«Pape DIOUF (1951-2020), 16ème jour de confinement : ses valeurs positives et son ambition d’être humain» par Amadou Bal BA –
«J’ai appris, avec émotion, le décès de Pape Diouf. Je rends hommage à cette grande figure du sport, ce dirigeant engagé et éminence grise du football» écrit M. Macky SALL, président du Sénégal. On attendait anxieusement et fiévreusement, le premier mort du Coronavirus sur le territoire sénégalais, et c’est bien arrivé, hélas de manière fracassante. Ceux qui trainaient les pieds dans la rue, ou ces irresponsables de religieux voulant encore aller à la mosquée le vendredi, sont prévenus. Cette nouvelle de la disparition de Pape DIOUF est un tremblement de terre. L’avion sanitaire affrété par l’ambassade de France à Dakar était prêt à partir pour Nice, mais Pape DIOUF, en raison de graves complications respiratoires, était trop faible pour faire le voyage. Il est décédé le 31 mars 2020, à l’hôpital Fann de Dakar.
Pape DIOUF, sportif, journaliste, a été encore le premier et l’unique président noir d’un club, en Europe, l’Olympique de Marseille. Pape DIOUF a violemment dénoncé un monde du sport miné par les inégalités et les injustices : «Souvent on m’a posé la question de savoir comment expliquer l’absence quasi-totale de cadres noirs dans le fonctionnement des clubs. Pourquoi ne voit-on pas d’autres présidents de clubs noirs ? Admettre qu’il n’y ait d’autres présidents noirs que moi dans le milieu professionnel, admettre qu’il n’y ait pas d’entraineurs noirs, alors qu’ils ont démontré, quand ils étaient joueurs, qu’ils avaient autant d’intelligence que d’autres, qu’ils avaient une vraie capacité de suggestion et de réflexion, reconnaître cet état de fait, c’est aussi, à mon sens, ne pas fermer les yeux sur la société, telle qu’elle est aujourd’hui» dit Pape DIOUF.
Par conséquent, il a ouvert désormais la voie, de façon symbolique, aux autres, dans un monde ségrégationniste ; il a donc été un briseur de sort, en étant devenu président d’un club sportif, l’Olympique de Marseille de 2005 à 2009. «Y croire toujours» telle est sa devise. Rien n’est impossible, quand on ne cesse pas de rêver : «Il faut être fou pour devenir président de l’Olympique de Marseille, mais il faut l’être complètement pour imaginer que cela durera toute la vie. A la minute même où j’ai été nommé, j’ai commencé à penser au jour de mon départ. J’ai vidé mon bureau un dimanche, au mois de juin 2009. Je suis presque certain qu’il faisait beau à Marseille. Tout au fond, à l’intérieur, la météo n’était pas aussi bonne» dit Pape DIOUF, à propos de sa présidence de l’Olympique de Marseille, dans son livre «C’est bien plus qu’un jeu». Il n’a pas eu de titre à Marseille, mais il préparé le club aux victoires à venir. Il était comme il aimait à le dire «une anomalie sympathique». Quand il a quitté le club, Robert LOUIS-DREYFUS, son mentor allait mourir, en homme d’une probité exceptionnelle il n’a rien emporté avec lui «mes cartons n’étaient pas très lourds. Je ne voulais qu’on m’accuse d’avoir emporté des objets qui appartiendraient au club, et j’ai même laissé certains cadeaux qui m’avaient été faits, comme ce fauteuil aux couleurs du club que les Italiens m’avaient offerts à titre personnel» dit-il son autobiographie.
Pape DIOUF a contribué à assainir les comptes du club et redorer la réputation de l’Olympique Marseillais, faisant quitter cette institution de la chronique judiciaire pour revenir aux pages sportives. «Marseille est une ville sur laquelle il faut toujours taper. Si tous les clubs en France étaient l’objet de la même attention que l’O.M, vous verriez beaucoup plus de clubs dans les cabinets des juges» dit-il. Un jour, il a eu l’audace de faire jouer l’équipe de remplacement face à Paris Saint-Germain, et cela lui a réussi. Pape DIOUF connaît comme personne le football français, ses arcanes et ses secrets. Pape DIOUF a porté un regard lucide de l’impact de l’argent ayant pourri le sport et le racisme dans ce monde d’ostracisme. Face aux «brigands de stade», les ultras du Parc des Princes, il avait dit «A Marseille, il y a des turbulences, parfois des débordements et quelques excès. Mais il n’y a pas de haine, ni d’entêtement borné. Il n’y a pas ici de public méchant, parfois haineux, comme on peut le voir à Paris» avait-il dit.
