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Ousmane SOW (1935-2016), sculpteur sénégalais subversif, premier Noir à l’Académie des Arts» par Amadou Bal BA –

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Ousmane SOW, artiste sénégalais, est mort le jeudi 1er décembre 2016, à Dakar. «Ousmane Sow, célèbre sculpteur sénégalais est le premier Noir à devenir membre de l’Académie des Beaux-Arts de Paris. Ousmane SOW c’est ce plasticien aux «doigts de sorcier» qui, de Dakar à Paris, a gravé son nom dans la glaise», souligne Charlotte BOITIAUX de France 24, édition du 12 décembre 2013. L’Institut de France a vu le jour en 1795. Il regroupe des musées, des monuments historiques et surtout cinq prestigieuses Académies : l’Académie française, l’Académie des inscriptions et belles-lettres, l’Académie des sciences, l’Académie des beaux-arts et l’Académie des sciences morales et politiques. L’Académie des beaux-arts de l’Institut de France a élu Ousmane SOW, membre associé étranger le 11 avril 2012, au fauteuil précédemment occupé par Andrew WYETH (1917-2009), peintre américain, apôtre de ce que l’on a appelé le «réalisme magique». Le pommeau de son épée d’académicien qu’il a sculpté lui-même représentera «un Nouba qui plonge dans l’inconnu». Pourtant il y sera bien entouré. Parmi les membres de l’Académie figurent entre-autres Jeanne Moreau, Yann Arthus-Bertrand, Pierre Cardin ou encore Roman Polanski. Ousmane SOW s’inscrit dans les pas d’un autre Sénégalais, Léopold Sédar SENGHOR. Artiste anticonformiste, «Ousmane Sow ressemblait à ses sculptures, souriant et paisible. Un homme aussi beau dedans que ses œuvres à l’extérieur» dit Laurent PETITGORARD, Secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts.

Ousmane SOW naît à Dakar le 10 octobre 1935. A 22 ans, il s’installe à Paris, «Au décès de son père, en 1957, il a décidé à 22 ans de tenter sa chance ailleurs. Il a trouvé le meilleur accueil au commissariat de la rue Soufflot, où on lui ouvre une cellule pour passer la nuit. Le matin, il partage le petit-déjeuner avec les policiers. Les dernières années, Ousmane me disait d’ailleurs à ce sujet qu’il avait aimé passionnément la France mais ne reconnaissait plus celle qui l’avait accueilli. Enfin ce n’était pas toujours facile, et parfois, pour se reposer, il venait s’asseoir dans le hall de la fac de Droit où il s’était inscrit en prenant la tête dans ses mains, comme s’il réfléchissait, alors qu’en réalité il dormait ! C’est à Paris qu’un jour, devenu infirmier sur concours, il a vu une annonce pour des cours à l’école de kinésithérapie de Boris Dolto, le mari de François Dolto. Ce métier qu’il fera sien l’a profondément aidé dans sa vie d’artiste. Quand il ne trouvait pas quelque chose en sculptant, il fermait les yeux, comme le kiné cherchant sur le corps du patient : « à l’aveugle». Il disait aussi que pour se permettre de déformer le corps humain, comme dans ces Nouba, assis ou debout, il fallait très bien le connaître !» dit Béatrice SOULE, sa compagne, à Valérie MARIN LE MESLEE du journal «Le Point». Faute de moyens, il renonce à entrer à l’école des Beaux-Arts. Il devient kinésithérapeute. Lorsqu’en 1960, le Sénégal obtient son indépendance, Ousmane SOW choisit la nationalité sénégalaise et s’y installe. 5 ans plus tard, il crée le service de kinésithérapie de l’hôpital Le Dantec de Dakar. De cette trajectoire de vie, marquée par une fascination pour l’anatomie du corps humain, avait surgi une œuvre monumentale, lutteurs Noubas, guerriers Massaïs, familles peules. Des hommes, géants silencieux, aux yeux graves et aux corps massifs autant que vulnérables, qu’il sculptait pour «rappeler leur dignité et leur grandeur». Comme technique, Ousmane SOW utilisait une armature métallique sur laquelle il déposait des bandelettes enduites d’un produit à la composition secrète, faite d’un mélange de matières premières naturelles et chimiques.

