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«Macky SALL : après les législatives comment rebondir ?» par Amadou Bal BA –

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J’accueille le résultat de ces législatives du 31 juillet 2022, tels qu’ils ont été proclamés de façon provisoire par la Commission électorale le 4 août 2022 (82 sièges pour la majorité, 80 sièges pour l’opposition et 3 sièges pour trois autres formations politiques), avec sérénité et une très grande satisfaction.

La joie et le soulagement se situent au niveau de la performance et l’exemplarité de la démocratie sénégalaise ; c’est le Sénégal, «Ce Grand petit pays», en référence au titre de mon troisième ouvrage, qui a gagné. Si, jusqu’en 2000, le Sénégal était dominé par un seul parti, celui de Léopold SENGHOR et Abdou DIOUF, à échéances régulières les élections sont âprement disputées ; il y a déjà eu deux grandes alternances. Pour ces législatives du 31 juillet 2022, on a frôlé, sans l’atteindre, la cohabitation. En raison de ce résultat, plus que serré, le centre de gravité de la vie politique sénégalaise, jusqu’ici concentré au palais présidentiel et sans premier ministre, vient de se déplacer vers le Parlement. Par conséquent, le débat politique promet d’être riche et animé. C’est donc un élan, un nouveau souffle de vitalité pour la démocratie sénégalaise, déjà citée en exemple en Afrique, c’est le contraire de certains régimes monarchiques ou la résurgence de coups d’Etat militaires.

Ma sérénité est aussi dans la confiance que je place dans cette solide démocratie du Sénégal, administrant la preuve que celle-ci, contrairement à ce qu’avait théorisé, avec un grand paternalisme, Jean-François BAYARD, un politologue français et Directeur de recherches au C.N.R.S, loin d’être un luxe, est une nécessité impérieuse et vitale pour les pays du tiers-monde. Si on souffre en Afrique, c’est en raison d’un lourd déficit démocratique et non le contraire. Les débats sont violents et menaçants, mais le résultat des élections finit toujours, au Sénégal, par être accepté de tous. C’est l’occasion de rendre un vibrant hommage à l’un des inestimables héritages du président Abdou DIOUF, peu mis en valeur par les observateurs politiques, à savoir que cette presse privée, alliée aux réseaux sociaux, publie, instantanément, les résultats de chaque bureau de vote. Par conséquent, personne ne s’avisera de les tripatouiller.

Ma sérénité se situe aussi à un autre point de vue, à savoir que le président Macky SALL trouvera des alliances avec une partie de l’opposition, une majorité absolue pour gouverner sereinement. Ce qui est à souligner au Sénégal, c’est la première fois, depuis l’indépendance, qu’un gouvernement est sans majorité absolue. Cependant, ailleurs, ce n’est pas une situation inédite, puisqu’en France le gouvernement de Michel ROCARD (1930-2016, voir mon article, sur ce champion de la Deuxième gauche) avait une majorité relative. Actuellement le président Emmanuel MACRON est réélu en 2022, sans majorité absolue, avec une forte représentation de la Gauche et de l’Extrême-Droite.

Comment donc, pour le président Macky SALL, rebondir face à cette situation inédite ?

Je ne m’en cache pas, pour ma part, et depuis l’indépendance, le président Macky SALL est un grand bâtisseur, et je le surnomme «Le Lam-Toro», c’est son titre aristocratique, sans aucune flagornerie, «Un Pharaon des temps modernes». Par ses infrastructures, après plus de 40 ans d’immobilisme des Socialistes, le Sénégal a changé profondément de visage. En effet, le président Macky SALL a considérablement amélioré les conditions de vie des Sénégalais. Il faudrait plusieurs thèses de doctorat, d’une part pour recenser l’ensemble des réalisations du président Macky SALL, mais aussi d’autre part, procéder à ce qu’on appelle des «études d’impact», pour bien évaluer leurs incidences, sur les plans économiques, sociaux, politiques et culturels de ces infrastructures. Sans logistique, on ne peut rien faire, c’est la base de tout. Je me souviens, enfant, le président Léopold Sédar SENGHOR était venu à mon village, Danthiady, dans le Fouta-Toro. Il est arrivé avec toute sa délégation, avec un retard considérable, et surtout couvert de poussière rouge. Ne pouvant pas faire tout suite son discours, il est allé dans la maison d’un DIA, employé à l’époque à l’Assemblée nationale, prendre rapidement une douche. L’opposition, souvent bipolaire, critiquant, sans discernement et sans retenue, ces infrastructures, parce que seulement elles sont l’œuvre du président Macky SALL, a dû les apprécier pendant cette campagne des législatives, en sillonnant partout et dans de très bonnes conditions, tout le Sénégal, en un temps record.