Baptisé Mababa en l’honneur de son grand-père, Pape DIOUF, comme son frère Makhtar, est né le 18 décembre 1951, à Achébé, au Tchad : «Je porte le prénom du père de mon père. Le vrai prénom c’était Papa Mababa Diouf. Quand on porte le prénom de son grand-père, au Sénégal, il y a toujours Papa, en signe de respect. Ensuite, dans notre langue Papa devient Pape» précise Pape DIOUF. Son père, Demba DIOUF (1899-1974), affecté au Tchad, était militaire de carrière dans l’Armée française : «mon père spécialisé en mécanique générale, était le responsable du garage gouvernemental de Fort-Lamy (N’Djaména)» dit-il. Pape DIOUF a vécu peu de temps avec son père «nous ne nous sommes pas tellement vus, puisque j’ai passé une partie de mon enfance loin de lui. Je n’ai jamais pu entendre «Mon vieux», la chanson composée par Jean Ferrat et chantée par Daniel Guichard, sans avoir le cœur serré. Cette histoire d’amour manquée entre un père et son fils est un peu la nôtre» dit-il. Ancien de combattant de la Deuxième guerre mondiale, son père était un gaulliste convaincu, il avait porté le drapeau des forces françaises libres et il était invité, chaque année, par le général de Gaulle, à Paris, aux festivités du 18 juin «Il était extrêmement fier des décorations qu’il a reçues. Ma mère m’a montré, un jour, une lettre manuscrite du général de Gaulle. Je ne sais pas malheureusement ce qu’elle est devenue» dit-il. A l’âge de 6 mois, Pape revient au Sénégal, avec ses parents qui s’installent au quartier cosmopolite de Fann-Hock, à l’époque, entre la zone industrielle et les quartiers populaires de Dakar. Bien que citoyen français, son père était musulman et polygame. De sa première épouse, ils ont eu quatre enfants : deux filles et deux garçons. Il aura eu une troisième et une quatrième épouses, mais elles ne sont pas restées longtemps.
Sa mère, Aminata DIOUF, d’origine saint-louisienne, disparue en 2007, la deuxième épouse, plus jeune et plus facile à vivre, était le «vrai baobab» de la famille. L’humanisme de Pape DIOUF est sans doute inspiré par sa mère : «chez elle, la dévotion se mêlait au dévouement ; sa foi, qui se muait en ferveur religieuse, la poussait à donner plus que ce qu’elle ne reçoit. Ma mère correspondait à la définition des Saintes, par sa pureté, sa piété et sa générosité. C’était une femme qui aimait son prochain» dit-il. Sa mère aura un autre garçon et une fille. L’Afrique est maternelle. On a tendance chez nous à attribuer nos succès dans la vie aux qualités morales de notre mère, et Pape DIOUF semble avoir adopté cette philosophie africaine : «Dans mon quartier, ma mère était celle qui arbitrait les litiges, avec autorité, une équité, une justice qui inspirait respect total. Elle possédait une véritable aura, qui ne devait rien à ma réussite, ni à mon éventuelle notoriété» dit-il.
Ses deux parents, de culture ouolof, sont de l’ethnie Sérère, en 1958, à l’âge de 6 ans et demis, dans la tradition sénégalaise, confient le jeune Pape, à son oncle, le frère de sa mère, Moustapha, infirmier-major, à Richard-Toll. Il restera avec son oncle maternel, pendant quatre années, au gré des affectations, et le suivra à Kaédi, en Mauritanie, et puis à Saint-Louis. «Le changement a été brutal. De ma maison de Sicap-Fann, avec toute le confort moderne, je suis passé dans une vie des cases, sans électricité, ni eau courante. La lumière était, celle vacillante et odorante, des lampes à pétrole. Mon oncle était infirmier. Il gérait les médicaments. Mais il n’avait rien pour soigner ma tristesse. Mon oncle n’hésitait pas à me frapper, avec la ceinture par exemple, quand on faisait des bêtises de notre âge» dit-il.
