorité présidentielle, comme M. Mame Boye DIAO, Directeur de la Caisse des dépôts e consignations et maire de Kolda, M. Aly N’Gouille N’DIAYE, M. Mahammed Boun Abdallah DIONNE et Idrissa SECK, ou des dissidents de l’APR, notamment Mme Aminata TOURE dite Mimi, ou le professeur Marie Tew NIANE ou M. Souleymane N’Déné N’DIAYE. Les grands partis politiques, comme le PDS, REWMI, le Parti Socialiste ou l’APR ont perdu leur logiciel politique, n’ont pas renouvelé leur projet politique. Dans le camp de la majorité présidentielle non seulement les appétits s’aiguisent, mais aussi les coups pleuvent. Amadou BA, le premier ministre et Abdoulaye DIOUF SARR, le 19 juillet 2023, venus au siège de l’alliance pour la République (APR), le parti présidentiel, après le retrait de Macky SALL de la course des présidentielles, pour débattre, ont finalement, assisté médusés à une bataille rangée entre militants ; ils ont été obligés de quitter la salle sans pouvoir prendre la parole. Un spectacle particulièrement désolant et inquiétant pour la démocratie sénégalaise, ainsi que ce pléthore de candidatures, ou ce bal d’égos, indique bien l’absence d’un projet politique alternatif crédible. Où est le débat d’idées dans cette présidentielle du 25 février 2024 ?

Au sein de la majorité présidentielle, certains démobilisés par le retrait de la course présidentielle par le président Macky SALL, sont déboussolés et ont déserté le champ de bataille. Le militantisme se réduirait au folklore, à la personne de Macky SALL et à l’accueil du Président à l’aéroport ou à la résidence parisienne du Sénégal. Une image affligeante à ne pas rééditer. Au Sénégal, où cohabitent plus de 200 partis politiques, sans formation idéologique, les militants, ne croyant plus en rien, sont devenus «chasseurs de primes», des écuries présidentielles, prêtes à se battre pour le bout de gras, un petit billet de banque. Une logique alimentaire, de parasites, empêche les militants, dans leur aveuglement, d’y voir clair : «Ne demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, demande ce que tu peux faire pour ton pays» le président John Fitzgerald KENNEDY.

La situation au sein de l’opposition est encore plus préoccupante. Alors que ce parti est interdit, refusant pendant longtemps tout plan B, leur chef étant privé de ses droits civiques, misant sur violence pour provoquer l’alternance, ont fini, et très tardivement, par faire émerger, pas moins de cinq candidats, se disputant les dépouilles de M. Ousmane SONKO, un «cadavre exquis». Les militants, des Séides, des jeunes désœuvrés ou sans perspective, souvent non-inscrits sur les listes électorales, attachant peu d’importance au débat de fond, croient, souvent de bonne foi, que M. SONKO, même en prison, est le seul à pouvoir les sortir du pétrin. «Même s’il avait violé ma sœur, je voterai pour lui», dit un jeune du PASTEF. Aussi, devant un tel aveuglement politique inquiétant pour l’avenir de la démocratie. Déjà les 1er, 2 et 3 juin 2023 des commandos bien organisés avait saccagé des biens publics ou privés au Sénégal et en particulier l’université Cheikh Anta DIOP dont les archives datant de 1957 ont été brûlées. À Paris, le 21 juin 2023, un militant de l’APR, M. Demba N’Dilaane, sortant d’une rencontre avec le président Macky SALL, a été roué de coups par des nervis du PASTEF, le parti de l’opposant Ousmane SONKO ; ils se sont eux-mêmes filmé leur forfait et l’ont diffusé dans les réseaux sociaux (Voir mon article, Médiapart, 24 juin 2023). Cette légitimation et banalisation de la violence, à la place d’un débat de fond, a pris en otage la démocratie exemplaire sénégalaise, ce «Grand petit pays».

