Bon anniversaire avec un peu de retard à Mme Annette M’BAYE D’ERNEVILLE, Femme de lettres et première femme sénégalaise journaliste. En effet, le 23 juin 2022 Mme Annette MBAYE D’ERNEVILLE a fêté dans la plus grande discrétion ses 96 ans. Cet événement est passé inaperçu et pourtant Mme Annette MBAYE D’ERNEVILLE fait partie de ceux qui ont contribué au rayonnement du Sénégal à travers le monde, pour en faire «Un grand petit pays» en référence au titre de mon troisième livre. «C’est qu’ayant traversé notre siècle, en vraie femme de communication, beaucoup d’autres destins se sont emmêlés au sien ; sa mémoire est restée prodigieusement intacte, et quand on l’écoute, la surprise est grande de l’entendre égrener tant de noms de personnages illustres ou anonymes et, surtout de de générations si différentes» écrit à son sujet, l’écrivain, linguiste et éditeur, Boubacar Boris DIOP.
Grande dame des Lettres, Mme Annette MBAYE D’ERNEVILLE, née le 23 juin 1926 à Sokone, dans la région de Fatick, au Sine-Saloum, est issue d’une famille chrétienne métisse, originaire de Saint-Louis. Son père, Victor Hyppolite D’ERNEVILLE (né le 11 mars 1880, à Boké, en Guinée – mort à N’Gatch, le 1er février 1969), un postier, puis un négociant arachidier et technicien des travaux publics, est venu s’installer à N’Gatch, près de Fatick. Son grand-père paternel, Charles Jean Hyppolite d’ERNEVILLE (1834-1887), était un négociant saint-louisien. Sa grand-mère paternelle, Marianne O’HARA, de souche irlandaise (1813-1876) était également une saint-louisienne. Sa mère, Marie Pierre TURPIN (née en 1887 à Sokone – morte en 1938, à Dakar), est la fille de Théophile TURPIN et de Touty SARR. La famille TURPIN de CRISSE de Saint-Louis a sans doute des origines lointaines du Maine et de l’Anjou, en France. Quand sa mère meurt, à l’âge de 51 ans Annette n’avait que douze ans. La jeune Annette entame d’abord des études primaires et secondaires, à Saint-Joseph de Cluny, à Saint-Louis, «La vie à l’école était très rigide. Le matin, pour l’inspection générale, nous portions l’uniforme, les cheveux devaient être bien coiffés, bien tressés, les ongles courts et propres. Il régnait une discipline empreinte d’affection familiale, nous ne sentions pas de coupure nette entre nos familles et l’internat. Nous n’avons jamais senti de racisme ou de discrimination dans cette école, où je n’ai eu qu’un seul Noir comme professeur. Les enseignants étaient sévères, mais pas injustes, cela compte beaucoup à l’adolescence. Nous étions une exception» dit-elle.
De 1942 à 1945 elle est admise à l’école normale de Rufisque, formant des enseignants, à une époque où se sont les pétainistes qui avaient conservé la colonie du Sénégal. Alors que les normaliennes sont censées vivre dans des conditions paisibles propices à l’éducation, les bâtiments choisis par l’administration sont loin de permettre une telle atmosphère. La quiétude pâtit du passage des wagonnets dont le bruit couvre la voix des maîtresses et des élèves, tandis que des badauds se hissent aux fenêtres peu élevées et observent les jeunes filles pendant la classe. Mme Germaine Le GOFF (1891-1986), institutrice et éducatrice ayant servi au Mali et au Sénégal et fondatrice de la première école d’institutrices en Afrique, dans sa grande bienveillance, estime que «cette école de caractère essentiellement pratique est un non-sens en pleine ville commerçante». Mme LE GOFF aspirait d’une «belle école africaine, spacieuse, gaie et accueillante» au lieu d’une implantation dans «le méchant quartier d’une ville très laide». En effet, à proximité d’une chocolaterie, et peu isolée, les échanges bruyants dans la rue ou des intrusions dans l’établissements d’hommes malintentionnés, menaçaient parfois la quiétude ou la sécurité des jeunes filles. Cependant, Mme Annette M’BAYE a eu la chance de croiser Germaine LE GOFF, une bretonne en fonction au Sénégal entre 1938 et 1945, qui l’a très fortement influencée. Très politique et humaniste, Mme LE GOFF détestait le maréchal Philippe PETAIN (1856-1951) et tenait tête aux autorités coloniales collaborationnistes. «Elle a fait naître en nous un sentiment d’orgueil, qui nous faisait croire que l’Afrique comptait sur nous, cette Afrique, en forme soit de revolver soit de cœur, avait besoin de nous. Cette petite Bretonne a mis en nous cette graine qui a germé de diverses façons, qui a donné des générations de femmes qui, au moment des indépendances, ont tenu des rôles de leaders. Elle nous appelait «mes filles d’Afrique» dit-elle.