Enfant, il était passionné de la nation, du football, du handball, mais surtout de basketball. Son père l’inscrit dans une école catholique, Saint-Michel, censée dispenser le meilleur enseignement au Sénégal : «Scolairement, je venais de loin, pour ne pas dire de nulle part. Mes déménagements successifs et la difficulté de ma vie hors de Dakar m’avaient quelque peu éloigné du niveau moyen requis dans une école de ce niveau. Comme je ne parvenais à suivre (niveau CM2) on m’a rétrogradé» dit-il. Aussi, le jeune Pape change d’école, pour l’école privée catholique, Sacré-Cœur. Mais en classe de troisième, c’est l’adolescence qui a pris le dessus et Pape est renvoyé : «En classe de troisième, on a commencé à sortir avec les filles. On organisait des boums, on soignait la manière dont on s’habillait. L’école n’a pas aimé cette évolution attachée à l’adolescence» dit-il. Pape est alors inscrit à une autre école privée, Iba Guèye. Désorienté dans ce nouveau cadre, affecté par des peines du cœur, le jeune Pape décroche de l’école : «Je n’ai pas aimé. J’avais 17 ans, je rentrais dans un lycée mixte, et tout cela m’a, littéralement, désorienté. Dans ma classe, il y avait une de mes amies de l’époque, Badji, qui sortait avec un de mes copains ; cela m’avait dérouté. Le bon élève était devenu silencieux en classe. Je me renfermais, passais mon temps à surveiller mes arrières, et ce changement de lycée et de monde prenait, pour moi, des airs de déroute» confesse-t-il.
Pape DIOUF n’était pas vraiment passionné par les études, il n’avait pas encore conscience que l’école c’est d’abord pour soi-même. Aussi, il arrête l’école à la classe de 3ème. Son père a senti que l’adolescent est en train de prendre un mauvais chemin. Mais quoi de mieux que la discipline militaire, en France, pour remettre Pape dans le cadre. «Pour la jeunesse de Dakar, la France était un Eldorado. Pour moi, c’était un voyage dans l’inconnu, et le début de ma vie adulte» dit-il. Le voyage en bateau a duré 19 jours et Pape débarque à Marseille, le 25 avril 1970. Son père, qui a toujours conservé la nationalité française ainsi que toute sa famille, le destinant, secrètement, à l’Armée : «Il m’avait parlé d’une formation dans le génie ou les télécommunications. C’est en arrivant en France, à Marseille, que j’ai compris que j’avais en fait contracté un engagement dans l’Armée. Engagement que j’ai refusé, malgré les menaces. Il s’agissait, dans mon esprit, d’assurer mon avenir» dit Pape DIOUF. Quand il renonce à l’armée, Pape est d’abord hébergé chez un Sénégalais, un peul, M. DIALLO, dans le quartier de la Capelette, pendant 5 mois ; il ne supportait pas que l’épouse de M. DIALLO battait sa fille. Il déménage et résidera, pendant 6 mois, dans un foyer, rue Saint-Jean ; c’est le début de son indépendance : «On était à quatre dans la chambre, mais c’était une bouffée d’oxygène ; j’avais le sentiment paradoxal du début de mon indépendance. Je commençais ma vie marseillaise. Dans le foyer, il y avait un caïd dans les lieux. C’était un petit royaume, et un petit roi : le jour où nous avons eu une altercation, je l’ai mis K-O, en trente secondes. J’avais étonné tout le monde. Le Directeur m’a alors demandé de surveiller un peu le foyer à l’heure du repas du soir et cela m’a permis de demander une chambre individuelle» dit-il.
Tout jeune, et pour survivre, Pape exerce, pendant trois ans, différents petits boulots, grâce aux contacts avec la communauté sénégalaise, un certain Cissé DIA (coursier chez «Innovation pour Elégance masculine» (IMP), manutentionnaire, pointeur au port, pion et surveillant dans un foyer de jeunes en difficulté, marché aux poissons). Pape trouvera, une vraie chambre à la rue Edmond Rostand, dans le VIème arrondissement de Marseille, au 6ème étage, sans ascenseur. La douche se trouvant chez les propriétaires, il fallait payer pour pouvoir l’utiliser.
Employé de bureau à la Poste, il a pu offrir une chambre d’hôtel confortable, à son père, puis aux autres membres de sa famille, venus lui rendre visite à Marseille. Son frère, Makhtar, un bijoutier, de passage à Marseille, en son absence, pour ses affaires, a trouvé une mort tragique, au cours d’une rixe entre Noirs et Arabes en état d’ébriété ; il a reçu un coup de couteau dans la carotide. Si son père, mort en 1974, n’a pas assisté à son ascension, Pape DIOP restera exemplaire avec sa famille du Sénégal. Il a rénové la maison familiale, au quartier de Bopp, à Dakar, et s’est toujours occupé de ses proches.