Jusqu’ici, ce qui a fait la force, la renommée et le rayonnement dans le monde de ce «Grand petit pays» qu’est le Sénégal, c’est la qualité de sa population engagée, de façon pacifique, depuis 1848, dans de grands débats politiques, pour la conquête ou la conservation du pouvoir. Or, depuis quelque temps certaines certitudes vacillent ; on a l’impression que le débat politique, loin de prendre de la hauteur, est confisqué par des secrets d’alcôve des salons de massage, semble être ramené au niveau du caniveau. Certains intellectuels, frappés d’un aveuglement, face à la luxure, aux incendies criminels des universités, au dénigrement de la justice, aux menaces ou appels à l’insurrection, excusent et justifient tout. Je suis consterné à l’idée que des intellectuels au lieu de clarifier le débat politique, de l’élever au sujet des grands enjeux de notre temps, s’expriment avec tant de légèreté.

Je crois fondamentalement qu’au-delà de nos divergences nécessaires et utiles dans une démocratie, ce qui nous réunit est beaucoup grand que ce qui nous divise. C’est justement ce dont il est question, c’est du Sénégal et de son avenir. Mais de quel Sénégal parle-t-on ?

Dans la consolidation d’une démocratie, on a besoin de comprendre les mutations traversant notre société, afin de tenter d’esquisser des réponses, pour améliorer les conditions de vie des Sénégalais. La politique, au sens noble du terme, loin d’être des incantations puériles, des menaces ou des invectives, c’est donc un débat vivant, contradictoire afin que jaillisse la lumière. Tout au long de l’histoire du Sénégal d’importants débats avaient agité la société sénégalaise.

I – Un Sénégal démocratique, uni, de paix, souverain, ouvert sur le monde, dans le respect mutuel

Nous avons de précieux enseignements à tirer de l’histoire du Sénégal, afin de consolider la démocratie sénégalaise, notamment à travers la révolution des Almamy du Fouta-Toro, la plus marquante de l’histoire du Sénégal. L’Homme africain est bien entré dans l’histoire. Il se trouve seulement, et pour une bonne part, nous sommes victimes d’un esclavage mental. Et pourtant la Révolution de 1776, du Fouta-Toro, initiée par Thierno Souleymane BAL (Voir mon article, Médiapart, 5 avril 2020) et les Almamy notamment les thèmes de la souveraineté et de la bonne gouvernance, sont plus que jamais d’actualité. En effet, en 1776, la première révolution du monde, bien avant celle des Etats-Unis, avait été posée par notre ancêtre commun, avec Amadou BA, candidat de BENNO, à savoir Thierno Sileymane BAL, avec la destitution de la dynastie des Déniankobé, l’alternance, un régime fondé sur l’élection. En effet, la prohibition des régimes monarchiques et dynastiques se manifeste par la désignation de l’Almamy par le collège des grands électeurs venant de six provinces du Fouta. Cette décision doit être entérinée par le «Battou», une assemblée générale des Foutankais. En particulier les Almamy du Fouta-Toro ont posé une règle fondamentale, pourrissant actuellement les Etats africains, à savoir, le refus de la patrimonialisation du pouvoir, les principes de bonne gouvernance, de compétence et donc une gestion sobre et vertueuse. Les Satiguis s’étant accaparés des terres, une des grandes mesures prises par les Almamy a été le «Féccéré Fouta» ou la redistribution des terres Tout Almamy qui s’enrichissait pouvait être destitué, immédiatement, par le «Battou». L’impôt, le produit des amendes et tous les revenus de l’Etat doivent être utilisés à des actions d’intérêt général. Un système embryonnaire de sécurité sociale a été érigé, à savoir que les orphelins, enfants et vieillards doivent être protégés. Les Almamy ont mis en place la décentralisation, une justice de proximité équitable, avec un système de double degré de juridiction. C’est un Etat déconcentré, avec ses provinces et ses communes. En effet, Thierno Sileymane BAL innove aussi, dans chaque village s’auto-administrant. Au Fouta, c’est cette institution villageoise ayant encore survécu de nos jours, qui a le plus résisté à l’épreuve du temps. L’Etat du Fouta-Toro bien défini dans ses frontières, affirmant sa souveraineté et refusant, comme de nos jours, à être une simple province française. L’Etat du Fouta-Toro se positionne dans ses relations internationales à l’égard des autres entités, notamment les comptoirs français à Saint-Louis, en interdisant tout commerce illicite, comme la vente d’esclaves ou de spiritueux, et en appliquant des taxes sur le droit de passage des commerçants français. De nombreux traités de commerce finiront par être signés avec le puissant Etat du Fouta-Toro, exigeant d’être respecté.