Ousmane SOW rencontrera Béatrice SOULE qui sera la compagne de sa vie. Béatrice écrit, en 2009, un ouvrage «Même Ousmane SOW a été petit». Tissé d’anecdotes drôles, insolites, émouvantes et parfois dramatiques, ce livre retrace la vie du sculpteur Ousmane SOW, de son enfance à sa dernière création, en passant par le Pont des Arts où son exposition attira plus de trois millions de visiteurs. Les grands hommes d’Ousmane SOW s’appellent Nelson MANDELA, le Général de GAULLE, GANDHI, Martin Luther KING, Mohamed ALI. «Mandela occupera une place extraordinaire dans l’histoire de l’humanité, comme Gandhi ou Jésus : il est arrivé à réconcilier un peuple ; je ne dis pas qu’il n’y a plus de racisme en Afrique du Sud mais il en a fait une société apaisée», dit Ousmane SOW. Il y aura naturellement, la sculpture de l’écrivain Victor HUGO «Victor Hugo, malgré son caractère monumental, m’a alors semblé tellement humain, tellement « naturel », baissant le regard sur sa montre de gousset, probablement pour s’impatienter du retard d’un rendez-vous, peut-être avec la jolie Juliette Drouet» écrit le docteur Marc SANKALE, dans son hommage.

Moctar SOW, son père. Est son héros. Ousmane SOW est devenu artiste hors du commun grâce à la confiance d’un père qui n’a jamais cessé de le fasciner. Il décide d’entreprendre une nouvelle série de sculptures représentant ceux qui l’ont aidé à ne jamais désespérer du genre humain. La série s’intitulera Merci. Pendant toutes ces années de kiné, Ousmane SOW n’abandonne pas sa passion, la sculpture, qu’il développe le soir dans son atelier. Il invente une matière unique, faite de sable, de paille et de jute, au total 20 produits qui macèrent pendant 4 ans.

Ousmane SOW garde, jalousement, la recette de cette mixture avec laquelle il développe des sculptures uniques. Sa connaissance du moindre muscle, de la moindre articulation du corps humains feront aussi sa singularité. A l’âge de 50 ans, il décide de se consacrer uniquement à son art et créé, notamment :

• La série Nouba réalisée entre 1984 et 1987, comprend douze sculptures ou groupes de sculptures et représente des guerriers et lutteurs Noubas (ethnie du sud du Soudan) ;

• La série Masai réalisée entre 1988 et 1989 est constituée de six pièces, dont quelques-unes sont formées de deux sculptures, représentant deux femmes, quatre hommes, un enfant et deux buffles, de l’ethnie Masaï vivant au Kenya et en Tanzanie ;

• Les pièces isolées : Gavroche (une pièce représentant un garçon et un homme), Mariane et les Révolutionnaires (trois pièces représentant une femme et deux hommes) et Toussaint Louverture et la Vieille Esclave (deux pièces figurant un homme et une femme) toutes réalisées en 1989 pour le Bicentenaire de la révolution française sur commande du Président français François Mitterrand ;

• Série Zoulou réalisée entre 1990 et 1991 et composée de sept personnages constituant la scène de Chaka fondateur de la nation Zoulou (pour la première fois avec cette œuvre apparaît la sculpture narrative) ;

• La série Peuls réalisée entre 1993 et 1994, comprend cinq sculptures représentant des scènes familiales, quotidiennes et rituelles ;

• La série Little Big Horn réalisée entre 1994 et 1999, comprend vingt-trois personnages et huit chevaux, représentant des scènes de bataille ; la sculpture devient résolument narrative ;

• Les bronzes tirés de ses originaux, réalisés entre 2001 et 2004: La Danseuse aux cheveux courts (série Noubas), le Lutteur debout (série Noubas), La Mère et l’Enfant (série Masaï), Le Lanceur (série Zoulou), et Sitting Bull en prière (Série Little Big Horn) ;

• En 2001 et 2002, il réalise pour le Comité International Olympique. Le Coureur sur la ligne de départ et à la demande de Médecins du Monde une statue de Victor Hugo pour la «Journée du refus de l’exclusion et de la misère» (installée à Besançon place des Droits de l’Homme) ;

• En 2008, sur commande de la ville de Genève, Ousmane SOW a réalisé une statue de bronze représentant un homme assis en train de lire en hommage aux immigrés sans-papiers, le personnage tourne le dos aux banques ;

• En 2013 «L’Homme et l’Enfant», sculpture pour le nouveau monument aux morts de Besançon, inauguré le 1er juin 2013 ;

• En 2015, une sculpture de Toussaint Louverture suite à une commande de la ville de la Rochelle, inauguration le 20 mai 2015.