Un homme rencontré au hasard, le conseille de reprendre les études. Il voulait passer le concours de l’ENA, mais pour cela, il fallait s’inscrire, au préalable à Sciences-Po. Il passe l’examen spécial d’entrée à l’université, avec une équivalence du bac, qu’il réussit. Mais c’est difficile d’étudier et de travailler en même temps. Un inspecteur des PTT au journal «La Marseillaise», l’aide à y entrer, en qualité pigiste, également. Après un essai de la claviste à l’imprimerie, Pape sera affecté à la correction de ce journal. La personne en charge de la rubrique «Olympe de Marseille» étant momentanément indisponible, Pape DIOUF, toujours passionné de sport, le remplace, sur demande de Jean-Claude RAZZOLI, et devient accidentellement, journaliste sportif, de 1975 à 1987. Il travaillera aussi pour le journal le «Sport» jusqu’en 1989.
En raison de son expérience dans le domaine du sport, Joseph-Antoine BELL et Basile BOLI demandent Pape DIOUF de devenir leur agent. Pape pose deux conditions, il doit s’agir d’un contrat verbal, fondé sur la confiance et c’est le Club qui paiera la prestation. Pape DIOUF créé alors une société «Mondial Promotion», et deviendra l’agent de plus de 70 joueurs prestigieux, comme Didier DESCHAMP, Didier DROGBA, Franck RIBEIRI, Marcel DESAILLY, Basile BOLY, Grégory COUPET et William GALLAS.
En 2004, Christophe BOUCHET, président de l’OM, propose à Pape DIOUF de devenir manager général de l’OM. Il cède sa société d’agents, afin d’éviter tout conflit d’intérêts. «Tu as toujours été mon premier agent, tu as été mon président, et c’est avec le cœur gros, je te dire aurevoir. Tu es parti trop tôt, je ne t’oublierai jamais» dit Kylian M’BAPPE. Les départs de Samir NASRI, Didier DROGBA et de Franck RIBERY avaient plongé, momentanément, l’OM dans une crise qui a été finalement gérée, sereinement. Robert LOUIS-DREYFUS lui a ouvert la voie : il «a fait plus pour la lutte contre le racisme et redonner confiance aux minorités que d’autres personnes qui se glorifient de leurs propos ou de leurs écrits» dit Pape DIOUF, dans son ouvrage, co-écrit avec Pascal BONIFACE.
Marseillais de cœur et d’adoption, Pape DIOUF, ou l’honneur d’être humain, a été candidat à la mairie de Marseille, en 2014, à la tête d’un collectif de citoyens «Je veux tourner le dos à toute démarche politique, car lorsqu’un lampadaire est en panne, ce n’est ni de droite, ni de gauche, que d’essayer de le réparer» avait-il déclaré. «C’était un homme important de notre football, un homme de qualité, atypique, écouté et respecté, avec une vraie personnalité» dit Noël LE GRAET, président de fédération française de football. En effet, très proche de la Gauche, Pape DIOUF, mais atypique, indépendant et d’une grande liberté de ton, n’a jamais été encarté dans un parti politique : «Je suis trop indépendant d’esprit pour adhérer à un parti, je suis trop libre pour être un militant. Par réalisme, je me suis dit qu’il vaut mieux que je reste à l’extérieur pour essayer de voir ce que je peux apporter» dit-il.
Pape DIOUF, homme entier et de progrès, avait des principes et des valeurs. Homme de paix, il était profondément révulsé contre ces guerres locales dirigées à l’encontre des faibles «Le terrorisme individuelle est aussi condamnable que le terrorisme d’Etat» dit-il. Homme de conviction, il savait se faire respecter : «Quand l’homme refuse, il dit non» aimait-il dire, un dicton emprunté, à l’Almamy du Wassoulou, Samory TOURE. Derrière son élégance, sa moustache noire, sa jovialité, sa voix apaisante, mais pleine d’emphase et d’ironie, se cachait un homme cultivé, et qui revendiquait d’être profondément humain. Son message, 60 ans après les indépendances africaines, est un puissant viatique pour la jeunesse sénégalaise et les Français issus de l’immigration.
Pape DIOUF était avant tout un antiraciste. Si le sport joue un rôle positif contre le racisme, «il peut aussi être porteur de racisme et l’exacerber. Il manque une force pour lutter, véritablement, contre le racisme. Nos joueurs ont été insultés ; on a entendu des imitations de cri de singe» dit-il.
Pape DIOUF refusait, profondément, la médiocrité : «La médiocrité, c’est donner l’impression de savoir et de pouvoir, alors qu’on ne sait pas et on ne peut pas. Je n’ai pas toujours visé l’excellence, mais ce qui est bienfait» dit-il.
