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«Mme Sibeth N’DIAYE, porte-parole du gouvernement français et l’ambiguïté de la politique de promotion de la diversité en France», par M. Amadou Bal BA –

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Le cas hautement symbolique de Sibeth N’DIAYE, promue d’abord au rang de cheffe du service presse à l’Elysée, puis depuis ce 31 mars 2018, porte-parole du gouvernement français mériterait une attention particulière, dans un contexte de montée des populismes et de la démystification du système jupitérien. C’est une nomination hautement symbolique mais est-ce que cela va faire avancer le bien-vivre ensemble et améliorer la vie quotidienne des personnes en difficulté ?

Force est de constater que les forces de l’ordre continuent, à l’occasion d’un banal contrôle d’identité, d’étouffer à mort nos enfants, sans que justice soit rendue. Des parties entières de notre territoire, sont devenues des zones de relégation qu’Emmanuel VALLS avaient qualifiées d’Apartheid. Sur le plan social, le mouvement des Gilets a eu le mérite de pointer du doigt les graves injustices commises par le président des riches à l’égard des paupérisés. Pourtant, Jupiter, à travers son débat national, tente d’étouffer ces voix légitimes, en disant que ses réformes injustes vont continuer.

Par conséquent la nomination de Mme Sibeth N’DIAYE, au poste de porte-parole du gouvernement ne va pas, par une baguette magique, solutionner toutes ces difficultés. M. MACRON, élu par défaut, et mandaté par les riches, croit que tout est communication ; sa politique pour serait bonne, mais on n’a pas bien compris, la pertinence de sa politique qui produira, un jour, des résultats.

Cependant, devant le refus de la classe politique de reconnaître que la France est devenue un Etat multiculturel et la poussée des idées de la haine, cette promotion de Mme Sibeth N’DIAYE, par son symbolisme est un signal fort qu’il ne faudrait pas balayer d’un simple revers de la main.

Mme Sibeth N’DIAYE, «La Olivia POPE», figure omniprésente pendant la campagne électorale aux côtés du candidat et garde rapprochée du président Emmanuel MACRON, a frappé les esprits, Il n’en reste pas moins que ce cas emblématique questionne toute la politique française d’intégration. Mme Sibeth N’DIAYE parlant couramment le Ouolof, est née le 13 décembre 1979, à Dakar, au Sénégal. Mme Sibeth N’DIAYE a grandi au Plateau, en centre-ville de Dakar. Dernière d’une fratrie de quatre filles, elle reçoit une éducation à l’européenne dans une famille bourgeoise. Son père, Fara N’DIAYE, membre fondateur du PIT et de la F.E.A.N.F., était le numéro deux du Parti démocratique sénégalais (PDS) d’Abdoulaye WADE, ancien président du Sénégal de 2000 à 2012, qu’il a quitté en 1986 pour rejoindre l’équipe du président d’alors, le socialiste Abdou DIOUF (1981-2000), afin de travailler sur le Canal du Cayor, un projet destiné à alimenter en eau potable la ville de Dakar. Mais il faut préciser que Fara N’DIAYE n’a pas rejoint Abdou DIOUF pour des prébendes ou des postes. Il était un homme pétri de valeurs. Les raisons qui l’ont fait quitter le Pds sont plutôt d’ordre doctrinal. Sa conception intellectuelle de la lutte pour le «Sopi» était en rupture avec les méthodes violentes de son patron Abdoulaye WADE (voir mon post). Finalement, sachant que l’utilisation de la violence et de la terreur étaient les armes de prédilection de WADE pour combattre le régime socialiste. Il faut préciser que Fara N’DIAYE était une connaissance de longe date d’Abdou DIOUF : «Fara était pour moi un ami depuis la période de 1958-60, quand nous étions à la Cité universitaire de Paris. En outre, son épouse, Mireille, était la sœur d’Yves BRENNER, un de mes condisciples à l’Université de Dakar», écrit Abdou DIOUF, dans ses mémoires (Voir mon post sur Abdou DIOUF). Cependant, une partie de la famille de Sibeth resta proche d’Abdoulaye WADE. Ainsi, en 2000, lorsque maître WADE devient chef de l’Etat, la mère de Sibeth, Mireille N’DIAYE née BRENNER (1940-2015), d’origine allemande et togolaise, occupe le poste de présidente du Conseil constitutionnel. Elle le conservera jusqu’en 2010.