I – L’exposition sur le Pont des Arts, à Paris, en 1999 sur Little Big Horn, ou la force des faibles.

C’est étonnant que cela soit Jean TIBERI, à travers l’exposition du 20 mars au 20 mai 1999 sur le Pont des Arts, qui ait fait connaître au grand public, à Paris, Ousmane SOW. Plus de 3 millions de visiteurs : «Le Pont des Arts est un événement qui est resté dans les mémoires, dans tous les pays : les gens m’en parlent comme si c’était hier, en se trompant de dates ou de pont de Paris, mais ils ont encore les yeux qui brillent», dit Ousmane SOW. «Le public a pu voir de près ces sculptures géantes de deux mètres. De même ces visages expressifs façonnés par un artiste qui pousse les limites de la création au-delà des conventions. Les traits sont précis, notamment avec les lutteurs Noubas du Sud Soudan, dont les corps puissants et nus, les visages lacérés et les regards enchanteurs saisissent et «parlent» à l’observateur. Il y a dans toutes les sculptures d’Ousmane Sow, une «âme» qui plane, qui vous effleure et qui vous plonge dans un autre univers. On ressent la vie, le mouvement, le souffle, la démesure qui ont animé le créateur. Ousmane Sow installe des situations dignes d’un metteur en scène» écrit Alain MABANCKOU. Cet écrivain qualifie cette exposition d’alchimie faite de poésie et de magie ». Car pour Alain MABANCKOU «Ousmane Sow démontre à quel point la sculpture peut être spectaculaire car, lui en artiste aguerri, sait que la vie est un grand spectacle» dit Alain MABANCKOU.

Aux obsèques de SENGHOR, académicien, Lionel JOSPIN avait brillé par son absence. Cet hommage à Ousmane SOW est finalement, un acte de contrition, peut-être. La bataille Greasy Grasse ou celle de «Little Big Horn», est une éclatante victoire du chef Sioux, Sitting Bull, le 25 juin 1876 sur le lieutenant-colonel, George Armstrong CUSTER (1839-1876). Dans son art, Ousmane SOW fait l’apologie des fragiles contre les puissants, de David contre Goliath. «Ceux qui se soumettent sans rien tenter ne m’intéressent pas : j’aime souligner que les petits ont une chance contre l’asservissement», confirme-t-il. On assiste à la création de tous les personnages sortis de la glaise et des bandelettes, de cette alchimie sculpturale dont Ousmane SOW garde le secret. Restent la force visionnaire d’un travail inspiré et le corps d’un sculpteur domptant et séduisant la matière. Un pari osé, car il est à l’époque encore assez méconnu. Le succès est tel que certains se demandent si le pont va tenir. Près de 3 millions de personnes iront voir ces sculptures qui mettent en scène la célèbre bataille du peuple Cheyenne contre la cavalerie. Cette exposition lui offrira la reconnaissance populaire et la notoriété. «Le pont des Arts est un événement qui est resté dans les mémoires, dans tous les pays : les gens m’en parlent comme si c’était hier, en se trompant de dates ou de pont de Paris, mais ils ont encore les yeux qui brillent», se félicite Ousmane SOW.

Dans son œuvre, Ousmane SOW fait l’apologie des fragiles contre les puissants. Ils redonnent de la grandeur à ses personnages à travers ses sculptures monumentales, avec toutefois une nuance : «Ceux qui se soumettent sans rien tenter ne m’intéressent pas : j’aime souligner que les petits ont une chance contre l’asservissement» dit-il au journal Le Monde. Il deviendra le sculpteur des ethnies africaines. Sa première exposition «Les Noubas», rend hommage à cette ethnie du Soudan du Sud. Il la présentera à la Dokumenta de Cassel en 1992. C’est alors qu’il se fait remarquer par les amateurs d’Art. Puis il travaillera sur les Zoulous, les Massaï et les Peuls avant de s’attaquer aux grands Hommes, comme Nelson Mandela, dans une série de bronzes, sobrement intitulée «Merci».