En dépit de mes éloges appuyés sur le régime des Almamy, je formule trois réserves très sérieuses.

Tout d’abord, l’origine familiale, des ancêtres, aristocratique ou ethnique, n’a aucune valeur en démocratie. Un égale Un. Seule la compétence est un critère important pour briguer une charge publique, comme d’ailleurs l’avaient déjà formulé les Almamy. Or, on a tendance au Sénégal, par des polémiques inutiles ou par des flatteries bien intéressées, à s’embourber dans des débats oiseux, accessoires, et donc à s’écarter de l’essentiel. Le fait que M. Amadou BA soit un descendant de Thierno Sileymane BAL, avec ces ancêtres originaires du Fouta-Toro, n’est pas, en soi, «un titre foncier», pour reprendre une formule célèbre et malheureuse d’un griot. On se souvient, après l’excellent travail du professeur Iba Der THIAM sur l’histoire du Sénégal (Voir mon article, Médiapart, 1er novembre 2020), afin de combattre cet esclavage mental, la lamentable polémique de la famille des marabouts NIASSE de Kaolack : on n’a pas parlé d’eux. Dès que quelqu’un engage un débat de fond, ou remporte même un prix Goncourt, comme Mohamed M’Bougar SARR (Voir mon article sur la réception de ce Goncourt, Médiapart, 7 novembre 2021), il y a des forces obscures qui mettent en place, pour poignarder le Sénégal dans le dos. Dans sa compétence, M. Amadou BA me paraît être le candidat de BENNO, le mieux indiqué, à la seule condition qu’il prenne en charge les enjeux majeurs de 2024. Le précieux viatique du président Macky SALL, un pharaon des temps modernes, ayant posé une importante règle constitutionnelle de limitation du quinquennat, combattue par une opposition irresponsable, ne suffira pas, pour gagner ce scrutin majeur, pas comme les autres. En effet, M. Amadou BA, le candidat de BENNO ne devrait pas, à mon modeste avis, se positionner uniquement comme «un héritier» ; il devrait surtout dépasser cet excellent bilan du président Macky SALL, par des propositions audacieuses, pour faire franchir le Sénégal, un «Grand petit pays», une nouvelle étape, confirmer et amplifier l’exception de la démocratie sénégalaise. En effet, chaque nouveau président devrait être à l’écoute des nouvelles demandes du pays, notamment en termes de souveraineté, de nouvelles relations avec la France fondées sur des avantages mutuels et un profond respect, de réduction des inégalités au sein du pays, l’emploi et la formation des jeunes, un début d’industrialisation et un modèle de consommation autocentré. Il faudrait donc une gestion sobre et vertueuse, et surtout un refus catégorique de toute patrimonialisation de l’Etat. Le Sénégal appartient à tous les Sénégalais, et non à des castes, familles, laudateurs, parasites ou groupes de pression, dilapidant ses ressources devant être mobilisées pour tous.

Ensuite, l’interdiction de l’esclavage, dans le régime des Almamy, n’avait pas été résolue de façon satisfaisante, les prisonniers politiques, non musulmans ou refusant de se convertir à l’Islam ; ils n’étaient pas concernés par cette prohibition. De nos jours, les Etats africains s’intéressent très peu à la question de l’esclavage, pourtant un thème central dans l’histoire politique africaine. Sans doute, et de façon inconsciente, il y a un sentiment de culpabilité. Les anciens royaumes ont vendu aux esclavagistes européens, leurs sujets ou prisonniers. Les principaux responsables de ce commerce transatlantique ce sont les Européens, mais les Africains ont également une part de responsabilité. Dès le départ, les Occidentaux, notamment les Français, ont appliqué, méthodiquement, le système de «diviser pour mieux régner». Les colons ont joué la cupidité et les conflits internes des Africains, en s’appuyant sur le Boundou qui avait fait assassiner Abdelkader Kader KANE, pour progressivement anéantir, progressivement, l’Etat du Fouta-Toro, leur principal ennemi. Pour ma part, l’esclavage doit rester un sujet central, à l’école et dans les recherches universitaires. En effet, la colonisation, à travers le Code de l’indigénat, le travail forcé, n’était qu’une forme déguisée de l’esclavage. La Françafrique, là aussi avec la complicité des gouvernements africains et de la CEDEAO, c’est la perpétuation du régime de la colonisation, depuis 1960. Les pays africains, contrairement au mensonge des Occidentaux, sont riches ; le Sénégal regorge en ressources pétrolières, gaz et or. Les pays africains sont des pays riches, mais leurs populations sont pauvres et ne songent qu’à prendre la pirogue ou traverser le désert. Par conséquent, là est l’esclavage moderne ; nous devons donc briser ces chaînes invisibles.

