«Liberia, Nouvelle alternance démocratique : George WEAH battu par Joseph Nyumah BOAKAI» par Amadou Bal BA –

Une nouvelle alternance vient de se produire au Liberia. George WEAH, ancien footballeur et président sortant du Liberia, a concédé sa défaite face à Joseph BOAKAI, ancien vice-président du 16 janvier 2006 au 22 janvier 2018, sous la présidence de Mme Ellen Johnson SIRLEAF. Le nouveau président, M. BOAKAI, prendra ses fonctions au 16 janvier 2024. Par conséquent, George WEAH, ballon d’or, une immense star du football, n’aura fait qu’un mandat. Elu en 2017, promettant d’améliorer le quotidien de tous les Libériens, en relançant l’économie, le bilan de George WEA, en demi-teinte, oscille entre espoir et désillusions. Parmi les reproches pouvant lui être adressés, on compte son bilan économique peu flatteur : une faible croissance économique, une forte inflation, une population qui s’est appauvrie. Il est à mettre à son crédit la construction de routes, d’hôpitaux, ainsi que la gratuité de l’école secondaire, sans toucher aux droits d’inscription à l’université. Cependant, durant son mandat, la dette a doublé. La criminalité est inquiétante et la corruption endémique, ayant éclaboussé une partie de son entourage : son chef de cabinet et le procureur général du pays ont été mis en cause. Son référendum raté du 8 décembre 2020, de réforme constitutionnelle concernant la réduction des mandats électifs et la réintégration de la double nationalité, mesures visant à réduire la corruption, n’a pas été adopté.
La création du Liberia, dans le golfe de Guinée d’où sont originaires de nombreux esclaves africains déportés en Amérique, fait suite à une commission parlementaire, du samedi 28 décembre 1816 créant une société philanthropique américaine, The American Colonization Society, avec l’objectif, pour Elija CALDWELL et Samuel ARMSTRONG (1839-1893), un soldat devenu éducateur des Afro-Américains, en vue d’accueillir des esclaves libérés et de diffuser le christianisme sur le continent africain. Les abolitionnistes, se fondant sur l’unité de l’espèce humaine, sans distinction de race ou de couleur, travaillèrent à l’émancipation des esclaves. Les fondateurs du Liberia, en bons rousseauistes, rêvaient d’une colonisation tout agricole, égalitaire et vertueuse. Ils ont commencé, en 1820 et le 11 décembre 1821, à envoyer en Afrique les premiers esclaves libres. En 1848, la population au début était d’un nombre modeste de 8000 habitants, 80 000, et 1,7 million en 1887, avec des comptoirs français, anglais et belges. Le Liberia et l’Ethiopie, ont donc échappé à la colonisation. Cette colonie est devenue État indépendant en 1847. Dès le XVème siècle, les Portugais jetaient l’ancre au large de cap Mesurado sur lequel, trois siècles et demi plus tard, les Settlers américains allaient édifier Monrovia. Ce sont les Portugais qui ont donné à la région son nom de «Côte des graines» ou «Côte du poivre», nom qu’elle garda jusqu’à la création de la République du Liberia, et même par la suite.
État d’Afrique de l’Ouest, le Liberia, vaste de 111 369 km2, est baigné au sud et à l’ouest par l’océan Atlantique et limité au nord-ouest par la Sierra Leone, au nord-est par la Guinée, à l’est par la Côte d’Ivoire. La langue officielle du Libéria est l’anglais. Il y a aussi seize grands groupes ethniques/linguistiques : Bassa, Belle, Dahn (Gio), Dei, Gbandi, Gola, Grebo, Kissi, Kpelle, Krahn, Krao (Kru), Lorma, Mandingo, Mahn (Mano), Mende et Vai. Les groupes ethniques les plus importants, les Kpellé (17 %) et les Bassa (14,4 %), sont des descendants des Afro-Américains et la monnaie est le dollar libérien. Le Liberia, d’une population de 5,2 millions d’habitants, est riche en ressources naturelles, dont le bois, le caoutchouc, le diamant et la bauxite.