Admise à l’école normale des Batignolles à Paris 17ème, elle se marie à N’Dakté M’BAYE, un futur ingénieur agronome. L’influence de Germaine LE GOFF, pour la jeune Annette, sur son attachement à l’Afrique et à son «africanité», la lutte pour une femme indépendante, digne et moderne, sont décisifs «Vous connaissez la mentalité des mulâtres de Saint-Louis ! Ils ne se considéraient pas comme des Africains ! Ainsi, mes parents auraient bien aimé que j’épouse un métis voire un « Toubab ». Cela dit, lorsqu’ils ont connu mon mari, ils l’ont adopté. Comme quoi, ils n’avaient pas que des préjugés. L’influence de notre directrice a permis que dès mon arrivée à Paris, je me mêle aux Africains qui y faisaient leurs études» dit Anne M’BAYE. Arrivée très jeune en France, elle avait comme tuteur Léopold Sédar SENGHOR. La jeune Annette découvre que des Blancs nettoient les rues, et qu’on la sert, sans aucune difficultés, dans les cafés parisiens, et surtout, en dehors de l’ignorance du système colonial, il y avait de nombreux Français, sans aucun préjugé racial. Alors, Annette s’est faite de nombreux amis, dont Yves MONTAND, Simone SIGNORET et Jean-Paul SARTRE. Annette M’BAYE découvre aussi, avec stupeur, que certaines Antillaises cultivent un complexe de supériorité à l’égard des Africains.
Passionnée par la communication, Annette M’BAYE réalise des émissions en français et en Ouolof, sur l’Afrique pour la Sofirad, une société de l’audiovisuel fondée par Pierre LAVAL. Elle s’exprimera, pour la première fois, à la RTF, en 1952. «Je passai le concours de l’OCORA avec succès, et j’obtins ainsi, après des cours et un stage au Studio-Ecole, mon diplôme de journaliste de radio» dit, en 1975, Mme M’BAYE à «Amina». A partir d’octobre 1955, et sous l’égide Pierre SCHAEFFER, elle complète sa formation à la Société de radiodiffusion de la France d’Outre-mer et au studio de Maisons-Laffitte. En 1957, Annette M’BAYE revient s’installer au Sénégal, en qualité d’enseignante. Parallèlement à ses activités d’enseignante, Mme Annette M’BAYE s’intéressait aussi à la presse écrite, à Bingo, La Vie africaine ou Femmes du Soleil : «En ce qui concerne la presse écrite, après ma sortie de l’Ecole Normale de Rufisque, je me suis mise à écrire dans certains journaux de l’époque, des articles sur les femmes et sur des problèmes à caractère social. Les sujets de ces articles étaient assez avancés pour l’époque. « J’y parlais déjà d’émancipation féminine. A ce propos, je dois mentionner l’influence considérable qu’eut sur moi la directrice de l’Ecole Normale de jeunes filles de Rufisque : Madame Germaine Le Goff. C’est elle qui m’a fait prendre conscience que les femmes, elles aussi, peuvent faire quelque chose pour l’Afrique. Elle nous a fait prendre conscience de notre « africanité », bien avant que ce mot soit à la mode, comme maintenant, à une époque où personne ne songeait réellement à l’indépendance du continent» dit Mme M’BAYE à «Amina». Annette M’BAYE devient la première femme sénégalaise journaliste à la radio sénégalaise, et sera Directrice des programmation. En effet, elle devient journaliste pour Radio Sénégal et occupe, au ministère de l’Information sénégalais, de 1964 à 1979, les postes d’Agent du Bureau de presse, de chef de la chaîne nationale, de chef de la chaîne internationale et de chef de service des relations extérieures et internationales de radio-Sénégal, de productrice d’émissions radiophoniques hebdomadaires diverses et de Directrice nationale des programmes de la Radiodiffusion sénégalaise.
Mme Annette M’BAYE D’ERNEVILLE, mère de quatre enfants, ne revendique pas ouvertement d’être féministe «Je m’en défends. On a besoin d’hommes, ne serait-ce que pour faire des enfants. Après tout, on peut s’en séparer» dit-elle. En 1963, après son divorce avec N’Dakté M’BAYE, en femme battante, énergique et refusant la trahison, Annette M’BAYE s’installe à Dakar ; elle a une autre conception du mariage : «Décider de vivre avec quelqu’un, c’est autre chose que de simples rapports sexuels. Il faut une certaine éthique. Je peux paraître vieux jeu, mais le mariage est une chose sérieuse. Si on ne respecte pas certaines règles, on risque de se mépriser soi-même. En ce qui concerne la polygamie, je la conçois lorsqu’elle est acceptée par amour, lorsque la femme, consciente, organise elle-même sa vie conjugale, sans contrainte. Finalement, c’est une affaire toute personnelle que ni les décrets ni les manifestes ne feront disparaître. En général, dans la société africaine, le mariage, mono ou polygame valorise la femme. Elle acquiert le respect du jour au lendemain. C’est d’ailleurs pour cela que certaines femmes finissent par accepter la polygamie. Mais le mariage doit être basé sur l’estime et non sur l’intérêt. La femme ne doit pas se faire entretenir. Un autre écueil, c’est que l’on se marie beaucoup plus pour l’extérieur que pour soi-même. Les mères, dans ce domaine ont un rôle important, car elles poussent leurs filles. Il ne faut pas tricher; il faut se marier pour soi-même et non pas pour les autres» dit-elle au journal «Amina».