Enfin, le régime des Almamy avait instauré un Etat théocratique. Républicain et démocrate, je réaffirme solennellement, fortement et fondamentalement, au caractère civil, laïque et démocratique de la forme du gouvernement. Contrairement à certains, je ne ferai pas l’éloge des régimes ou coups d’Etat militaires. Même si le débat politique peut être parfois violent au Sénégal, nous avons déjà eu deux grandes alternances, et tous les scrutins, âprement disputés, sont finalement acceptés par tous. Cependant, dans le débat politique sénégalais, tous les acteurs politiques évitent, soigneusement, d’évoquer la constante intrusion du clergé musulman dans les affaires de l’Etat (Les familles Mourides, NIASSE, SY, Layène, BA de Madina Gounasse, plus de 70 Dahiras). Jadis, Cheikh Ahmadou Bamba BA (Voir mon article, Médiapart, 17 août 2020) avait, sur une base nationaliste, soutenu Blaise DIAGNE (Voir mon article, 25 août 2011), devenu le premier député africain à l’Assemblée nationale française. Sitôt, élu, Blaise DIAGNE, un laboratoire de la Françafrique, a mobilisé, sous la contrainte du général MANGIN, des troupes de tirailleurs sénégalais, pour «sauver la Mère-Patrie», évoquant encore de nos jours l’interdiction de l’Abaya à l’école. Cependant, et contrairement, à ses calculs, ce sont les tirailleurs sénégalais, gazés, dont les pensions ont été gelées, mitraillés à l’arme lourde le 1er décembre 1944, qui ont posé la question de l’égalité, contre le Code de l’indigénat, mais aussi celle de l’indépendance, un sujet tabou à l’époque. Mamadou DIA (Voir mon article, Médiapart, 13 août 2020), un nationaliste, président du Conseil, a été mis en prison de 1962 à 1974 et ses amis exilés dont Ahmadou Mahtar M’BOW (Voir mon article, Médiapart, 20 mars 2021), par puissantes communautés religieuses parasitaires, de connivence avec la Françafrique. Le Sénégal est un Etat à 95% de musulmans, mais la religion doit rester une affaire personnelle, et ne pas intervenir dans les affaires de l’Etat. Le clergé musulman n’a pas à interférer dans la démocratie sénégalaise, notamment à travers des consignes de vote, le N’Diguël, conditionné par un retour d’ascenseur, d’importants avantages financiers, la construction de mosquées, d’universités religieuses, ou l’octroi de passeports diplomatiques ; ces importantes ressources financières devraient être utilisées pour de grands projets au service de tous. A mon sens, les financements des autorités religieuses, jusqu’ici occultes et sans aucun contrôle, devraient être plafonnés et débattus, en toute transparence, devant le Parlement.

Par ailleurs, la religion musulmane a anéanti presque toutes les valeurs traditionnelles africaines du Sénégal. Être musulman n’a jamais voulu dire faire écraser la culture africaine par celle des Arabes ; c’est le point de vue de Pathé DIAGNE (Voir mon article, Médiapart, 27 août 2023), mais aussi d’Iba Ciré N’DIAYE (Voir mon article, Médiapart, 5 mars 2022). Il y a de bonnes traditions, connaissances ancestrales ou culturelles, il faudrait les maintenir, et les mauvaises, s’en séparer, sans ménagement.

