«Sénégal : législatives du 17 novembre 2024. Le PASTEF d’Ousmane SONKO remporte la majorité. Un véritable triomphe, mais pour quoi faire ? Quels rapports de forces au sein de l’opposition, l’avenir de l’APR et de Amadou BA ?» par Amadou Bal BA
Dans la nouvelle assemblée issue du scrutin législatif du 17 novembre 2024, toujours à 165 sièges, mais avec une importante recomposition politique, 46 listes sont en présence, mais cinq blocs majeurs. Signalons de nombreuses autres coalitions, dans un pays comportant plus de 300 partis politiques.
Le suspense n’a pas duré longtemps, la tendance lourde est une victoire du PASTEF de Ousmane SONKO, Premier ministre, à ces législatives anticipées du 17 novembre 2024. Ce ne sont encore que des résultats non encore officiels. Le PASTEF a déjà obtenu 131 sièges, soit la majorité absolue. C’est un triomphe pour le gouvernement qui a également, raflé plus la majorité des 3/5e (99 sièges) en vue de conduire ses réformes dites de rupture. Takku Wallu (Macky SALL) est à 16 sièges, Jamm Ak NJarin (Amadou BA) 7 sièges et Samma Kaddu (Barth DIAS) 3 sièges, Andu Nawlé 2 sièges, 1 sièges pour chacune des formations : les Nationalistes, Sénégal Késsé, Sopi Sénégal, Natangué, And Ci Koluté, et And Béssal Sénégal.
L’opposition a reconnu sa défaite et félicité Ousmane SONKP. Le Sénégal est un «Grand petit pays» en référence au titre de mon ouvrage, une démocratie exemplaire. En effet, contrairement à certains régimes monarchiques et dynastiques, ainsi que les régimes militaires, dont les périodes transitoires ne cessant de se prolonger, le Sénégal organise, à échéances régulières, des élections ; le verdict est accepté par tous. Le Conseil constitutionnel, depuis sa décision du 15 février 2024, a gagné en indépendance et en légitimité.
Dans l’attente de la confirmation de ces résultats par le Conseil constitutionnel, à ce stade, plusieurs questions me taraudent.
1re observation : en 2024 il y a une légère hausse du taux de participation par rapport à la législative de 2022,
Le taux de participation à la législative du 17 novembre 2024 est de 49,72% contre 46,60% le 31 juillet 2022. On redoutait une baisse de la participation, à ces législatives anticipées, en raison probablement d’une campagne électorale médiocre. Le vote, pour les législatives du 17 novembre 2024, après quelques violences isolées, des invectives et des noms d’oiseau, s’est tout de même déroulé, en fin de campagne, dans le calme et la sérénité.
Dans l’Assemblée nationale sortante (165 sièges), issue du scrutin législatif du 31 juillet 2022, le rapport de forces était le suivant : : Benno 82 sièges, Yewi 56, Wallu 24, Serviteur 1, Alternative 1 et Bok Gis Gis 1.
Aux élections présidentielles du 24 mars 2024, pour 7 371 890 électeurs, nombre de votants, 4 519 253 votants (taux de participation 61,30%), suffrages exprimés, 4 485 128, les résultats étaient les suivants : Bassirou Diomaye FAYE, du PASTEF, 2 434 751, 54% élu au 1er tour, Amadou BA, Benno, 1 605 086, 35%, Aliou Mamadou DIA, PUR, 125 690, 2% et les 16 autres candidats sont à moins de 2%.
C’est donc une double victoire massive du PASTEF, aux présidentielles, comme aux législatives.
2 – Le PASTEF doit agir pour le bien-être de tous et moins parler
Après la présidentielle, le peuple sénégalais a donné une majorité parlementaire au gouvernement d’Ousmane SONKO. Après des moments de doute et de fébrilité, notamment au sujet du bilan des 8 mois au pouvoir du PASTEF, que fera le Premier ministre Ousmane SONKO de sa victoire, maintenant totale ?
Le PASTEF, élu sur un programme dit de rupture, l’appliquera-t-il intégralement ? Qu’est-ce qui va changer réellement dans la vie quotidienne des gens, en termes de pouvoir d’achat et d’emploi des jeunes ? Quelle démocratie apaisée pour le Sénégal et une justice indépendante ? Quels nouveaux rapports avec la France ?