Sénégalaise d’origine, Sibeth N’DIAYE a acquis la nationalité française en juin 2016. «J’ai mis beaucoup de temps à me décider», confie-t-elle . «Une grande partie de ma famille réside au Sénégal, en particulier l’aînée de mes trois sœurs. Les autres vivent dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, au Togo, dont est originaire ma mère, et au Nigeria. Nous sommes plutôt des globe-trotteuses». Son prénom, Sibeth, signifie «qui a gagné beaucoup de combats» en langue Diola. Mme Sibeth N’DIAYE s’est engagée en politique alors qu’elle était encore étudiante, au sein de l’UNEF, un syndicat étudiant historiquement proche du Parti socialiste. C’est donc tout naturellement que la militante étudiante rejoint les rangs du Parti socialiste en 2002. Encartée, elle gravit les échelons du Parti, jusqu’à devenir secrétaire nationale chargée de la petite enfance en 2009. Elle s’est ainsi engagée, lors de la présidentielle de 2007, contre Nicolas Sarkozy et les «dangers» qu’il faisait courir selon elle à la France. Mme Sibeth N’DIAYE a débuté en politique dans le service de presse de Claude BARTELONNE, alors qu’il présidait le conseil général de Seine-Saint-Denis. Mme N’DIAYE a ensuite gagné Bercy, où elle a assuré les relations presse d’Arnaud MONTEBOURG, d’abord ministre du Redressement productif puis de l’Economie. Mme N’DIAYE est restée au Ministère après la démission du gouvernement de M. MONTEBOURG. M. MACRON conserve Sibeth dans son équipe. Et lorsqu’il démissionne à son tour pour se lancer dans la bataille pour l’Elysée, elle l’accompagne. Tout le monde a reconnu ses importantes qualités professionnelles durant cette campagne électorale, dont Mme Laurence HAIM qui estime que «C’est une excellente conseillère qui connaît parfaitement le fonctionnement de la presse».

Il faut donc se réjouir de cette promotion fondée sur le mérite, hautement symbolique, car les symboles ont une importance particulière en politique. Cela signifie, dans les quartiers, il faudrait abandonner la colère stérile et garder l’espoir et l’espérance. On peut y arriver, à force de travail et d’abnégation. Mais ce travail nécessite parfois un coup de pouce.

Cependant, toutes les personnes issues de l’immigration, quand elles atteignent un certain niveau de responsabilité, font souvent l’objet d’attaques injustes. Ainsi, depuis quelques temps on entend une petite musique concernant «la Cool attitude» de Mme Sibeth N’DIAYE. Ses tresses et ses Adidas sont jugés, par une certaine presse haineuse, comme malséants. En effet, Mesdames Rama YADE, Rachida DATI ainsi que Christiane TAUBIRA, en raison de leurs origines ethniques, avaient fait l’objet d’attaques sexistes et indignes de la République, sans être défendues de façon vigoureuse. En particulier, Mme Christiane TAUBIRA, qualifiée de «singe» par une élue du Rassemblement national, qui avait critiqué, publiquement, le funeste projet de déchéance, avait été évincée, fort injustement du gouvernement par M. VALLS. En son temps, la réplique de Mme Rama YADE au sujet de la déclaration de M. SARKOZY, «l’homme Noir n’est pas entrée dans l’Histoire» lui avait valu la réprimande, puis la marginalisation et finalement l’éviction du gouvernement. Mme Najet VALLAUD-BELKACEM est souvent citée comme exemple de bonne intégration, mais a fini par s’éloigner du Parti socialiste.

On connaît les limites de cette diversité cosmétique se manifestant par une forte dépendance : «se soumettre ou se démettre» suivant une formule empruntée à Mac MAHON. En effet, cette diversité choisie, pour se faire bonne conscience, ou qu’on peut appeler «cosmétique», peut se révéler comme une démarche paternaliste. La personne ainsi cooptée ne représentant qu’elle-même, est enfermée dans de très forts liens de subordination, sans aucune marge de manœuvre. La vraie diversité devrait se fonder, non seulement sur les compétences, cela va de soi, mais aussi sur le militantisme avéré pour avoir une légitimité suffisante vis-à-vis de la base et du pouvoir politique, et porter ainsi des projets innovants, de nature à renforcer la cohésion sociale, promouvoir l’égalité réelle et changer, réellement, la vie des gens dans les quartiers, pour une République apaisée et pour le bien-vivre ensemble.

L’ambiguïté de la politique française d’intégration tient au fait que d’une part, théoriquement, la loi française garantie l’égalité des citoyens devant les emplois publics, mais que d’autre part, cette affirmation est très largement contredite par la réalité. En effet, la promesse républicaine d’égalité réelle de tous citoyens, devant la poussée du Front national et la lepénisation des esprits, questionne gravement sur la place des Français issus de l’immigration dans la sphère publique. Ce qui occupe, souvent une place importante dans le débat politique, ce sont les sujets stigmatisants : (Voile, laïcité, burqa, terrorisme, les rapports difficiles avec les forces de sécurité, etc.), en revanche, les enjeux de bonne intégration dans la société française sont occultés. Bref, l’hypocrisie, le paternalisme et le double langage ont discrédité la parole publique et les Français issus de l’immigration ont choisi de déserter le champ politique et de la citoyenneté faisant ainsi d’eux des proies faciles du Front National. Par ailleurs, les différentes organisations noires, comme le C.R.A.N., sensées soulever les questions fondamentales d’une bonne intégration de ces populations sont engluées dans leurs dissensions internes. Ces organisations multiples concurrentes et parfois éphémères sont discréditées par des comportements peu vertueux de certains de leurs dirigeants. En effet, ils ont souvent transformé ces nobles organisations en outils de promotion personnelle.