II – Le Sénégal et ses autres grands débats de notre temps

1 – Un Sénégal de paix, uni, tolérant, accueillant, démocratique, réaffirmant fondamentalement le caractère civil, républicain et laïque de l’Etat, refusant tout régime monarchique et dynastique de gouvernement

Plusieurs démons, hantent ou parasitent ce débat politique, constamment régulièrement agité par des diatribes, des calomnies, des invectives, des injures ou la légitimation de la violence crapuleuse ou l’apologie des régimes militaires, «Tout le monde a un rôle à jouer dans l’application de la démocratie. Et il n’y aura jamais de véritable démocratie tant que chaque adulte responsable et respectueux des lois, sans considération de race, de sexe, de couleur ou de croyance, n’aura la possibilité de se faire entendre de manière inaliénable et non négociable au sein du gouvernement» disait Chinua ACHEBE, un éminent écrivain nigérian. Par conséquent, il n’y a pas de bonne démocratie, il n’y a que de bons démocrates. Tout acteur sur la scène publique, gouvernant, parti politique, communiquant, ou un simple citoyen, doit partager et respecter un minimum de principes républicains. Personne, gouvernants ou opposants, n’est au-dessus des lois républicaines. Ce socle minimum, vital et exigeant des principes de l’Etat, ne devrait pas être négociable.

Ce qui fait le prestige et l’exemplarité du Sénégal, à travers, c’est la stabilité depuis 1960, dans la paix, la tolérance interdisant toute ethnicité dans un pays fondé sur une grande diversité, le caractère civil du gouvernement, après des débats libres, et intervalles réguliers, le peuple sénégalais, consulté, tranche les débats, en toute souveraineté.

2 – Un Sénégal souverain, mais ouvert vers le monde, dans la défense radicale des intérêts de ses populations, notamment les plus défavorisées ;

Pendant longtemps, le Sénégal est resté le précarré de la Françafrique, avec des relations internationales peu diversifiées. Maître Abdoulaye WADE et le président Macky SALL, par une politique pragmatique, ont ouvert le Sénégal à la Chine, à la Turquie, et maintenant aux Etats-Unis de Joe BIDEN, depuis la guerre en Ukraine, pour des questions géostratégiques.

À ceux qui attisent le sentiment antifrançais, je le dis que le Sénégal doit coopérer avec tous les pays du monde, y compris avec la France, l’ancien colonisateur. Cependant, le Sénégal, indépendant, théoriquement depuis 1960, doit défendre, sans concession ses intérêts, et surtout se faire respecter. Ceux qui profitent de l’Afrique, depuis les temps de l’esclavage, et dont le bonheur est fondé sur le malheur des autres, ne remettront pas en cause leurs privilèges. Ainsi, dans ses propositions sur l’immigration, le Parti socialiste français, dans ses dérives de la social-démocratie, comme les autres partis politiques, partisan de l’Empire colonial, ne résonnent, dans les relations avec leur précarré africain, qu’en termes d’aide, de lutte contre l’immigration ou le communisme. Or l’Afrique n’est pas pauvre. Ses gouvernants sont vautrés dans l’opulence, mais les populations africaines vivent dans la misère noire ; c’est le cas, sans jeu de mots de le dire. Le Sénégal regorge en pétrole, gaz, or, ressources halieutiques. La principale revendication, qui devrait être le crédo de toutes les forces politiques sénégalaises, c’est de retrouver la souveraineté sur nos matières ; et surtout une «gouvernance sobre et vertueuse», une bonne gestion, dans la sobriété et la transparence des deniers publics ; ces points ne ressortent pas de la compétence de la France, d’une exigence de probité s’imposant aux gouvernants africains.

La CEDEAO, au lieu de renforcer l’unité africaine, en termes de défense, de monnaie, d’infrastructures, de politiques économiques ou extérieure, est parfois instrumentalisée dans des combats, loin des intérêts des populations africaines, comme au bon temps de l’Empire colonial.

3 – Le refus catégorique de toute patrimonialisation de l’Etat : la place de l’argent dans la société sénégalaise

Un point central, échappant à un débat politique sérieux, chaque camp pointant du doigt l’autre, l’argent a tout pourri dans les sociétés africaines, et en particulier au Sénégal. Gouvernants, administrations, citoyens, divers groupes de pression (Marabouts, syndicats d’étudiants, d’enseignants, fonctionnaires par divers ateliers de réflexion ou voyages extérieurs avec frais de missions, membres de la famille des gouvernants ou de simples griots) ; tout le monde tape dans les caisses de l’Etat. En l’absence d’une bourgeoisie nationale, le seul moyen de s’enrichir vite, est de détourner les deniers publics. Dès que quelqu’un accède au pouvoir, une série de pressions familiales, amicales de pseudo-militants affamés, souvent lâches, traîtres et ingrats à la moindre occasion, s’abattent sur lui, le poussant à devenir malhonnête. Le bon gouvernant, c’est lui seul qui aide, sans limites, ses proches et ses soutiens. Cette dictature de l’argent un cercle vicieux, peu vertueux, ne favorisant pas la probité et la transparence.

