Si El Hadji Oumar Tall avait un sabre, il faut aller le chercher ailleurs, car ça ne peut pas être celui restitué récemment au Sénégal par la France. En effet, pour l’historien français Francis Simonis, non seulement «aucune source historique, locale ou européenne», ne fait la moindre allusion à un sabre européen qu’aurait possédé El Hadj Oumar Tall, mais en plus, il verrait mal que le conquérant toucouleur se soit servi d’un sabre fabriqué par des chrétiens pour mener le djihad.
Maître de conférences HDR «Histoire de l’Afrique à l’université d’Aix-Marseille et membre de l’Institut des mondes africains (IMAF), Francis Simonis en a rajouté une couche à l’affaire du sabre d’El Hadji Oumar restitué au Sénégal. Dans une tribune dans le journal Le monde, il affirme que ce qui est sûr : «l’objet que l’on peut voir aujourd’hui au Musée des civilisations noires n’a jamais appartenu à son prétendu propriétaire». Et d’ajouter que «c’est là un étrange signal qui est envoyé à l’Afrique : la première œuvre qui lui est ‘’restituée’’ est un objet européen qui n’a passé que quelques années sur le continent et n’est en rien ce que l’on dit qu’elle est !» Poursuivant, il souligne que «le processus de restitution est en marche et plus rien ne pourra l’arrêter, au prix, s’il le faut, de petits arrangements avec l’histoire».
En réalité, pour lui, cette affaire n’est ni plus ni moins qu’un arrangement avec la vraie histoire de ce sabre. «Aucune source historique, locale ou européenne, ne fait la moindre allusion à un sabre européen qu’aurait possédé El Hadj Oumar Tall». Mieux, il trouve que vu son attitude face aux Français, «il est difficile de croire, en effet, que le conquérant toucouleur se soit servi d’un sabre fabriqué par des chrétiens pour mener le djihad !» A l’en croire, El Hadj Oumar Tall est mort les armes à la main dans une explosion, et nul ne sait ce qu’est devenu son corps. Dès lors, il se demande «comment donc son arme aurait-elle pu tomber entre les mains des Français qui n’arriveront dans la région que trente ans plus tard ?» Pour l’historien, ce sabre pourrait s’agir du sabre d’officier racheté par le lieutenant de vaisseau Eugène Mage à un Africain pour l’offrir à Ahmadou Tall lorsqu’il quitte Ségou, capitale de l’empire toucouleur, en 1866. En outre, l’historien souligne que le lieutenant Mage missionné par Faidherbe en 1864, pour sceller un traité d’amitié avec El Hadji Oumar, a raconté que Faidherbe avait à l’occasion fait parvenir un sabre de 400 francs, un «magnifique sabre avec un fourreau de velours vert et une garniture en argent», à Ahmadou, son fils. Seulement, souligne l’historien, les caractéristiques de ce sabre décrit par le lieutenant Eugène Mage n’ont rien de semblable avec ceux du sabre présenté comme appartenant d’ El Hadji Oumar.