«Les élections locales au Sénégal du 23 janvier 2022 et leurs enjeux politiques, économiques et sociaux» par Amadou Bal BA –
Les élections communales au Sénégal du dimanche 23 janvier 2022 revêtent des enjeux considérables, tant politiques, économiques que sociaux.
Tout d’abord, même si ce sont des élections locales, ces municipales ont incontestablement un enjeu national. En effet ce scrutin se situe après les présidentielles du 24 février 2019 remportées au 1er tour par le président Macky SALL, la suppression du poste de premier ministre en voie d’être rétabli, les troubles liés au salon de massage et à deux ans des présidentielles de 2024.
Le Parti socialiste, depuis la disparition de notre ami, Ousmane Tanor DIENG (1947-2019), et la perspective de départ du président de l’Assemblée nationale, chef de l’AFP, M. Moustapha NIASSE, l’influence de ces alliés du président Macky SALL, semble s’amenuiser, petit à petit. En revanche, le président Macky SALL, un Pharaon des temps modernes et en grand stratège, a fait de très belles prises : M. Idrissa SECK, arrivé en 2ème position aux présidentielles de 2019 et maître Aïssata TALL SALL.
Les municipales, initialement prévues en juin 2019, reportées au 28 mars 2021, ont été finalement programmées au 23 janvier 2022, sans objections de l’opposition, encore sonnée de sa défaite retentissante aux présidentielles. Les candidats aux municipales devront déposer une caution de 10 millions de FCA (15 268 €), sans compter les frais de déplacements, de logistique et de la campagne électorale elle-même.
L’opposition n’a trouvé maintenant, de cheval de bataille, qu’en agitant le chiffon rouge d’un troisième mandat du président Macky SALL. L’opposition qui a la mémoire qui flanche, avait organisé un boycott de la réforme constitutionnelle du 20 mars 2016, sur la limitation des mandats présidentiels, en organisant des prêches dans les mosquées et des urnes ont même été saccagées à Touba. De nos jours, cette même opposition bipolaire ne jure que par la limitation des mandats du présidentiel, faisant ainsi l’unanimité de la classe politique, sur ce point. Toutefois le dissentiment ou le doute restent cette question fondamentale, à partir de quand va s’appliquer cette réforme constitutionnelle ? A partir de 2024 ? si le mandat de 2012 entre en ligne de compte ; mais ce serait, dans ce cas, une application rétroactive de la réforme constitutionnelle du 5 avril 2016, adoptée par référendum le 20 mars 2016. Ou à partir de 2029, si l’on part de la réélection du président Macky SALL au 24 février 2019 ? Lorsqu’une nouvelle loi entre en vigueur, quelle est le sort de la loi ancienne ?
C’est une question d’application des lois dans le temps, connue des étudiants de 1ère année en droit civil. Les lois sévères ne régissent que les situations pour l’avenir. Pour l’instant, le texte constitutionnel est silencieux sur la période transitoire et les travaux préparatoires de ce référendum ainsi que de cette loi constitutionnelle ne donnent aucune indication précise sur ce débat du moment empoisonnant la vie politique. En effet, les travaux parlementaires n’ayant pas vraiment éclairé la volonté du peuple, et ceux travaux de la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI, décret 2013-730 du 28 mai 2013) chargée de mener des concertations sur la réforme des institutions et de formuler toutes propositions visant à améliorer le fonctionnement des institutions, ne donnent, non plus, aucune indication sur cette question majeure. Dommage que l’opposition, dans ses combats stériles et toujours dans la posture de la chaise vide, n’ait pas songé, en temps opportun, à clarifier cette question d’importance majeure, lors du débat sur le référendum ou pendant les travaux du Parlement. Par conséquent, devant cette lacune juridique ou ce débat divisant la Nation, rien n’empêche au gouvernement de saisir le Conseil constitutionnel, pour avis, afin que la réponse à cette question fondamentale soit désormais gravée dans le marbre, qu’on y revienne plus. Les Sénégalais sont lassés de cette campagne électorale permanente et stérile depuis 2016 ; ils ont le droit de savoir ce que proposent les protagonistes politiques, en termes de projets politiques viables pour le Sénégal. Le reste n’est qu’enfumage, et a pour l’instant conduit à divers échecs de cette opposition bavarde, pleurnicharde et avide de pouvoir, sans projet alternatif crédible, autre que des services pour les salons de massage ou «ôte-toi de là que je m’y mette !».