A mon sens deux grandes directions de recherches peuvent être dégagées.

Chaque citoyen est en droit d’exiger une bonne gestion et une transparence, dans la plus grande probité et rigueur, sans conflits d’intérêts, des deniers publics. Dans le système mis en place par la Françafrique, pour piller et mettre le grapin sur les matières premières africaines, il y a cette autorisation donnée aux gouvernants africains défendant l’Empire colonial, à détourner massivement les deniers de leurs pays, à acheter des biens en France, à déposer leur butin dans les banques françaises, et à venir, avec leurs familles et amis, en villégiature ou se soigner en France. Ce vaste système de brigandage est donc à la base de ces régimes monarchiques et dynastiques. Les gouvernants qui ont détourné, redoutent, une fois après avoir lâché le pouvoir, que leurs successeurs les briment et les dépouillent de tout.

Plusieurs pistes ou directions de recherches

Tout d’abord, il est vital de faire émerger une bourgeoisie nationale au Sénégal. Le souci et l’ambition d’être riche sont légitimes ; mais cette aisance matérielle ne devrait pas se faire sur le dos de l’Etat. Si l’on veut s’enrichir, l’Etat, en stratège, devrait faire émerger une bourgeoisie nationale, sérieuse et innovante.

Cependant, un début d’industrialisation et l’émergence d’une bourgeoisie nationale, nécessitent un système bancaire, un réseau de communication sûr et contrôlé par l’Etat. Or, certaines chaînes d’information continue de la Françafrique, émettant en direct au Sénégal, sont problématiques, étant une émanation directe des forces du Chaos, sapent toute volonté d’émancipation du Sénégal.

Ensuite, cette bourgeoisie nationale, pourrait occuper des secteurs stratégiques, comme l’agriculture on consomme du riz importé, qu’on ne produit donc pas, la pêche restée artisanale avec de nombreux sinistres et disparitions en mer, la transformation des produits locaux, les effets vestimentaires, ou le très dynamique secteur du bâtiment. Un Etat stratège, devrait dans le domaine de l’agriculture en particulier permettre aux paysans l’accès à l’eau, l’énergie, la chaîne de froid, et au foncier objet de grandes spéculations internes et externes.

Enfin, l’industrialisation n’est possible que les valeurs du travail, du goût de l’effort, le civisme, la sécurité des transactions sont favorisés et encouragés par l’Etat.

4 – Un système éducatif, de santé et une administration performants et désintéressés ;

Les infrastructures développées par le président Macky SALL, sont une rampe de lancement importante vers un Sénégal Emergent. Cependant, plusieurs points très sombres ont presque échappé au débat politique.

Tout d’abord, il n’a échappé à personne que le système éducatif sénégalais est en faillite, avec une baisse grave du niveau, en raison notamment des grèves répétitives, des années scolaires et universitaires, constamment décalées. Je suis scandalisé que certains pseudo-intellectuels ou politiciens excusent ou mettent sur le compte d’un prétendu «droit à la résistance» que les archives des universités soient incendiées par les étudiants. Une des causes de ces grèves dans le secteur de l’enseignement réside dans le fait que les échelons, promotions ou heures supplémentaires des enseignants, ou autres accords avec l’Etat, ne sont pris en compte que plusieurs années après.