Qui sera au perchoir, à la présidence de l’Assemblée nationale ? Quel rééquilibrage des pouvoirs entre le président Bassirou Diomaye FAYE et le Premier ministre Ousmane SONKO ?
Le Premier ministre, Ousmane SONKO, l’homme fort du Sénégal, maintenant qu’il a la majorité parlementaire, n’aura plus d’excuses, il devrait moins parler ; dire n’est pas faire. Il devrait agir pour appliquer son programme et répondre concrètement aux besoins de la population. 8 mois sont déjà perdus, et le mandat présidentiel est de 5 ans. En effet, le Premier ministre Ousmane SONKO, à mon sens, devrait quitter ses habits d’opposant, abandonner, dans la mesure du possible, les invectives et les menaces, pour se consacrer, sans relâche, à l’application de son programme, très fortement et doublement plébiscité par les Sénégalais. Les grands défis sont connus de tous : l’agriculture, l’éducation, la santé, l’énergie, la pêche, l’environnement, l’emploi des jeunes, le pouvoir d’achat et une gouvernance sobre et vertueuse. Au boulot, Monsieur le Premier Ministre !
En particulier, Me Malick SALL, ancien Garde des Sceaux, ministre de la Justice, pour accompagner dans la réconciliation du gouvernement avec le Fouta-Toro et ses diasporas, un terrain encore hostile, en vue de bâtir des projets innovants, pour le bien-être de tous. Rassembler les Sénégalais, autour de l’essentiel, et laisser une trace indélébile dans l’Histoire, un grand juge.
3 – L’échec de l’opposition. Quelles perspectives ?
L’ancien président Macky SALL, qui a élu domicile au Maroc, a raté son comeback en politique. On a eu finalement le match Macky SALL-Ousmane SONKO, qui n’avait pas eu lieu à la présidentielle de 2024. Faire une campagne de l’étranger, par WhatsApp, après le coup d’État électoral du 3 février 2024 a été une erreur fatale du président Macky SALL. Son parti, l’APR, très lié à son fondateur, sans lui, déjà affaibli, par deux défaites électorales successives, risque d’imploser et de disparaître, par un mouvement massif de transhumance. Malheur aux perdants !
Un des symboles de la débâcle de l’APR est la cuisante défaite de Mansour FAYE, le beau-frère de l’ancien Président, à Saint-Louis. Mary Teuw NIANE en avait fait une question de principe, en quittant l’APR pour le PASTEF. Les chances de Macky SALL de revenir dans la présidentielle de 2029 semblent compromises. En tout cas, c’est une longue traversée du désert qui attend le Lam-Toro, le Pharaon des temps modernes. Cependant, un homme politique, tant qu’il n’est pas mort, reste vivant.
Amadou BA a été devancé par l’APR dans ses législatives ; et il a perdu dans son bureau de vote. La chance, en politique, ne se présente pas chaque jour, il y a des occasions manquées qu’il sera difficile de retrouver par la suite. Candidat malheureux à la présidentielle de 2024, Amadou BA avait eu un remarquable et très honorable score de 35%, en dépit du fait qu’il avait été flingué par l’APR et Macky SALL. Cependant, homme consensuel, très avenant, Amadou BA a manqué d’esprit de décision, voire de sens politique, en de grandes occasions. C’est tout d’abord, lors du coup d’État électoral du 3 février 2024, il aurait dû démissionner immédiatement, convoquer une conférence de presse, et ne pas attendre d’être remercié, comme un malpropre. C’est d’autre part, il a attendu trop longtemps pour créer son mouvement. C’est enfin, sa conférence de presse ratée, où il a passé une bonne partie de son temps, au lieu d’expliquer sa vision, à se justifier devant le Premier ministre, Ousmane SONKO, accréditant ainsi ses accusations. Un bon politique, dans un esprit de décision, c’est un tueur ; il faut savoir tuer, pour ne pas être tué.
Barthélémy DIAS a totalement raté sa campagne électorale. Certains combattants résilients et combattifs, comme Thierno Alassane SALL, de Sénégal Késsé, ont survécu. Bravo, T.A.S. !
Paris, le 17 novembre 2024, par Amadou Bal BA