Dans sa contribution littéraire, constituée de poèmes et d’une littérature enfantine, Mme Annette M’BAYE traite de la souffrance, de la révolte, de l’amour ou la jalousie affectant souvent la femme africaine. Il y est question de nostalgie, de regrets, de solitude, mais aussi et surtout d’une grande humanité, un espoir que les femmes pourront, un jour, se libérer de leur joug. Sa maison étant un véritable salon littéraire, Mme Annette M’BAYE D’ERNEVILLE, surnommée la «Roulotte», fait partie de ceux qui ont encouragé Mme Mariama BA (1929-1981, voir mon article), l’auteure de «Une si longue lettre», maintenant mondialement connue, à exposer son talent littéraire. Par conséquent, si le «Sénégal est un Grand Petit Pays», c’est en raison de ces Femmes et de ces Hommes de culture et de Lettres qui ont fait rayonner son nom à travers le monde entier. Un patrimoine immatériel inestimable !
Mme Annette M’BAYE D’ERNEVILLE est à la base de la montée d’une revendication des Femmes à plus de justice et d’égalité dans la société sénégalaise. Aux indépendances, dans un pays marqué par des traditions rétrogrades et un Islam oppressant pour la Femme, Laye M’BOUP (1937-1975, voir mon article), un chanteur emblématique de l’ère senghorienne, avait sorti un tube faisant fureur à la radio : «Diongoma» ou la Grande ou Belle Dame. Mais si la musique et la voix de Laye M’BOUP, dont je suis un grand admirateur, sont envoûtants, personne n’a prêté attention aux paroles de cette chanson ; la femme, dont il fait l’éloge, selon ce chanteur traditionnaliste, devrait être soumise et craintive, se pouponner pour accueillir son mari du retour de son travail et l’appeler, en signe de déférence, «Nijaaye» ou tonton.
Il faut dire que ce Sénégal conservateur, misogyne et ses goujateries, que combat depuis plus de 60 ans, Mme Annette MBAYE D’ERNEVILLE n’a pas totalement disparu, de nos jours, notamment dans le champ politique. En effet, une partie de la liste aux législatives du 31 juillet 2022 de Ousmane SONKO a été censurée pour non-respect du principe de parité. Ousmane SONKO aspirant, légitimement, pourtant à de très hautes responsabilités, un partisan des salons de massage et probablement de la prédation sexuelle, lui-même, s’est mis hors du champ de l’Assemblée nationale. Le plus grave, c’est que les postes de députés emblématiques ont été réservés aux Hommes de son mouvement. Il faudrait rendre hommage au l’ancien président Me Abdoulaye Wade qui a instauré la parité dans les listes électorales ; une démocratie sans partage du gâteau est une escroquerie. La liste de BENNO, celle de la majorité présidentielle, a été dirigée, victorieusement, par Mme Aminata TOURE, une ancienne première ministre et présidente du Conseil économique et social.
Mme Annette MBAYE D’ERNEVILLE est la première femme journaliste au Sénégal, dans un pays à l’indépendance où l’école française était combattue, et les familles étaient hostiles à la scolarisation des jeunes filles. Mme Annette M’BAYE D’ERNEVILLE, en rédactrice en chef, lance d’abord un périodique féminin, «Femmes de Soleil», puis la revue «Awa», éditée dans l’imprimerie d’Abdoulaye DIOP, à Dakar, qui a été diffusée du n°1 de janvier 1964, au n°4 de mai 1973. Mme Annette MBAYE D’ERNEVILLE a, par conséquent, semé dans le cœur de tous les Sénégalais cette culture de l’égalité Femmes-Hommes, à travers sa première revue féminine en Afrique «Awa», concernant une afro-modernité et des revendications sur les droits des femmes. La revue Awa, se distingue nettement de «Amina» dont le siège, initialement à Dakar, est à Paris 8ème. Amina, un groupe français, est fondé en 1973, par le créateur du journal «Paris-Dakar», Michel Le TONNELIER de BRETEUIL (1926-2018), ayant vécu au Sénégal et en RCI, est un magazine qui se veut apolitique : «Il faut retenir que le féminisme européen n’a pas de prise en Afrique Noire. Mais si nous entendons par féminisme la défense des droits de la femme, nous pouvons remarquer qu’au Sénégal, les femmes s’affichent indépendamment du parti, contrairement aux associations féminines officielles des partis politiques dans la plupart des autres pays de l’Afrique francophone. Les femmes ne s’identifient pas en premier lieu à des problèmes spécifiquement féminins. Ce sont les questions liées à la survie et au sous-développement qui les préoccupent avant tout. Longtemps, des questions telles que le viol furent mises sur le dos du diable, mais maintenant, les femmes commencent à parler de ces sujets tabous et à identifier les problèmes» dit en 1988, Assiatou DIALLO, rédactrice en chef d’Amina.