II – La consécration d’Ousmane SOW par l’entrée à l’Académie des Arts

L’entrée d’Ousmane SOW à l’Académie des Beaux-Arts va réunir une foule plus bigarrée qu’à l’ordinaire, des chanteurs France GALL (1947-2018, voir mon article) ou Youssou N’DOUR (voir mon article) à l’écrivain Jean Christophe RUFIN jusqu’au couturier d’origine tunisienne Azzedine ALAIA, qui lui a offert son habit de cérémonie. C’est l’ancien président du Sénégal Abdou DIOUF, alors secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie, qui remettra l’épée au nouvel académicien. Ousmane SOW en a dessiné lui-même le pommeau, avec un homme Nouba en plein vol plané. «Je l’appelle le saut dans l’inconnu» ; «car je ne regrette pas de m’être lancé dans l’art à 50 ans passés», dit-il. Ses premières grandes sculptures représentant des lutteurs Nouba du Sud-Soudan, inspirées par le travail photographique de la cinéaste allemande, Leni RIEFENSTAHL (1902-2003).

Solennel, presque mal à l’aise quand il se lève pour prendre la parole, le sculpteur Ousmane SOW déclame, tête baissée, un long discours de remerciements. Nous sommes le mercredi 11 décembre, il est 15 heures, le célèbre plasticien sénégalais devient le premier Noir à occuper un fauteuil de l’Académie des Beaux-Arts, à Paris. Sous la coupole de l’Institut de France, Ousmane SOW – qui sera désormais membre associé étranger – a du mal à cacher son émotion. Il salue sobrement la «sagesse» de ses confrères, le talent d’un autre Sénégalais, l’écrivain Léopold Sédar SENGHOR, et la mémoire du premier président noir sud-africain, Nelson Mandela. «Mandela occupera une place extraordinaire dans l’histoire de l’humanité, comme Gandhi ou Jésus : il est arrivé à réconcilier un peuple ; je ne dis pas qu’il n’y a plus de racisme en Afrique du Sud mais il en a fait une société apaisée», explique Ousmane SOW dont la statue du dirigeant sud-africain, sculptée en 2009, se trouve au siège de la Compagnie française d’Afrique occidentale à Sèvres (Hauts-de-Seine).

«Rien de ce qui m’arrive cet après-midi ne m’est habituel […] Comme mon confrère et compatriote sénégalais Léopold Sédar SENGHOR, élu à l’Académie française, il y a trente ans [le 2 juin 1983], je suis africaniste. Dans cet esprit, je dédie cette cérémonie à l’Afrique toute entière, à sa diaspora et aussi au grand homme qui vient de nous quitter, Nelson Mandela», a-t-il déclaré. «Mon élection a d’autant plus de valeur à mes yeux que vous avez toujours eu la sagesse de ne pas instaurer de quota racial, ethnique ou religieux pour être admis parmi vous», a ajouté le sculpteur africain, soucieux d’être reconnu pour les corps qu’il sculpte et non pour la couleur du sien. Ousmane SOW, qui a été élu, le 11 décembre 2013, à l’unanimité, occupera désormais le fauteuil du peintre américain Andrew WYETH, qu’il a reconnu mal connaître. Il sera assis devant Jean CARDOT, un autre sculpteur de renom qui, aussi ému que le nouvel occupant des lieux, n’a pas tari d’éloge sur son voisin. «Vous êtes l’exemple même de la richesse et de la merveilleuse diversité de l’expression artistique», a-t-il déclaré lors du discours d’intronisation. «Quelle audace ! Quel succès ! Oui vraiment, de l’audace, vous n’en manquez pas»
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III – Ousmane SOW, un artiste de renommée mondiale

Ousmane SOW s’est fait connaître du grand public par sa série consacrée entre 1984 et 1987, aux Noubas, population de pasteurs du Soudan que les guerres et les famines menaçaient d’extinction. Alors qu’au Sénégal, il a été jusqu’en 1988 presque un grand inconnu, subitement, le succès est au rendez-vous. Son œuvre est d’une lente maturation, puisqu’il avait exposé, déjà en 1966, au Festival mondial des arts nègres, à Dakar, un bas-relief taillé sur du calcaire et représentant une tête de Maure. En 1993, il avait exposé à la Dokumenta, à Kassel en Allemagne. En 1998, il a choisi de magnifier les grandes batailles, celle de «Little Big Horn». Refusant d’être catalogué uniquement d’artiste africain, Ousmane SOW a mis sa virtuosité et sa création artistique dans une démarche universaliste, un «hommage à un peuple résistant à l’envahisseur et symbolisant tous les peuples, de tous les temps, défendant leur territoire, qu’il soit géographique ou mental» écrit Sylvain SANKALE. Il n’a pas oublié les masques Sirige des Dogons et les civilisations Nok au Nigéria, la culture Ife du Bénin, sans négliger les Bassari et les Diolas du Sénégal. Dans le caractère imposant de son travail, «Ousmane Sow fait des sculptures qui lui ressemblent, grandes, massives, imposantes par leur seule présence !» écrit Sylvain SANKALE.

