Il met en scène le suicide de sa femme, qui l’incrimine in extremis
“Elle s’est coupé les veines”, a crié Ken M. en panique à son père. En réalité, le quadragénaire d’Aarschot venait de trancher les veines de son épouse à l’un des poignets et à la forcer à écrire une lettre d’adieux. Il l’a alors laissée se vider de son sang en espérant que tous pensent qu’elle avait mis fin à ses jours, mais la victime est parvenue in extremis à contacter les secours: “C’était mon mari”, a-t-elle eu le temps de leur dire.
Il était presque midi, samedi 16 mars 2018, lorsque Ken M. a sonné à la porte de son père à Aarschot. Soi-disant complètement en panique, parce que sa femme Tamara gisait dans une flaque de sang chez eux, dans le débarras. “Tu as déjà contacté les secours?”, lui demande son père. Il répond qu’il n’a contacté personne, qu’il ne sait pas quoi faire. Le père de Ken M. est aveugle et les deux hommes se rendent aussitôt ensemble en voiture chez Ken et Tamara, quelques rues plus loin. Le beau-père de Tamara entend Ken lui parler, répéter son nom comme pour qu’elle reste consciente. Entretemps, il a les urgences en ligne et les avertit que la femme de 39 ans s’est ouvert les veines au niveau des poignets. À l’autre bout du fil, on lui donne des instructions pour sauver la blessée: lui comprimer les poignets pour stopper l’hémorragie. Aveugle, il transmet à son fils les recommandations des urgentistes, pensant que celui-ci s’exécute.
“Est-ce que je vais mourir?”
Selon le témoignage de la victime, qui a miraculeusement survécu, son mari était à cet instant surtout inquiet pour lui-même. “Il était penché sur moi et m’ordonnait de ne pas le trahir”, se souvient-elle. Peu après, les secours arrivent sur place. Ils transportent la jeune femme grièvement blessée du débarras vers le garage pour avoir plus de place pour lui prodiguer les premiers soins. Tamara demande aux médecins et infirmières si elle va mourir. “Nous allons faire tout notre possible”, lui promettent-ils. La police également sur place lui demande qui a commis ce geste. Craintive, Tamara indique l’endroit où elle pense que son époux se trouve. Comme l’agent ne comprend pas immédiatement, elle murmure: “Mon mari”. Les policiers lui disent alors de ne plus avoir peur, que Ken M. est déjà dans le combi. À cet instant, le mari est déjà suspecté.
Tous les détails de son aventure
Ce matin-là, à l’aube, Tamara avait avoué à son mari qu’elle avait une aventure avec un collègue. Ce n’était pas son premier “écart” mais Ken M. lui avait promis de lui pardonner si elle lui donnait tous les détails, ceux qui sont les plus douloureux à entendre. Elle lui a alors tout rapporté “parce que Ken ne supporte pas le mensonge”. Elle a demandé à son mari s’il voulait toujours d’elle. Il a répondu par l’affirmative, mais a exigé qu’elle rompe avec son amant via SMS. Qu’elle lui dise qu’elle lui préférait son mari. Pleine d’espoir, Tamara s’est exécutée, suite à quoi Ken M. lui a confisqué son téléphone.
Les secours soi-disant appelés
Parce qu’elle voulait prendre du recul après cette discussion difficile, elle lui a expliqué vouloir partir marcher quelques heures. Selon ses déclarations, elle est allée prendre son manteau et ses chaussures dans le garage, lorsque son mari l’a attaquée avec un couteau économe, lui plantant à deux reprises dans la nuque. Alors qu’elle était sur le sol, il lui a coupé les veines. “Je voyais le sang couler de mon cou et j’ai paniqué. Je l’ai supplié d’appeler une ambulance”. Ken M. prend alors son GSM et passe un appel, mais elle entend au loin qu’il tombe sur une messagerie et suppose qu’il a simplement appelé son propre numéro. Il lui promet avoir appelé les secours, mais refuse de lui montrer son téléphone pour la rassurer.
“Tu vis toujours toi?”
Un peu plus tard, Ken M. change d’attitude et tente encore de lui donner un coup de couteau au niveau du cou, mais Tamara se défend. Dans la lutte, elle est blessée à la main puis la lame atteint encore son poignet. “Je lui disais que j’allais rester avec lui, mais il disait qu’il ne voulait plus de moi. Là j’ai vu qu’il avait pendu un tissu à la fenêtre pour que les voisins ne voient rien. Il avait aussi allumé la musique, sans doute pour qu’on ne distingue pas mes cris”. Selon la victime, son mari l’a laissée seule à plusieurs reprises. Et à chaque fois, en revenant, il lui disait “Tu vis toujours toi?”.
“Prends soin de notre fille, pardon”
C’est là qu’il l’a forcée à écrire, ou plutôt lui a mis un bic en main et a dirigé sa main sur le papier pour rédiger quelques mots. “Je pouvais à peine bouger la tête. Il a dit qu’on devait laisser un message sur sa messagerie. Que je devais lui dire de bien s’occuper de notre enfant. Il a poussé les touches de mon téléphone avec mes doigts. Il m’a dit de dire ‘Désolée, prends soin de notre fille’”. Puis la victime a vu l’homme partir en voiture. Alors qu’il allait achever sa mise en scène en feignant la panique chez son père, elle est parvenue à atteindre son téléphone et à prévenir les secours: “Mon mari a tenté de me tuer”, leur a-t-elle affirmé.
“Brave” face aux écarts de son épouse
Au procès le mois dernier, après avoir longtemps démenti, Ken M. a fini par avouer avoir mis le suicide de sa femme en scène pour la tuer. Devant la cour, il a justifié son acte en expliquant avoir perdu le contrôle lorsque sa femme lui a dit que sa fille n’était pas de lui. La victime dément. Le tribunal de Louvain prononcera le verdict aujourd’hui. Ken M. encourt 20 ans de prison. Mais durant le procès, les témoins qui se sont suivis à la barre n’ont eu de cesse de présenter l’auteur comme un homme “trop brave” face aux incartades de son épouse. “C’est un bon père, et il a un beau lien avec elle”, a argumenté son avocat, qui a demandé la clémence du juge. Ken M. est actuellement en liberté. Divorcé de Tamara, il a perdu son travail à l’issue de ses quatre mois de garde à vue mais a retrouvé un emploi depuis lors et il revoit sa fille. L’avocate de la victime a elle insisté sur le dommage physique mais aussi moral de sa cliente. “Elle est psychologiquement détruite, elle a subi une tentative de meurtre, ni plus ni moins”, a rappelé Me Nelissen-Grade.