Mme Annette MBAYE s’insurge contre cette valeur de «virilité» estimant que «la féminité est synonyme de soumission, de douceur et d’abnégation» écrira Jacqueline Ki-ZERBO. Les objectifs de cette revue pionnière, «Awa», destinée aux femmes courageuses et exemplaires, sont jugés parfois éclectiques : poèmes, histoires courtes, reportages politiques et essais, mais aussi des articles sur la mode ou la cuisine, l’ameublement ou la décoration intérieure, la vie quotidienne des femmes. Par conséquent, le magazine Awa «ne se caractérise pas seulement par la polyphonie caractéristique du dispositif médiatique, elle se révèle contradictoire, voire agonistique» écrit Marie-Eve THERENTY, sur «la difficile équation» de cette revue. Awa envisage d’être une revue faite pour des femmes noires, par des femmes noires, mais dotée d’une forte identité littéraire : «Je pense que tu dois être plus africaine, il te manque certains des vieux atours de nos grands-mères. Pour utiliser un langage plus imagé, je dirai qu’il te manque le «Gongo» et le «Tiouraye». Il faut que l’on trouve en toi un peu de saveur africaine, la grâce saint-louisienne, le piquant Bambara, un soupçon de canaillerie Peuhl. Tu ne montres comme dessous que dentelles et nylon frou-frou en soutien-gorge. C’est bien même très excitant mais, n’oublie pas le petit «Béthio» tout blanc barré de noir comme le portaient nos grands-mères, il a aussi son charme pratique ; tout ceci pour te dire que tu dois être synthèse de nos vieilles valeurs intégrées dans ce monde moderne» écrit N’DIAGA, dans un article «À la belle aux yeux de velours», Awa, mai 1964, page 34.
Lorsque Annette M’BAYE, fonde en 1964, la revue Awa, elle venait de divorcer pour assumer une carrière publique de femme de médias, assumant ainsi son statut de journaliste indépendante. Son mari aurait préféré qu’elle reste institutrice, malgré les brillantes études de journalisme qu’elle avait faites en France ; elle a été major de sa promotion. En effet, avant d’être écrivaine, Annette M’BAYE se définit, avant tout et surtout, comme journaliste, appréciant hautement la lecture. La revue Awa, de 1964 à 1973, avec des tirages entre 6000 et 7000 exemplaires. Son comité de rédaction, en dehors de Baïdy SOW, le photographe et Henri MENDY, le chroniqueur, est essentiellement composée de femmes, dont Annette M’BAYE en rédactrice en chef, Solange FALADE (1925-2004), médecin et première femme psychanalyste d’origine béninoise et écrivaine, Oulimata BA (1925-2016), future épouse de Mamadou DIA, et représentante du Sénégal à l’UNESCO, Virginie CAMARA, poète et ex-femme de David DIOP et Henriette BATHILY. Certaines contributions sont anonymes, de nature à protéger leur auteure : «En avançant masquées et groupées, elles proposent des modes d’émancipation plus pratiques que théoriques, toujours susceptibles de reconduire des hiérarchies genrées en une période où l’accès au statut et à l’autorité d’auteure est bien moins assuré pour les femmes que pour les hommes» écrit Claire DUCOURNAU.