De cette exposition sur le Pont des Arts de 1999, on retiendra que Ia sculpture, pour Ousmane SOW, est une alchimie faite de poésie, de magie, de vie ; c’est la révélation mondiale. «Il s’agit d’une des données les plus paradoxales de sa carrière que sont, tout particulièrement, sa tardiveté et sa soudaineté» écrit Sylvain SANKALE. En effet, les pièces d’Ousmane Sow participent à une mise en scène ourdie dans un silence dont il est le seul dépositaire. Mais Ousmane Sow démontre également à quel point Ia sculpture peut être spectaculaire car, lui en artiste aguerri, sait que «la vie est un grand spectacle» suivant Alain MABANCKOU.

Son art dépasse les frontières. Ousmane SOW devient l’un des créateurs contemporains les plus doués de sa génération. Il expose aux États-Unis, au Whitney Museum. «Ousmane Sow ne cisèle pas seulement la complexité des êtres et des choses, des instants et des événements, des émotions et des sentiments, il sait extraire l’énergie vivifiante de la terre pour créer l’Homme à l’image de l’Homme, il arrive à extirper de l’inerte la mémoire essentielle du vivant, sait l’emprisonner pour mieux la libérer, la contraindre pour mieux la magnifier», écrit à son propos John MARCUS. C’est du 20 mars au 20 mai 1999 qu’il connaît la consécration, quand il expose ses sculptures sur le Pont des Arts, au-dessus de la Seine. «Le public français a pu voir de près ces sculptures géantes de plus de deux mètres. De même ces visages expressifs façonnés par un artiste qui pousse les limites de la création au-delà des conventions. Les traits sont précis, notamment avec les lutteurs Noubas du Sud-Soudan dont les corps puissants et nus, les visages lacérés et les regards enchanteurs saisissent et parlent à l’observateur. II y a dans toutes les sculptures d’Ousmane Sow, une arme qui plane, qui vous effleure et qui vous plonge dans un autre univers. On ressent la vie, le mouvement, le souffle, la démesure qui ont animé le créateur» écrit Alain MABANCKOU. En effet, plus de trois millions de visiteurs viendront admirer ses «guerriers» et «lutteurs», massifs, magistraux. Son œuvre consacrée à la bataille de Little Big Horn, ultime victoire du peuple sioux sur le général CUSTER avant l’extermination, fait l’unanimité. Pas moins de trente-cinq sculptures, hommes et chevaux font partie de cette œuvre unique. Pour le journal La Croix, «Ousmane Sow est un sculpteur de la dignité humaine».

Ousmane SOW a travaillé sur les personnalités qui ont marqué sa vie, une série de sculptures intitulée «Merci» parmi lesquelles on retrouve Victor HUGO, Toussaint LOUVERTURE, Martin Luther KING ou encore son propre père. «Victor Hugo fait partie, au même titre que Gandhi ou Mandela, d’un collège d’hommes que j’admire et qui me font encore croire en l’humanité. C’est parce qu’il savait ce qu’était la misère qu’il a su parler aussi fortement des misérables», dit le sculpteur dans Jeune Afrique du 19 mai 2003. Ousmane SOW s’intéresse «à ceux qui ont aidé à ne pas désespérer du genre humain».

Le docteur Sylvain SANKALE, son ami, a évoqué «la monumentalité» de l’œuvre d’Ousmane SOW «qui n’obéit à aucune règle, sinon à celles que dictent l’humeur et la passion» écrit-il. «Au choc visuel et quelque part dérangeant, provoqué par ces grands personnages nus aux musculatures exacerbées, s’est petit à petit substituée une admiration certaine dont la découverte de l’exposition du pont des Arts, par un petit matin brumeux, a été le point d’orgue» précise-t-il. «Véritable démiurge, il insuffle à ses créatures une identité, une personnalité, osons le mot, une âme qui confèrent à chacune, une unicité, un tempérament, une psychologie qui ne manquent pas de stupéfier et de séduire» écrit Sylvain SANKALE.

