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«Le Château de Fontainebleau, première demeure des rois de France, la maison des siècles», par Amadou Bal BA –

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Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, troisième lieu le plus visité de France, Fontainebleau, ville impériale entre château et forêt, à 60 km de Paris, en Seine-et-Marne, est le seul lieu qui fut habité par 34 souverains français du XIIème au XIXème siècles. «Fontainebleau, nom doux et doré comme une grappe de raisin soulevée. Ce lieu auquel je pense tant, que je désire tant voir, existe» écrit Marcel PROUST (1871-1922) dans «Jean de Santeuil» dont une partie a été écrite à Fontainebleau.

«S’il est en France un palais qui parle à toutes les imaginations, c’est Fontainebleau. (…) C’est là, comme dans un désert religieux, qu’un saint roi venait méditer le bonheur de la terre, et rêver de gloire du ciel ; c’est là que le vainqueur de Marignan convoqua tous les arts de l’Italie et alluma le foyer d’où jaillirent tant d’éclats et de merveilles. (…) Tout, dans Fontainebleau, parle de grandeur, d’art, de poésie ; tout inspire le désir de connaître, depuis son origine, jusqu’à nos jours, l’un des plus beaux monuments de France», écrit Jean VATOUT dans ses «Souvenirs historiques de Fontainebleau». Melun avait tenu, pendant un certain temps, de lieu de résidence passagère pour les rois, mais cette ville fut dévastée en 999, sous le roi Robert II, dit «Le Pieux» (972-1031). En effet, une Charte de Louis VII, «Le Jeune» (1120-1180), datée de 1169, atteste que cet endroit servait de maison royale. Paris n’étant pas encore la capitale, la monarchie française fit de cet endroit, la première de ses résidences. C’est donc un château qui remonte au Moyen-âge comme l’en atteste la subsistance de son donjon. Fontainebleau, en Seine-et-Marne, dans la région parisienne, a tenu, dans l’ancienne monarchie, en tant que réside royale, la première place après Versailles. Même si le faste de Versailles éclipsait tout, il n’en reste pas moins que l’antiquité des souvenirs de Fontainebleau n’a point d’égale. Louis VII érigea la Chapelle Saint-Saturnin à Fontainebleau qui fut baptisée par l’archevêque de Canterbury, Thomas BECKET (1118-1170). Philippe AUGUSTE (1165-1223) et Blanche de CASTILLE (1188-1252), femme de Louis VIII «le Lion» (1187-1226) habitèrent Fontainebleau. Saint-Louis qui y a résidé, dota ce château d’un hôpital pour les malades des pays voisins. Philippe Le BEL (1262-1314) est né et mort à Fontainebleau, d’une chute de cheval ou d’une maladie de langueur. Sous les Valois, il ne se passa rien de remarquable à Fontainebleau ; les monarques avaient fui Paris lors de la peste noire en 1350, pour se réfugier à Fontainebleau. Charles V dit «Le Sage» (1338-1380) a créé une fondation littéraire en 1364 en cette demeure.

Au XIVème siècle, la vie de Fontainebleau est obscure, les rois boudent ce lieu. En 1528, François Ier (1494-1547) protecteur des arts et des lettres, vainqueur de Marignan, à son retour de Madrid où il avait été le prisonnier de Charles QUINT (1500-1558) après sa défaite à Pavie en 1525, installa sa cour dans la région parisienne, à Fontainebleau. Grand amateur de chasse, le roi avait choisi un manoir entouré d’une forêt giboyeuse, à soixante kilomètres de Paris, une journée de voyage de la capitale. Dans l’esprit de François Ier, homme de plein air, amoureux de chevauchées mais aussi de promenades, un château digne de ce nom ne pouvait aller sans de vastes jardins, à l’image de ceux que son prédécesseur, le roi Louis XII (1462-1515), avait fait créer à Blois et qu’il avait lui-même fait agrandir. C’est là que François Ier, qualifié de père des lettres et des arts, provoqua un bouleversement fondamental dans l’évolution de l’art français, en créant une «Seconde Rome» avec le Château de Fontainebleau. Les peintres et les poètes ont souvent célébré la naïade, représentée dans l’attirail de Diane, à cause de la forêt voisine. Une réception mémorable est donnée en l’honneur de Charles Quint dans ce château. Le château de Fontainebleau est unique en France. La complexité de son architecture et la variété de ses décors témoignent des époques et des goûts des souverains qui s’y sont succédés. En effet, François 1er y fit venir des artistes de la péninsule : Léonard de VINCI (1452-1519) en 1516, mais celui-ci, très âgé, avait cessé de créer, et le florentin Andrea Del SARTO (1486-1530) en 1518, qui ne resta qu’une année, envoyé en Italie acheter des Antiquités, il détourna les sommes qui lui avaient été remises. Giovanni Battista DI JACOPO (1414-1540), surnommé Le Rosso Fiorentino ou le florentin roux, continuera ce travail, dix ans après. François 1er, un roi de la Renaissance, voulait faire de Fontainebleau, «une nouvelle Rome» suivant Giorgio VASARI (1511-1574), peintre, architecte et écrivain toscan. «Cette résidence prend rang dans le petit nombre d’endroits célèbres, lieu d’insigne avancement du goût dont les noms jalonnent l’histoire de l’art, tels que Venise, Florence, Anvers» écrit Louis DOUMIER dans son ouvrage sur Fontainebleau. En effet, François 1er, père des Lettres, «avait un goût pour la conversation, l’émulation des belles connaissances, l’enthousiasme du grand et du beau» écrit Louis DIMIER, dans «Le château de Fontainebleau et la cour de François 1er».