En définitive, l’enjeu essentiel du débat concernant la diversité reste fondamentalement la question de la citoyenneté. En effet, les Français issus de l’immigration ne devraient pas être ravalés au rang de citoyens de seconde zone dont le destin serait d’occuper des fonctions ingrates ou remplir les prisons dont les certains dirigeants se proposent d’agrandir la capacité d’accueil et renforcer le dispositif répressif. L’intégration n’a de sens que si, à égalité de droits et d’obligations, les Français issus de l’immigration se retrouvent dans tous les lieux de décisions, notamment au sein des partis politiques, aux instances délibérantes, dans la haute administration, la presse et la sphère économique.

Aux précédentes législatives de 2017, la France Insoumise comme le mouvement En Marche ont présenté des candidats de la diversité ; il faut que la France ressemble davantage à la diversité de la population qui la compose. Cependant et s’agissant du mouvement En Marche les députés ont été ravalés au rang de figurants et ont peu de valeur ajoutée dans le débat politique. Pire les personnalités issues de la diversité ont fait l’objet d’attaques et de menaces à caractère raciste (polémique sur les baskets de Sibeth NDIAYE et menaces contre Jean-François M’BAYE et injures à l’encontre de Laetitia AVI) sans que ces personnes ne soient défendues et soutenues énergiquement. Souhaitons bon courage à Mme Sibeth NDIAYE.

Les municipales de 2020 devraient être, à mon sens, l’occasion aussi de renforcer la présence de la diversité ravalée, pour l’instant, à des postes folkloriques. Il n’est pas normal qu’à Paris, une ville avec 116 nationalités, qu’il n’y ait aucun conseiller de Paris issu de l’immigration. C’est une grave injustice à corriger.

Sur le plan théorique, il règne un consensus, au sein de la classe politique, sur la nécessité de faire une place à la diversité, pour la représentation politique puisse être, réellement, à l’image du pays, devenu multicolore. Mais dès qu’il s’agit d’identifier un point de chute précis, chacun se dit : «c’est bien, mais pas dans ma circonscription !».

Là où la politique d’intégration est encore plus ambiguë, c’est au niveau de la haute administration, dans les postes dont la nomination soumise à la discrétion de l’autorité administrative. On se rappelle de cette déclaration de M. SARKOZY : «j’ai nommé le premier préfet musulman» qui en dit long sur cette ségrégation qui ne dit pas son nom. La deuxième génération des Français issus de l’immigration a fréquenté les grandes écoles, mais cependant leurs demandes d’emplois seront fréquemment rejetées avec ce motif fallacieux : «ne correspond pas au profil». A tel point que l’idée du C-V anonyme a ressurgi dans ces présidentielles de 2017. Est-ce vraiment le C-V qui est en cause, ou refus de voir que la lepénisation des esprits a fortement progressé dans ce pays ?

Si la communauté maghrébine a réussi à pénétrer, timidement, le secteur de la boucherie Halal et si les Chinois ont pris d’assaut les tabacs parisiens, en revanche, les Français issus d’Afrique sont confinés aux tâches ingrates, au chômage ou à la vente de produits illicites. En effet, les financements stériles d’associations ou subventions importantes aux entreprises investissant dans les quartiers, n’ont pas porté leurs fruits à la hauteur des ressources financières importantes dégagées. Il est grand temps de redéployer, de façon plus efficace, ces ressources publiques, dans le sens de l’intérêt de ces populations.

Une presse obséquieuse avait, hâtivement, salué la «présidence jupitérienne» le style d’Emmanuel MACRON, en fait un président des riches. Durant sa campagne électorale, le président MACRON avait dégagé un programme séduisant, et sur lequel, les actes devraient suivre la parole. En particulier, l’idée que l’Afrique, loin d’inspirer la peur, est «une zone d’opportunités» à saisir. La «Françafrique» est une conception paternaliste et victimisante, il faudrait y mettre fin, en choisissant une coopération équitable. La Francophonie est un espace de solidarité, nécessitant des visas pour les chercheurs et les étudiants, afin de renforcer les liens historiques entre la France et l’Afrique. Et s’agissant, du Franc C.F.A., c’est aux Africains de décider de leur souveraineté, le président MACRON, restant à l’écoute de leurs besoins. Sitôt élu, le président MACRON a montré son vrai visage, celui d’un jeune devenu le porte-drapeau d’un Ancien monde qu’il semblait condamner.

Souhaitons plein succès dans ses nouvelles missions à Mme Sibeth N’DIAYE, pour l’intérêt de la Diaspora et une coopération, mutuellement, avantageuse entre la France et l’Afrique.

Paris, le 31 mars 2019 par M. Amadou Bal BA – http://baamadou.over-blog.fr/

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