Et là est mon interrogation, comment un gouvernement, ayant un si excellent bilan, a échappé de justesse à la guillotine, n’eût été l’excellent travail fait par maître Malick SALL, Garde des Sceaux Ministre de la Justice au Fouta-Toro ? Comment analyser ce résultat très serré aux législatives, et donc cette forte poussée de l’opposition (+ 43 députés) ?

Il y a ce que le philosophe italien, Antonio GRAMSCI (1891-1937, voir mon article), appelle «l’hégémonie culturelle». L’opposition, curieusement, sans aucun projet politique, et nous bassinant à longueur de journée, comme un disque rayé, du Code électoral, d’un troisième mandat et des revenus du pétrole, ainsi que ses relents ethnicistes nauséabonds stigmatisant les Foutankais, a occupé le terrain et caporalisé les esprits. Comment l’opposition a-elle pu progresser, considérablement, sans aucune exemplarité ou probité, avec un discours aussi répétitif et médiocre intellectuellement ?

C’est l’un des grands mystère de la vie politique au Sénégal, l’opposition, ressemblant, à s’y méprendre, pour l’essentiel, à une association de malfaiteurs, traîne, avec elle, de nombreuses casseroles, notamment des poursuites pour viol, assassinat d’un militant du PDS, détournement de deniers publics, recrutement d’insulteurs ou assassins d’un juge (maître Babacar SEYE), stigmatisation des Foutankais avec une ethnicité à l’encontre des Peuls, sans lesquels aucune alternance n’est possible. En tout cas, ces comportements, peu exemplaires de l’opposition, n’inspirent, rien de bon, pour l’avenir.

Pendant ce temps, la communication du gouvernement est devenue illisible. Le refus du président Macky SALL de s’exprimer clairement sur ses intentions en 2024, accrédite ce débat fumeux de l’opposition sur le 3ème mandat. Mais 3ème mandat, à partir de quand ? Toute la confusion réside sur ce point. Je le dis souvent, le mandat en cours en 2016 n’est pas concerné par l’interdiction du cumul de plus de 2 mandats. Tous les apprentis juristes savent qu’il y a une non-rétroactivité des lois plus sévères. Par ailleurs, il est évident que la suppression du poste de Premier Ministre n’a pas provoqué le «Fast Track» attendu. Le Parti présidentiel, l’APR, comme ses alliés (Parti Socialiste, AFP, Idrissa SECK) n’ont pas montré une grande combativité. Au Fouta-Toro, en particulier, Farba N’GOM, un griot milliardaire, un grave boulet pour le président Macky SALL, a commis des dégâts lors des municipales ; ce qui a provoqué l’ascension de l’opposition confirmée à ces législatives du 31 juillet 2022. Heureusement que maître Malick SALL, qui n’était candidat ni aux municipales, ni aux législatives, a sauvé la mise au Fouta-Toro.

Je ne doute pas, un seul instant, que le président Macky SALL, disposant de 82 sièges au Parlement, trouvera des alliances confortables, pour bien gouverner, la majorité absolue étant de 83 sièges. Pour ma part, mon interrogation essentielle n’est pas la question de cette tambouille politique, c’est d’ici 2024, mais comment rebondir, à travers un projet politique solide, allant au-delà des infrastructures, pour continuer à améliorer, substantiellement, les conditions de vie des Sénégalais ?

Le président Macky SALL, un grand stratège ayant du sens politique, seul maître à bord, cherchera à trouver les bonnes réponses aux grands défis du moment, qui sont, à mon modeste avis :

– C’est tout d’abord, une gouvernance «sobre et vertueuse», un slogan du président Macky SALL, ayant fait mouche en 2012, et qui, plus de jamais, est d’une grande actualité. Concrètement, il s’agira de dégager d’importantes marges financières, dans le budget du Sénégal et de les orienter vers de grands projets (agriculture, commerce, artisanat, début industrialisation, etc.) qui sont au cœur du PSE du président Macky SALL. Il y a des difficultés liées aux hommes dans la mise en œuvre de ce projet. Il faudrait arrêter d’engraisser ces castes de parasites (Marabouts, Dahiras) ou de groupes de pression vivant sur le dos de l’Etat (Grèves à répétition, enseignants, étudiants cartouchards avec la bourse pour tous. Absentéisme ou manque d’assiduité dans la fonction publique) et bien contrôler les finances publiques (Marchés publics gonflés, frais d’essence ou de déplacements, ateliers débats, etc.), certains cumuls d’emplois (Médecins, enseignants). L’argent a tout pourri dans la société sénégalaise, aussi bien dans la sphère publique que privée. On est en permanence dans la consommation et la dépendance, sans aucune autonomie.