Cependant, Awa a été alimentée de contributions hétéroclites, une ligne éditoriale cohérente n’a pas été facile à trouver. Annette M’BAYE avait collaboré avec la revue «Elle» dont les valeurs qui l’ont influencé sont l’engagement dans la vie de la cité, l’émancipation féminine, l’esprit d’entreprise, la solidarité et le combat contre les injustices. L’éditorial, non signé du premier numéro de Awa de janvier 1964, mais on a reconnu le style de Mme Annette M’BAYE, est prudent et rassurant. C’est une revue sans être bavarde, pédante, sérieuse et moralisatrice, féminine ou gaie, a pour ambition de trouver «le ton juste, celui qui touche, créé le lien entre rédactrices et lectrices» écrit-elle. Quant à la ligne éditoriale «Awa n’a pas la prétention d’être «une révélation» ; il ne s’agit pas, comme d’aucuns pourraient le penser, de forger une arme féminine insensée, mais plutôt de ciseler un instrument qui puissent mettre en valeur nos possibilités, notre féminité. Il n’est pas question de se servir d’Awa pour lancer une croisade de l’égalité des femmes et des hommes, ni pour chanter l’émancipation de la femme africaine. Tout cela est dépassé, partout les femmes ont déjà fait leurs preuves. Awa se propose, simplement, une raison de nous rencontrer, nous apprécier, nous femmes d’Afrique, femmes du monde entier» écrit Mme Annette M’BAYE, rédactrice en chef. Et pourtant, dès 1966, Awa aborde la question sensible des castes au Sénégal, un frein parfois aux mariages d’amour «Dans un monde en perpétuel mouvement nous sommes obligés d’évoluer. Refuser d’admettre cela, serait manquer d’objectivité, et, on peut le dire, de bon sens» écrit-elle dans l’édito de Awa n°15, de janvier 1966. «Le monde en général et l’Afrique, en particulier, subissent, à notre époque, une évolution rapide. Ce mouvement général qui nous entraîne à vitesse étourdissante, modifie sans cesse la place et le rôle de la femme dans la société» écrit Jaqueline Ki-ZERBO, née COULIBAKY (1933-2015). La femme doit en particulier lire, non pas les sciences ménagères ou l’éducation des enfants, mais pour se cultiver, avoir une distance critique, un enrichissement et un épanouissement de sa personnalité, pour plus d’égalité et d’indépendance.
A l’aube de l’indépendance et en pleine Guerre froide : «Awa vise à reconstruire une histoire du continent qui enjambe largement la période coloniale et qui ne polémique pas frontalement. Ses prises de position sont souvent latérales» écrit Marie-Eve THERENTY. Aussi, les questions politiques, de sexualité, de polygamie ou d’avortement sont évacuées de la revue. Cependant, et dès le 1er numéro de 1964, la question de l’indépendance de la Femme, confinée par la tradition dans la minorité, est abordée, frontalement : «La femme africaine doit maintenant renoncer au confort de l’irresponsabilité et devenir enfin adulte. Elle doit quitter la mythologie de la femme problème où l’enferme sa propre vanité et l’instinct de domination des hommes» dit, Joseph THIAM, dans Awa, n°1 de janvier 1964, page 29, «la femme africaine, un faux problème».
Dans la revue Awa, Annette M’BAYE D’ERNEVILLE a choisi de donner la parole à toutes les femmes du monde et de toutes les couches sociales (femmes rurales, filles des mers, les combattantes de Guinée-Bissau, l’opératrice de radio, les femmes israélienne, de la République arabe unie, la prise de parole à la conférence des femmes à Monrovia). «Les femmes d’Afrique Noire ont eu, et continuent d’avoir, sous des formes qui ont varié dans le temps, la vie dure. Avec la colonisation, les conditions de vie des femmes eurent tendance à s’aggraver.» constate, en 1994, la professeure Catherine COQUERY-VIDROVITCH, dans son ouvrage «les Africaines, histoire des femmes d’Afrique noire». La prostitution, le viol, les mariages forcés, la dépendance économique, ont constamment fait de la Femme africaine, une mineure, victime de différentes violences ou injustices : «L’élément le plus prometteur est qu’aujourd’hui, à peu près partout, la parité du droit à l’école est en voie d’être acquise» précise la professeure, Catherine COQUERY-VIDROVITCH. En effet, la revue Awa de février 1973, valorise l’exemple de Sokhna DIENG, première téléspeakerine sénégalaise en 1972. Epouse de Modou Kara M’Backé, un marabout et chef de parti, elle a siégé au Sénat de 2007 à 2012 et à l’assemblée nationale du Sénégal. Mme Sokhna DIENG, noire d’ébène dans sa beauté authentique, récuse le «Khessal», le fait de se faire blanchir la peau, et défend les valeurs sénégalaises «Nous, Africaines, nous ne devons pas être esclaves de la modernité occidentale. Mais nous tenir compte de notre personnalité et de notre corps, ne pas oublier nos défauts physiques, qu’une mode mal adaptée fait ressortir. Nous devons éviter la vulgarité dans le choix de nos modèles et des couleurs. Préserver notre originalité» dit-elle. Fille unique, née le 2 décembre 1950 à Dakar, Mme Sokhna DIENG est animée de valeurs de solidarité «J’admire les femmes qui ont un idéal social» dit-elle.
