«Sénégal : fortes tensions, dramaturgie, une hypothétique déclaration de politique générale du Premier ministre, précédée d’un adresse à la Nation du Président de la République, donc la très probable dissolution de l’Assemblée nationale, le 12 septembre 2024, avec des législatives anticipées» par Amadou Bal BA
Comme son cousin français, le Sénégal fait face à de graves turbulences politiques, marquées par des purges, une chasse aux sorcières, des menaces graves aux libertés dignes de Maximilien ROBESPIERRE ou de Nicolas FOUCHET (Interdictions de sorties du territoire, sans aucune décision de justice, convocations, emprisonnements d’opposants, licenciements sans respect des règles de procédure).
Il est très probable que le PASTEF n’ayant que 56 députés sur les 165 députés ne s’exposera pas, à une motion de censure. En principe, l’hypothétique et peu probable déclaration de politique générale, attendue depuis avril 2024, du Premier ministre, est programmée pour le vendredi 13 septembre 2024. En effet, dans une intervention publique récente M. Ousmane SONKO, le Premier ministre, semblait indiquer qu’une dissolution pourrait bien intervenir le 12 septembre 2024. À cette occasion, et comme dans un meeting politique, s’exprimant non pas comme un Premier ministre, avec des polémiques inutiles, dignes d’un chef de parti, M. Ousmane SONKO, a qualifié dédaigneusement les députés de la République «ces gens-là» (Voir mon article Médiapart). Je crois que la noblesse de la politique, au-delà des divergences ou des tensions, c’est un minimum de considération. À l’entame de sa déclaration de politique générale, j’espère que notre Premier ministre s’excusera de cette intolérable faute politique.
Cependant, le président de la République, M. Bassirou Diomaye FAYE, a consulté, le 9 septembre 2024, M. Amadou Mame DIOP, le président de l’Assemblée nationale, d’un projet de dissolution «J’ai l’honneur de porter à votre haute attention que je n’ai pas d’objection à une procédure de dissolution. L’Assemblée nationale, Institution de la République, demeure disposée à effectuer toutes les tâches au programme de sa présente session extraordinaire tant qu’elle sera habilitée à le faire » a répondu le président de l’Assemblée. Les formes légales étant remplies, le président Bassirou Diomaye FAYE, fera une allocution télévisée le jeudi 12 septembre 2024, à 20 h, sans doute annonçant la dissolution et donc des législatives anticipées. Par conséquent, la déclaration de politique générale n’aura pas lieu.
En plus de ces graves tensions politiques, le Sénégal continue de faire face à la dramaturgie et à la grande désespérance des jeunes qui ne pensent qu’à quitter le Sénégal en pirogue, au péril de leur vie. Et pourtant, les jeunes, comme les personnes défavorisées, avaient fondé de grands espoirs sur cette alternance dite de rupture. Cependant, depuis mars 2024, les morts en mer se succèdent et se multiplient, indiquant une grave désespérance des jeunes et donc un manque de confiance aux nouvelles autorités. Ainsi, un nouveau drame bouleverse les Sénégalais, une pirogue transportant 150 personnes a chaviré au large de M’Bour. Le nombre de victimes est estimé entre 30 et 100 jeunes.
Si l’espérance est en berne, c’est que l’alternance prétendue de rupture a trahi une bonne partie de ses promesses. Le PASTEF avait fait publier un livre sur le pétrole et le gaz, avec un sous-entendu, en cas de prise du pouvoir, une gouvernance sobre et vertueuse, au service du bien-être de tous. Or la caisse noire n’a pas été supprimée et contrairement aux engagements pris, les valises d’argent continuent pour le clergé musulman. Tout cet argent, gaspillé à fonds perdu, ainsi que ces déplacements intensifs à l’étranger, s’il était mobilisé pour des projets innovants, aurait redonné confiance en la Politique.
Par ailleurs, l’alternance dite de rupture avait promis la publication des postes vacants. Cependant, les méthodes de licenciement des contractuels sont brutales, sans respect d’un minimum de courtoisie ou de règles de droit. Ainsi, tout récemment, alors que l’Assemblée nationale était saisie d’un projet de suppression de deux instances (Haut conseil des collectivités territoriales, conseil économique et social), par un simple communiqué, les intéressés ont appris, de façon publique, qu’ils ont été remerciés. Le chef de l’État était en voyage en Chine. A-t-il pu signer les des deux décrets visés par le communiqué ?
Par ailleurs, le recteur de l’université de Dakar vient d’être relevé de ses fonctions, et remplacé à titre intérimaire ; si le gouvernement n’avait pas son remplacement de disponible immédiatement où était donc l’urgence de se séparer du Recteur ?
C’est le même processus de chasse aux sorcières ou de procès en sorcellerie dans les Ministères ou autorités administratives. On vire sans autre forme de procès, sans aucune publication préalable de vacance de poste et de mise en concurrence ou vérification sérieuse des compétences, pour les faire remplacer par des militants du PASTEF.
En définitive, au Sénégal, l’État de droit fout le camp ; l’opposition terrorisée, par les audits, préfère ne rien dire. Ce mutisme coupable, voire lâche, de l’opposition est inquiétant pour l’avenir de la démocratie sénégalaise. La presse sénégalaise est souvent faible, superficielle, sans grands journalistes d’enquête, ou tout simplement corrompue. Les soi-disant personnes issues de la société civile ou indépendante, à défaut d’être terrorisées par des méthodes dignes de ROBESPIERRE, probablement espérant quelques prébendes, restent muettes. Et pourtant, le rôle de l’opposition, c’est de dénoncer les abus, mais aussi proposer des alternatives crédibles. La définition de la démocratie, c’est le gouvernement de la majorité, sous le contrôle de l’opposition, qui ne doit pas être seulement que des écuries présidentielles ou électorales.
Ce qui fait la grandeur du Sénégal, ce «Grand petit pays», qu’on a en partage, et qui n’appartient pas au PASTEF, mais à tous les Sénégalais ; Le Sénégal doit rester un régime civil démocratique, un État de droit, un lieu, non pas de tyrannie, d’invectives ou de menaces, un débat sain d’idées. Nous n’accepterons pas la dictature au Sénégal ! C’est un droit de résistance à l’oppression largement théorisé et invoqué par le PASTEF, dans l’opposition, jusqu’à faire l’apologie des régimes militaires africains, mais aussi les archives brûlées à l’université.
En raison de l’amateurisme constaté, du manque du sens des convenances, et surtout du climat de terreur, digne de ROBESPIERRE, une dictature rampante, si des élections législatives anticipées sont programmées, il faudrait donc siffler la fin de la récréation, en provoquant une cohabitation.
Références bibliographiques
BA(Amadou, Bal), «Sénégal : vers une dissolution du Parlement, des élections législatives anticipées», Médiapart, 4 septembre 2024 ;
BA(Amadou, Bal), «Sénégal : bilan d’une alternance dite de rupture très mitigée», Médiapart, 19 août 2024 ;
BA(Amadou, Bal), «Amadou BA envisage de créer son parti politique», Médiapart, 10 septembre 2024 ;
BA(Amadou, Bal), «Sénégal, bilan de 62 ans d’indépendance», Médiapart, 19 mars 2022.
Paris, le 12 mai 2024, par Amadou Bal BA