Ensuite, il n’a échappé à personne qu’un des grands points sombres de l’administration sénégalaise, c’est un système de santé désastreux. Pour entrer dans un hôpital de la capitale, une taxe est exigée, et les divers grands médecins travaillant dans les hôpitaux publics, sont de connivence avec les laboratoires d’analyse, les pharmacies ; ou pire, ils ont leurs cliniques, ce qui constitue un grave de conflit d’intérêts. La classe politique africaine ou sénégalaise, consciente de la gravité de la situation, ne fait pas confiance à ses hôpitaux, et va se soigner en Europe. La plupart des gouvernants africains meurent d’ailleurs souvent à l’étranger, comme ce fut le cas de ce grand «révolutionnaire» Sékou TOURE, décédé aux Etats-Unis. La liste est longue de dirigeants sénégalais morts à Paris.

Enfin, pays sans archives peu fiables, donc sans mémoire nationale, l’Etat civil au Sénégal est peu rigoureux, peu fiables, et cela porte souvent un grave préjudice pour la transcription des actes civils ou les dossiers de pensions de réversion, notamment pour les immigrants disparus en France. Il arrive fréquemment l’IPRES redemande les mêmes documents, plusieurs fois, à la veuve du disparu.

Ce qui caractérise essentiellement l’administration sénégalaise, c’est l’indolence, le soupçon permanent de népotisme ou de corruption. Les nombreuses fêtes laïques, religieuses, les autorisations d’absence non contrôlées, le non-respect de l’assiduité ou de la ponctualité, tout cela nuit, gravement, à la qualité du service public.

La Poste sénégalaise qui recevait avant les mandats des immigrés, en raison de son impéritie, je dirai même de sa forfaiture, a été supplantée par Western Union.

L’internet et la téléphonie au Sénégal, d’un coût prohibitif, et une qualité du service particulièrement médiocre, sont un grand scandale de notre temps. À chaque fois, que j’appelle au Sénégal, notamment par WhatsApp, la conservation est constamment interrompue.

8 – La place éminente de la diaspora, mais souvent dévalorisée et négligée.

Les diasporas sénégalaises sont victimes d’une double méprise.

D’une part, dans les pays de leur résidence, ils sont souvent l’objet de mesures discriminatoires, parfois des violences ou meurtres, sans la protection diplomatique prompte ou appropriée du Sénégal. Au début de la crise du Covid-19, l’Etat du Sénégal avait témoigné de la faible connaissance de la localisation de ses nationaux, confrontés à de graves difficultés, notamment en Chine. Une nième loi d’immigration est envisagée en France.

Par ailleurs, le Sénégal s’est carrément désintéressé du sort des enfants nés à l’étranger de parents sénégalais, mais dont le lien avec leurs ancêtres africains a tendance à se distendre ou s’évanouir. La campagne des dernières présidentielles, déjà très violente contre les Africains, n’a pas empêché les Européens d’accueillir plus de 5 millions de réfugiés ukrainiens, objet de toutes les attentions. Depuis 2021, la France a dématérialisé les rendez-vous des titres de séjour, mais les Africains, en situation régulière, ont toutes les peines du monde à faire renouveler leurs papiers et on les fait basculer volontairement vers l’illégalité ; un Code de l’indigénat, un système d’Apartheid, ne touchant ni les Britanniques sortis de l’Union européenne, ni les Ukrainiens, est en train de se mettre en place, en France, avant même l’arrivée du Rassemblement national au pouvoir.

D’autre part, les Sénégalais de l’intérieur ont parfois peu de reconnaissance à l’égard de leurs compatriotes établis à l’égard, souvent qualifiés hâtivement et tort, de «traitres», «complexés» ou connaissant peu les réalités du pays, donc illégitimes à participer au débat national sénégalais ; comme si le seul de fait d’habiter sur le territoire donnait, à lui seul, un brevet inattaquable de clairvoyance et de nationalisme.

Et pourtant les diasporas sénégalaises sont des héros du quotidien, par les mandats qu’elles envoient mensuellement au pays, et par les projets de développement engagés dans leurs villages souvent défavorisés du Fouta ou à Bakel (éducation, santé, solidarité).

La Chine a fait de ses diasporas une extraordinaire source de puissance financière. Or, les Sénégalais de l’extérieur, sans un système bancaire sénégalais et en raison de graves défaillances que j’ai relatées de la poste sénégalaise, sont obligés de passer par Western union, avec des contrôles abusifs ou intrusifs (Origine des fonds, montants à dépasser, destinataire des fonds).

Paris, le 16 septembre 2023, par Amadou Bal BA – http://baamadou.over-blog.fr/

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