Le mercredi 11 décembre 2013, c’est lui, l’homme «aux doigts de sorcier» comme le surnomme John MARCUS, que le monde de l’art a voulu remercier. «Cher Ousmane Sow, conclut ainsi Jean Cardot. Vous étiez naguère sur le pont des Arts. Il suffisait de passer le pont ! Et vous voici désormais parmi nous sous la coupole, où nous sommes heureux de vous accueillir».

Depuis le 5 mai 2018, il existe désormais à la Cité Elizabeth DIOUF, à Hanne Maryse, à Dakar, un Musée Ousmane SOW, baptisée «Le Sphinx». Le sculpteur avait eu de Béatrice SOULE, deux enfants : N’Dèye et David SOW. Dans le 15ème arrondissement de Paris, il existe désormais, depuis juin 2019, une Place Ousmane SOW.

Bibliographie sélective

1 – Ouvrages sur Ousmane SOW

SOW (Ousmane), SOULE (Béatrice), BERTRAND (Jacques, A.), Rétrospective de l’œuvre du sculpteur Ousmane Sow, Arles, Actes Sud, 2006, 251 pages ;

MARCUS (John), «Ousmane SOW, le griot de la Glaise», L’Autre éditions, Paris, 2012, 78 pages, Médiapart, édition du 13 décembre 2013, et Le Soleil du 16 août 2012 ;

Collectif, SOW (Ousmane) SOULE (Béatrice), DAYDE (Emmanuel), Ousmane Sow le soleil en face, Le P’tit Jardin, 2001, 160 pages ;

PIQUEMAL (Michel) PILORGET (Bruno), Omotou : guerrier Masaï, L’Elan Vert, Scérén, Académie d’Aix-Marseille, 2011, 24 pages ;

HERVIEU-WANE (Fabrice), «Ousmane Sow. Sculpteur d’histoires», Dakar l’insoumise, Éditions Autrement, Paris, 2008, pages 24-29 ;

PIVIN (Jean-Loup) SAINT-LEON (Pascal, Martin), «Ousmane Sow, sculpture», Revue Noire, 6 avril 1999, 208 pages ;

SOULE (Béatrice), Même Ousmane Sow a été petit, avec des dessins originaux de Christophe Humbert, Paris, Le P’tit jardin, 2009, 164 pages ;

«Ponts des Arts», Beaux-Arts Magazine, hors-série, 19 mars 1999, 36 pages.

2 – Reportages sur Ousmane SOW

BOITIAUX (Charlotte) reportage de France 24, édition du 12 décembre 2013 ;

LORELLE (Véronique) «Ousmane Sow passe le Pont des Arts l’épée à la main», Le Monde, Culture, 10 décembre 2003 ;

LORELLE (Véronique) «Ousmane Sow passe le Pont des Arts l’épée à la main», Le Monde, Culture, 10 décembre 2003 ;

MARIN LA MESLEE (Valérie) «Ousmane Sow avait deux amours : son pays et Paris», Le Point, 29 juin 2019 ;

MICHEL (Nicolas), «Ousmane Sow, l’anartiste», Jeune Afrique, no 2525, du 31 mai au 6 juin 2009, pages 86-87 ;

MABANCKOU (Alain), «Ousmane Sow, la sculpture du spectacle», Présence Africaine, 1999, Vol I, n°159, pages 211-214 ;

HASSAN (Salah, M.), «Native to Native, the Sculpture of Ousmane Sow», African Arts, hiver 1999, Vol 32, n°4, pages 36-49 et 93 ;

«Ousmane Sow passe le Pont des Arts, l’épée à la main», in Le Monde de la Culture du 10 décembre 2013 ;

«Ousmane Sow reçu à l’Académie des Arts», Le Figaro du 12 décembre 2013 ;

PIQUEMAL (Michel), «Interview de l’auteur et de l’illustrateur», Le Point du 10 décembre 2013 ;

SANKALE (Sylvain), «Ousmane Sow est mon ami», Présence africaine, 2015, Vol I, n°195, pages 63-76 ;

«Victor Hugo, par Ousmane Sow», in Jeune Afrique du 19 mai 2003 ;
Reportage d’Arte «Ousmane Sow», du 12 décembre 2013.

Paris, le 24 mai 2016, actualisé le 12 novembre 2022, par Amadou Bal BA – http://baamadou.over-blog.fr/

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