– Ensuite, on ne produit pas ce qu’on consomme (riz) ; pour le peu de terres, non encore vendues aux multinationales, on cultive le mil, uniquement pendant la très courte saison des pluies (juillet à septembre) avec des outils moyenâgeux ( la daba ou le hilaire) ; les neuf mois restant de l’année, on procrastine. L’accès à la terre, à l’eau, à l’énergie et la modernisation des outils agricoles, sont des enjeux majeurs. On continue à cultiver massivement l’arachide, pour l’exportation, comme au bon vieux temps colonial. L’axe stratégique étant donc de définir un modèle de consommation et une agriculture vivrière au Sénégal. L’élevage, tel qu’il est pratiqué, contribue à la déforestation et à l’avancée du désert. On en est encore à cette pêche artisanale et son lot de noyades en mer ; et, même les habitations, tout ou presque vient de l’étranger ;

– C’est ensuite réintroduire la valeur travail, la probité et le civisme. On l’a vu dans ces incendies des hôpitaux, les structures étaient neuves. Par conséquent, Macky, le Pharaon des temps modernes, a fait le job. En revanche, on a des doutes sérieux sur les marchés publics, dans une structure hospitalière récente à Tivaoune, avec des nouveau-nés, sans installations électriques viables, ni alarme incendies, et des agents ayant désertés leur poste, laissant les bébés se garder tout seuls. On connaît la situation de l’Etat civil au Sénégal, sans archivage électronique, et tenu parfois sans aucune rigueur, et cela a des conséquences graves pour la diaspora, en termes de transcription des mariages ou de pensions de réversion. Au Sénégal, tout individu qui a une caisse est tenté de la confondre avec ses deniers personnels, mais l’Etat, c’est nous. Je ne parle pas de ces journalistes mendiants, ne font leur article que s’ils ont eu, auparavant, leur billet de banque. Il n’est pas normal que les enseignants attendent 3 ou 4 ans, pour le remboursement de leurs heures supplémentaires ou le rappel d’un échelon ; les agents gestionnaires doivent faire leur travail ;

– Par ailleurs, la formation professionnelle des jeunes est un enjeu majeur ; la progression trop rapide de la population peut être une bombe ou un atout. En 1840, le Sénégal la population s’élevait à 200 000 habitants ; ce pays compte maintenant plus de 16 millions d’habitants, dont plus de 5 millions résident dans la région de Dakar. Or, les grandes villes, en raison de cette masse de la population, sont confrontées à de graves déficits pour l’alimentation en eau, ou en électricité ; sans canalisations viables, les inondations, dans les centres urbains, pendant la saison des pluies, sont récurrentes. La Chine, comme Israël, ont montré que la qualité de la population est une ressource inestimable. Bien formée, la première ressource la plus importante d’un pays, c’est la qualité de sa population «Nous n’avons pas de pétrole, mais nous avons des idées» disait fort justement le président Valéry GISCARD-D’ESTAING (1926-2020) ;

– Enfin, il faudrait rééquilibrer la ville et la campagne. Le président Macky SALL, un Pharaon des temps modernes, dans son «Sénégal Emergent», a été bien inspiré de développer d’importantes infrastructures au Sénégal. On pourrait habiter à la campagne et venir travailler dans les grands centres urbains. Les matières premières, comme les principales terres agricoles, sont en Afrique qui dispose d’une réserve inépuisable de main-d’œuvre. Les villes sont engorgées de personnes désœuvrées, alors que les villes nouvelles, à la campagne, peuvent naître, mieux pensées, avec une dimension écologique et des parcs, des lieux de respiration.

Après la nomination d’un Premier ministre sachant mettre en ordre de bataille l’équipe gouvernementale, d’un nouveau Président de l’Assemblée nationale maîtrisant ses dossiers et les débats, en remplacement de Moustapha NIASSE (voir mon article), le Parlement sera au centre du jeu politique. Pour les observateurs de la vie politique, nous vivons une belle et riche période. Par conséquent, il ne faudrait pas se plaindre que la mariée soit trop belle.

Paris, le 6 août 2022 par Amadou Bal BA – http://baamadou.over-blog.fr/

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