Aussi, Mme Annette M’BAYE a donné la parole aux Femmes, gardiennes des valeurs africaines et en lutte contre la prédation, pour leur dignité et liberté : «Dans le passé, tu as déjà fait tes preuves, dans bien des évènements décisifs de notre Histoire. Il s’est trompé, celui t’a appelée «sexe faible». Je pense, plutôt, avec Napoléon, qu’à l’origine de tout grand fait, il faut chercher la Femme. Sans doute, la femme africaine, utilement ou non, est toujours intervenue, discrètement, peut-être, mais efficacement. N’est-ce pas la femme noire musulmane qui s’est opposée, le plus farouchement, à cette tendance de confondre l’Islam à ce qui est coutume arabe, comme le port du voile ? N’est-ce pas la femme sénégalaise, qui a en échec toutes les tentatives en vue d’établir un pacte matrimonial ? De tout le temps, tu as été, pour nous la gardienne jalouse d’un héritage, utile non seulement pour notre sauvegarde, mais peut-être aussi pour le statut de l’Humanité entière» mentionne le billet du mois de Awa de septembre 1964, page 30. «Chère Awa, tu as redressé, il me semble, une tendance grandissante chez l’élite africaine, tendance dangereuse, celle de confondre liberté et libertinage, de n’entendre, émancipation, évolution, promotion féminine, que frivolité, mondanité, apparence, légèreté ; de ne prendre de l’Occident qu’un certain esprit matérialiste, que le côté négatif dont l’Occident lui-même souffre et cherche à se débarrasser» écrit-on dans ce billet de Awa. «Tu as lutté, non seulement pour une vraie émancipation de la Femme noire, mais de l’homme aussi, ton frère, qui est loin de l’être. Tu es assez intelligente pour savoir que l’émancipation n’a rien à voir avec cette idée de concurrencer les hommes dans certains métiers. Tu dois plutôt lutter contre l’oisiveté et le gaspillage. Il est temps que le mariage soit garanti, alors nous devons lutter pour sa codification, la liberté de choix, la réglementation du divorce. A cet homme, ton frère, prétendu évolué, il faut apprendre à s’acquitter de ses devoirs de père, de l’éducation de ses enfants, au lieu de gaspiller son revenu, déjà trop faible, à collectionner les femmes et les titres de El Hadji. Et qu’on ne parle pas de religion, et surtout l’Islam qui, comme on le sait, est farouchement contre cette fausse conception de la volonté de Dieu. Pour l’Islam, la religion est faite pour servir l’Homme. Donc, tout ce qui porte tort à ses véritables intérêts est condamné par Allah» conclut ce billet de septembre 1964.
De prestigieuses personnalités ont écrit pour Awa, comme Jacqueline KI-ZERBO, Mariama BA, Aoua KEITA, Joseph ZOBEL, Henri MENDY, Birago DIOP, Abdou Anta KA. En raison de cette forte représentation, Awa est devenu «un lieu où les hommes ont, tel un boudoir, le droit d’être chez eux, de ranger leurs affaires à leur guise et aussi de dire ce qu’ils pensent de votre attitude, vos réactions, vos réalisations» écrit Henri MENDY, dans Awa n°2, février 1964, page 5. Amadou SAMB, Directeur de l’enseignement du premier et sur un ton humoristique, du second degré, lance une exhortation aux femmes, ses soeurs : «Imposez-vous en silence, prenez rang et la cause sera entendue» écrit-il dans Awa mars 1965, n°12, page 33.
Annette M’BAYE, en rédactrice en chef, aura publié 8 articles dans Awa, une revue polyphonique. En militante de l’Harmonie dans l’espace publique et privée, Mme Anne M’BAYE D’ERNEVILLE est une grande avocate de la générosité, de la paix intérieure, du cœur et de l’esprit «pour la logique et la netteté de nos jugements et l’intelligence de nos actions. La paix a aussi sa place dans le foyer : sérénité et entente des époux, affection entre parents et enfants ; équilibre du budget familial qui assure la sécurité de la maison. La paix, indispensable à l’équilibre de ce monde, auquel elle fait tragiquement défaut» écrit-elle, dans l’édito de Awa de février 1973.
Fortement marquée par un engagement social, associatif culturel, une maternité à Ouakam porte son nom, Mme Annette M’BAYE est fondatrice de l’association des écrivains du Sénégal en 1964, membre de l’association nationale des Journalistes du Sénégal, l’ancêtre du SINPIC, cofondatrice du Regroupement des femmes de la région de Diourbel, membre du club Soroptimiste de Dakar en 1969, elle dirige la Fédération des Associations féminines du Sénégal (FAFS) jusqu’en 1991. Mme Annette M’BAYE, bien que proche du président SENGHOR n’est pas encartée : «Rien que la manière de vivre c’est déjà une manière de faire la politique» dit-elle à RFI, le 24 décembre 2010.