Pape DIOUF ne regardait pas dans le rétroviseur, c’est un homme qui aimait avancer, mais dans le bon sens : «Ce qui m’intéresse, c’est de regarder devant moi. Je constate que je suis un enfant des circonstances. Enfant, je n’ai jamais rêvé des choses impossibles. Quand je suis venu en France je voulais acquérir une formation. Quand j’ai acquis cette formation, je voulais travailler pour un journal national et d’être un journal reconnu. Je me suis projeté de la même manière dans ma vie d’agent et de dirigeant. J’ai toujours avancé avec un refus absolu de la médiocrité. C’est mon carburant essentiel» dit-il, comme une sorte de testament. Resté particulièrement modeste, Pape DIOUF n’était pas habité par une ambition d’entrer dans l’Histoire, sa famille représentant tout pour lui : «Je n’ai pas peur qu’on m’oublie. L’essentiel est que mes enfants et ma famille ne m’oublient pas. Chez certains grands hommes, que j’ai admirés, j’ai toujours été intrigué, et même étonné, de cette volonté farouche d’entrer dans l’histoire. Moi, ça m’est complètement égal. Si je peux avoir laissé à mes enfants, à mes petits-enfants, un certain type d’enseignement, qui a pu leur servir, positivement, dans la vie, c’est l’essentiel» dit-il.
Homme de conviction, et respectueux de lui-même et exigeant, pour cela qu’on le respecte dans son authenticité, notre Pape DIOUF était un homme de principe et en assumait toutes les conséquences : «il faut avoir des principes dans sa vie. Un principe sans contrepartie est un préjugé» nous disait-il. Pape DIOUF, dans son éducation traditionnelle pense que les valeurs sont nécessairement positives et universelles (solidarité, bienveillance, fraternité), aussi quand il entend les gens aux idées courtes, parler de «nos valeurs», il est plus que dubitatif. Anti-raciste, il croit aux valeurs républicaines d’égalité réelle. Cependant, il a souvent pris de la hauteur et méprisé le racisme du quotidien «Quand on ne me donne pas du boulot ou un appartement, je ne passais pas mon temps à me morfondre, et à me dire c’était à cause de la couleur de ma peau. J’essayais plutôt de contourner les difficultés ; c’était mon caractère et mon tempérament. De toute façon, si j’avais été sensible à cette sorte de racisme ambiant, je n’aurais pas eu ce parcours» dit-il. Pape DIOUF voulait, dans une société multiculturelle, qu’on le regarde, non pas comme un Noir, mais comme un Homme. C’est sa façon d’être humain : «Je me suis refusé à sentir une fierté particulière d’être le seul Noir d’un grand club, je n’ai jamais souhaité passer pour quelqu’un d’exceptionnel, et parce que je ne voulais appuyer sur l’idée de l’exception, justement. Ma seule ambition était de démontrer que je pouvais être président, simplement, avec les qualités et les défauts de n’importe autre candidat. Même si dans la communauté noire et arabe, il y a trop de gens de valeur, dont on ne tient pas compte, et c’est évidemment, ce que j’ai repoussé de toutes mes forces. J’ai été président, c’est tout» dit-il.
Pascal BONIFACE de l’IRIS, qui a co-écrit avec lui un livre «De but en blanc», a rendu un hommage émouvant à Pape DIOUF : c’était «un homme d’une intégrité absolue, honnête avec un grand sens de l’honneur et du respect de la parole donnée, il était curieux de tout, il lisait, énormément» dit-il. En effet, Pape DIOUF a été lavé de tout soupçon, quatre après, dans l’enquête concernant la gestion du club marseillais. Jean-Claude DASSIER, son successeur, avait proféré à son encontre des termes injurieux et racistes, peu honorables : «Je ne serai pas un président ni à la libanaise, ni à l’africaine» avait-il dit, le 9 septembre 2009.
Mes condoléances aux peuples sénégalais et français, aux Marseillais, à Bébé BASSE, sa veuve et à toute sa famille. Que notre Pape DIOUF repose en paix !
Prenez grand soin de vous et des gens que vous aimez, dans la fraternité, la solidarité, la justice et la compassion !
Bibliographie très sélective
DIOUF (Pape), BONIFACE (Pascal), De but en blanc, Paris, Hachette littératures, 2009, 224 pages ;
DIOUF (Pape), C’est bien plus qu’un jeu, Paris, Grasset, 2013, 312 pages ;
DIOUF (Pape), DJATI (José), Pape Diouf : de vous à moi, Paris, éditions du Jet d’encre, 2019, 95 pages.
Paris, 1er avril 2020, 16ème jour de confinement, par Amadou Bal BA – http://baamadou.over-blog.fr/