Ensuite, ce scrutin du 23 janvier 2022 reste, avant tout, local. Le Sénégal compte 571 collectivités locales, 14 régions, 172 communes, dont 46 communes d’arrondissement et 385 communes rurales. Or, le paysage politique éclaté et peu lisible, donne la prime aux dinosaures sortants, même s’ils parfois décriés par la population, comme c’est le cas à la commune de Ogo. Or, il est curieux et pénible de constater que Farba N’GOM, maire de Agnam-Civol, croyant que le Fouta-Toro serait son «Titre foncier». En effet, Farba NGOM n’a trouvé d’autre idée lumineuse, que de porter des attaques, en dessous de la ceinture, contre maître Malick SALL, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, qui ne se présente même pas aux municipales de Ogo. Comment peut-on tirer contre son camp, quand l’opposition est à l’affût ? Pour une certaine presse, l’origine de l’enrichissement de Farba N’GOM (38,167 millions d’euros), un griot et autodidacte, serait douteuse. On lui prêterait de posséder 25 milliards de FCA, 15 maisons et 6 immeubles.
Dakar, la ville capitale, concentre toutes les attentions, en raison de son poids démographique, économique et de son symbolisme. Sept candidats sont en lice : M. Abdoulaye DIOUF SARR, Ministre de la santé du parti présidentiel, M. Barthélémy DIAS, maire de Mermoz-Sacré-Cœur, Mme Soham EL WARDINI, maire sortante de Dakar, Doudou WADE, Pap DIOP, ancien maire de Dakar, et M. Bougane GUEYE DANY, un patron de presse. L’ancien ministre, M. Amadou BA, ne se présente pas, de même que M. Khalifa SALL et Karim WADE, déchus de ses droits civiques.
A Ziguinchor, en Casamance dans le Sud du Sénégal, la bataille des municipales opposera M. Abdoulaye BALDE, maire sortant de la ville centre depuis 2009, à M. Benoît SAMBOU investi par le parti présidentiel et à M. Ousmane SONKO. En effet, M. Ousmane SONKO, un opposant, veut de faire de cette ville une rampe de lancement pour sa campagne des présidentielles de 2024. M. Idrissa SECK, qui a rallié maintenant le président Macky SALL, avait réalisé en Casamance, aux présidentielles de 2019, un score de 57,25%. M. SONKO, particulièrement hostile à la France, envisage de sortir du FCA ; il veut faire de la Casamance, un territoire indépendantiste, «une région autonome».
A Saint-Louis, ancienne capitale du Sénégal, les municipales verront la compétition de 8 candidats : M. Mansour FAYE, maire sortant, du parti présidentiel, M. Ameth FALL BREY, Mayoro FAYE, Abba M’BAYE, Aliou Abatalib GUEYE, le professeur Mary TEUW-NIANE, ancien ministre, Moussa DIOP et le professeur Abdoulaye SENE.
A Kaolack, la coalition présidentielle, Benno Bokk Yakaar, a investi Mohamed N’DIAYE RAHMA. Il sera opposé notamment à Fadel BARRO, initiateur du mouvement «Y en a marre». M. Serigne M’BOUP a déposé sa liste.
M. Abdoulaye WILANE se présentera à Kaffrine.
A Thiès, la ville M. Idrissa SECK, allié maintenant au président Macky SALL, les municipales opposeront Yankhoba DIATTARA, ministre, à Talla SYLLA, maire sortant, devenu dissident, et à Babacar DIOP de Yéwwi Askan Wi. M. Moussa TINE est donc fort mécontent.
Par ailleurs, un des grands enjeux, est de rééquilibrer ces rapports entre la ville et les campagnes. Au Sénégal, un pays rural, plus d’un tiers de la population est concentrée dans la région de Dakar. Cet afflux des populations rurales ne cessent de se développer en raison des fortes chaleurs pendant le Ramadan, d’importantes masses de populations fuient du Fouta-Toro vers Dakar ou M’Bour, où les températures sont plus clémentes.
Or cette forte concentration urbaine génère de redoutables problèmes, en termes d’infrastructures, de besoins scolaires, en énergie et eau, de sécurité, de canalisations ou d’espaces de respiration (absence de parcs et jardins). La campagne se vidant de ses paysans, cela creuse également le déficit alimentaire du Sénégal.
Le président Macky SALL en développant des infrastructures étendues à l’ensemble du territoire national et avec maintenant le TER désengorgeant Dakar, le temps n’est pas venu de poser un schéma de «La ville à la campagne». Maintenant que les déplacements étant plus faciles sur le territoire sénégalais, désormais on peut vivre en grande banlieue, à Kaolack, Saint-Louis ou M’Bour, et venir travailler à Dakar. Cela pourrait baisser le prix du loyer ou des maisons dans les grandes villes.
Enfin, toutes les collectivités locales sont confrontées à un terrible manque de moyens financiers, de personnels compétents, à une très bonne gestion des deniers publics. L’Etat civil n’est pas souvent rigoureusement tenu et les archives quasi inexistantes. Je ne parle pas des canalisations, de l’éclairage ou l’entretien de la voie publique, ainsi que le traitement des déchets et ordures ménagères. Il faut dire que les écoles sont essentiellement entretenues, non pas par l’Etat, particulièrement défaillant, mais par les villageois.
Paris, le 16 janvier 2022 par Amadou Bal BA – http://baamadou.over-blog.fr/