Mme Annette M’BAYE D’ERNEVILLE est aussi fondatrice, en 1990, des rencontres cinématographiques de Dakar, RECIDAK. Une distinction lui a été remise par le Ministre de la culture, à cette «Grande dame qui, s’est toujours attachée, pendant de nombreuses années, et s’est sacrifiée, avec une équipe dévouée, à défendre une conception du cinéma et de la production cinématographique» dit M. Abdou Latif COULIBALY. Les femmes, réunies à Dakar, en avril 2009, ont décidé de prendre des initiatives pour la promotion du cinéma sénégalais «Quand les femmes du cinéma se mobilisent le cinéma africain bouge» tel est le slogan d’Annette M’BAYE D’ERNEVILLE. Tout un programme ! Par ailleurs, Mme Annette M’BAYE D’ERNEVILLE a inauguré le 17 juin 1994, le musée de la Femme, «Henriette BATHILY» à Gorée. En effet, Henriette BATHILY, née le 9 janvier 1927 à Kaolack, première africaine diplômée en histoire, décédée le 4 avril 1984, était une grande amie de Annette M’BAYE, rencontrée en France. Henriette BATHILY l’avait précédée comme responsable de Radio-Sénégal dès 1952. Puéricultrice en France de 1947 à 1951, Mme BATHILY, administratrice des ballets africains de Keita Fodéba, et collaboratrice de Maurice Sonar SENGHOR (1926-2007) au Théâtre national Daniel SORANO, elle sera Directrice du département culturel du Centre culturel français de 1963 à sa mort. Henriette BATHILY figure au comité de rédaction d’Awa, bien qu’elle ne signe aucun texte en son nom. Henriette BATHILY a ainsi permis, en 1975, l’organisation de la première exposition nationale itinérante sur le thème «Place et rôle de la femme sénégalaise dans les rites».
Par conséquent, Mme Annette M’BAYE, comme Mariama BA, sont des femmes «Turbulentes» en avance sur leur temps, «À la fois attachées à leurs cultures d’origine et soucieuses de préserver leur liberté, ces femmes sont souvent à la recherche d’un équilibre entre le besoin d’enracinement et le désir d’émancipation» écrit Géraldine FALADE. Un poème, «Envoûtement» datant de 1964 est à la gloire des Femmes, est un clin d’œil à cette France métissée : «Danse, négresse marron !/ Le Blanc applaudit/ Le Blanc rit de bon cœur/ Danse, Négresse marron/ Retrouve les pas de la danse du fouet ! (…) Ballet, danse, rythme/ Saoulé par les rires/ A trempé son tam-tam/ Dans le sang blanc du Blanc qui rit».
Références bibliographiques
I – Contributions d’Annette M’BAYE D’ERNEVILLE
M’BAYE D’ERNEVILLE (Annette), «As-tu la paix ?», Awa, février 1973, n°3, page 5 ;
M’BAYE D’ERNEVILLE (Annette), Kaddu. Poèmes, Dakar, NEA, 1964, 19 pages ;
M’BAYE D’ERNEVILLE (Annette), «Interview accordée à Aliane», Amina, juillet 1975, n°83, pages 21-23 ;
M’BAYE D’ERNEVILLE (Annette), «La Fédération des associations féminines du Sénégal, FAFS, a 7 ans», interview accordée au journal Le Soleil du 1er avril 1984 ;
M’BAYE D’ERNEVILLE (Annette), Chansons pour Laïty. Comptines, Dakar, Abidjan, Les Nouvelles Editions Africaines, 1976, 16 pages ;
M’BAYE D’ERNEVILLE (Annette), Femmes africaines. Femmes et société, en collaboration avec Mariama BA, Paris, Martinsart, 1982, 356 pages ;
M’BAYE D’ERNEVILLE (Annette), La Bague de cuivre et d’argent, Dakar, Abidjan, Les Nouvelles Editions Africaines, 1983, 21 pages ;
M’BAYE D’ERNEVILLE (Annette), Le Noël du vieux chasseur, Dakar, Abidjan, Les Nouvelles Editions Africaines, 1983, pages ;
M’BAYE D’ERNEVILLE (Annette), Motte de terre et motte de beurre, Dakar,, Abidjan, Les Nouvelles Editions Africaines, Coll. Mbotté 2003, 24 pages ;
M’BAYE D’ERNEVILLE (Annette), Poèmes africains, Paris, Centre national d’art français, 1965, 24 pages ;
M’BAYE D’ERNEVILLE (Annette,), Picc l’Oiseau et Lëpp-Lëpp le papillon. Dakar,, Abidjan, Les Nouvelles Editions Africaines, Coll. Mbotté, 2003, 24 pages.