Le Liberia a connu, jusqu’ici, 38 présidents qui se sont succédé ; certains ont exercé deux mandats (Amos SAWYER, Charles TAYLOR). William TUBMAN (1895-1971), parti du True Whig, 19ème président de 1944 à 1971, année de sa mort, est reconnu comme étant le père fondateur de la nation du Liberia. Successivement avocat, sénateur, vice-président, député, juge à la Cour suprême, William TUBMAN, devenu président, a modernisé le Liberia en lui dotant d’importantes infrastructures (rues pavées, hôpitaux, chemins de fer). Le pays a connu une très grande prospérité sous sa magistrature, en raison de sa « politique d’ouverture ». Pays de pavillons de complaisance, il a doté le Liberia, d’une grande flotte maritime, et bien fait fructifier les ressources naturelles, comme le fer, le diamant ou l’hévéa. Aussi, à cette époque, le Liberia a gagné en autonomie, fait reculer la pauvreté, la ségrégation raciale ou sociale. Il a été le plus grand chef d’Etat du Liberia ; deux millions d’Africains du Liberia vivaient comme à l’âge de la pierre. Peu de politiciens ne leur donnaient de l’espérance « Jusqu’à ce qu’apparaisse alors un grand homme politique au grand dessein qui leur offrit des raisons de vivre, et surtout d’agir. Cet homme, en 1944, était William Tubman, qui a révolutionné le Liberia et lui a donné, non seulement un idéal moderne, mais aussi des moyens modernes pour l’atteindre », écrit en 1964, Léopold Sédar SENGHOR dans sa préface du livre de Pierre BOURZEIX.
Le Liberia avait connu une guerre civile atroce, de 14 ans, entre 1989 et 2003, avec plus de 250 000 victimes. Charles TAYLOR, un métis, déclenche une guerre civile pour renverser le président Samuel DOE, qui avait installé un régime fonctionnant par la terreur, la corruption, et alimentant les haines ethniques. Charles TAYLOR s’empare rapidement de la quasi-totalité du territoire. En 1990, une force ouest-africaine empêche la prise de la capitale Monrovia. En 1997, après un accord de paix, Charles TAYLOR est élu président du Liberia. En 1999, une nouvelle rébellion des Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (Lurd) éclate au Nord, puis progresse vers Monrovia, soutenue par plusieurs pays voisins. La guerre s’achève par trois mois de siège de la capitale (juin-août 2003). Charles TAYKOR est contraint de quitter le pouvoir le 11 août 2003. Un «accord général de paix» est signé, après plus de treize ans de guerre.
Par conséquent, cette alternance pacifique au Liberia, par rapport à la résurgence des coups d’Etat militaires, est à saluer. Les régimes militaires peuvent débloquer une situation ; mais ne sont pas la solution ; ils ont tendance à s’incruster avec de longues interminables périodes transitoires, se terminant par un régime autoritaire. En effet, la mort de Samuel DOE (1951-1990), un président sanguinaire, en fonction du 12 avril 1980 au 9 septembre 1990, a marqué les esprits. L’opposant sénégalais, M. Ousmane SONKO, avait menacé le président Macky SALL de lui faire subir le même sort. En effet, le président Samuel DOE est mort dans des conditions atroces, comme il avait dirigé le Liberia et traité les opposants en ennemis, en toute cruauté. En effet, Samuel DOE est arrêté le dimanche 9 septembre 1990 par Charles TAYLOR et Prince JOHNSON. Il est déshabillé, ses grigris arrachés, ses jambes et doigts coupés, ainsi que ses parties génitales arrachées. Il est soumis séance tenante à un interrogatoire, sur ses biens à l’étranger. Par la suite, Samuel DOE est jeté, comme un baluchon, dans une brouette, puis exposé à la vindicte de la population.
En définitive, si George WEAH, enfant des bidonvilles de Monrovia, a perdu son dernier grand match, mais est resté fair-play, c’est qu’en référence à une expression d’un philosophe allemand, HEGEL, le Zeitgeist, ou l’esprit du temps, commande que les hommes politiques répondent favorablement aux besoins de leurs populations, notamment les questions de lutte contre la pauvreté, d’éducation, de santé ou de paix, mais aussi d’environnement.
Références bibliographiques
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Paris, le 19 novembre 2023, par Amadou Bal BA – http://baamadou.over-blog.fr/