II – Critiques d’Annette M’BAYE D’ERNEVILLE
Anonyme, «Mme Elisabeth N’Diaye, animatrice de radio Sénégal», Bingo, octobre 1972, n°237, pages 70 ;
Anonyme, «Annette Mbaye», Bingo, juin 1970, n°209, juin 1970, page 51 ;
BARRY (Moustapha), Histoire des médias au Sénégal : de la colonisation à nos jours, Paris, L’Harmattan, 2013 351 pages ;
BARTHELEMY (Pascale), Africaines et diplômées à l’époque coloniale (1918-1957), Paris, Presses universitaires de Rennes, 2010, 345 pages ;
BERTHAUD-CLAIR (Sandrine), «Annette M’Baye d’Erneville, pionnière de la radio au Sénégal et porte-voix des femmes africaines», Le Monde du 3 août 2022 ;
COQUERY-VIDROVITCH (Catherine), Les Africaines, Histoire des femmes d’Afrique noire du XIXème au XXème siècles, Paris, Desjonquères, 1994, 291 pages ;
DEMOUGIN (Laure), «Joseph Zobel, d’Awa à Présence africaine, histoire et géographies (imaginaires) d’une publication noire», Etudes littératures africaines, 2019, Vol 47, pages 27-42 ;
DIA (Abbas), Le catalogue des noms africains : études des noms sénégalais, Villeurbanne, Ecole nationale supérieures des bibliothèques, 23ème promotion, 1987-1988, 45 pages ;
DIAGNE (Rokhaya Oumar), DIAGNE (Souleymane Bachir), «Annette Mbaye d’Erneville, femme de communication», Présence Africaine, 1996, vol. 153, n°1, 1996, pages 91-97 ;
DIOP (Codou), La presse féminine au Sénégal, Mémoire de science de l’information, Paris 2, 1978, 128 pages ;
DUCOURNAU (Claire), «Boîtes à lettres et signatures : l’auctorialité partagée par des femmes dans Awa», Etudes littératures africaines, 2019, Vol 47, pages 43-60 ;
DUCOURNAU (Claire), «Awa, la revue de la femme noire, entre presse et littérature», Etudes littératures africaines, 2019, Vol 47, pages 7-10 ;
FALADE (Géraldine), Turbulentes ! Des Africaines en avance sur leur temps, Paris, Présence africaine, 2020, 272 pages, spéc pages 157-168 ;
Fondation Konrad Adenauer et CESTI, «Annette Mbaye d’Erneville : l’Eclaireuse», Femmes au Sénégal, les Cahiers de l’Alternance, n°10, décembre 2006, pages 40-41 ;
GRANDPIERRE (Karine), «ELLE : un outil d’émancipation de la femme entre journalisme et littérature 1945-1960», Contextes, n°11, du 18 mai 2012 ;
HERZBERGER-FOFANA (Pierrette), «Annette Mbaye d’Erneville (Sénégal)», in Littérature Féminine Francophone d’Afrique Noire. Suivie d’un dictionnaire des romancières, Paris, L’Harmattan, 2000, 576 spéc pages 374-381 ;
KAPPELI (Anne-Marie), «Amina, être femme en Afrique», entretien avec Assiatou Diallo rédactrice en chef d’Amina, Femmes suisses et le mouvement féministe, , février 1988, n°76, page 19 ;
LORET (Eric), «La poésie s’engage en «Néonégritude», Libération du 10 mars 2006 ;
M’BAYE (Ousmane, William), metteur en scène et réalisateur, Mère-Bi, un portrait d’Annette M’Baye D’Erneville, première journaliste du Sénégal (Film), Dakar, Les fims Mame Yandé, 2008 durée 55 minutes ;
NNAEMEKA (Obioma), «Nego-Feminism : Theorizing, Practicing, and Pruning Africa’s Way», Signs, 2004, Vol. 29, n°2, pages 357-385 ;
PACITTO-MATHOU (Sandrine), «Génération construction», Libération du 10 juillet 2010 ;
PAOLI (Marion), «Annette Mbaye d’Erneville (Sokone, 1926)», in Béatrice Didier, Antoinette Fouque et Mireille Calle-Gruber, Dictionnaire universel des créatrices, Paris, éditions des Femmes, 2013, 3 volumes, 4982 pages, spéc pages 2845-2846 ;
ROBERT (Guy) «Pierre Schaeffer (1910-1995)», Cahiers d’Histoire de la Radiodiffusion, décembre 1995-février.1996, n°47, pages 136-139 ;
SINEUX (Louise), Renouveaux médiatiques, figures féminines et images de la modernité. Etude de deux magazines sénégalais entre 1950 et 1970 (Bingo et Awa), Master 2, histoire de l’Afrique contemporaine, sous la direction d’Anne Hugon, Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne, septembre 2021, 174 pages ;
SASSOON (Virginie), Femmes noires sur papier glacé, Paris, INA éditions, 2015, 193 pages, spéc pages 16-17, 67-68 et 150-152 ;
SOW (Demba), «Sokhna Dieng, première téléspeakerine sénégalaise», Awa, février 1973, n°3, page 24 ;
THERENY (Marie-Eve), «Awa ou la difficile équation du féminin africaine», Etudes littératures africaines, 2019, Vol 47, pages 11-26.
Paris, le 7 août 2022 par Amadou Bal BA – http://baamadou.over-blog.fr/