Henri II (1519-1559), fils de François 1er a achevé la porte Dorée, inspirée de l’architecture italienne, qui marque l’entrée de la cour Ovale, autour de laquelle se déploient les appartements royaux et la salle du Bal. Catherine de MEDICIS (1575-1642), veuve d’Henri II (1519-1559), allait en faire en 1564, le théâtre de divertissements somptueux, qu’elle jugeait nécessaire à sa politique en raison des guerres de religions, de la fronde des Guises et les Bourbons. Sous Henri II, sa maîtresse, Diane de POITIERS, comtesse de Saint Valliers (1500-1566) prit la direction des travaux et des fêtes à Fontainebleau. Michel de MONTAIGNE (1533-1592) fut accueilli à la cour. Le 29 juin 1559, Henri II perdit la vie à Fontainebleau au cours d’un tournoi. Le 31 janvier 1564, Charles IX (1550-1574) revint à Fontainebleau, mais c’est Catherine de MEDICIS qui tirent les ficelles. Charles QUINT y a séjourné. Fontainebleau fut à la gloire de François 1er ce que Versailles sera pour Louis XIV (1638-1715). En effet, le dauphin, qui devient le roi, sous le nom d’Henri II avait eu un enfant le 20 janvier 1543, après dix ans de mariage avec Catherine de MEDICIS (1519-1589). Le baptême sera célébré le 10 février 1543, avec fastes.

Henri IV (1553-1610), ce béarnais né à Pau, qui a vécu dans un milieu austère, appréciait Fontainebleau pour son aspect sauvage et accidenté. Gabrielle d’Estrées, sa favorite, est omniprésente. En 1601, l’année qui suit le mariage d’Henri IV avec Marie de MEDICIS, il y vint au mois de septembre, pour la naissance le 27 septembre 1601, de son premier enfant, Louis XIII (1601-1643). Christine de Suède (1626-1689), escortée par Louis XIV et Anne d’Autriche (1601-1666), est venue à Fontainebleau le 4 septembre 1656. La Reine Christine repartira en Suède, avec le philosophe Descartes. Henri IV entreprit de 1593 à 1609, des rénovations de Fontainebleau ; il ouvre et agrandit la cour Ovale, la dote d’une porte dite du Baptistère, appelée ainsi en souvenir du baptême du futur roi, Louis XIII (1601-1643), né et mort à Fontainebleau. Outre la nouvelle cour des Offices, Henri IV, grand bâtisseur de châteaux, rajoute l’aile abritant les deux galeries superposées, les galeries de Diane et des Cerfs, la Voilière et le jeu de Paume.

Au XVIIIème siècle, Louis XV (1710-1774) fit remplacer l’ancienne galerie d’Ulysse par un bâtiment plus spacieux et bâtir le Gros Pavillon, conçu par Gabriel en 1750.

Napoléon 1er (1769-1821) l’appelait «La Maison des siècles». Les vieux Capétiens l’ont habité ; et ce qu’on y a changé n’a eu point pour effet, comme à Compiègne, de recouvrir et d’enterrer le passé. Cet endroit visité par le luxe et les arts, donne l’impression de solitude, dans une atmosphère aussi touchante qu’agréable. François 1er l’a ainsi surnommé «Délicieux déserts». Au XIXème siècle Napoléon 1er en fit une résidence impériale qu’il remeubla. En 1804, le château de Fontainebleau a été vidé par la Révolution mais a échappé au pire : la destruction. Napoléon décide de mettre un terme à cet abandon en faisant de Fontainebleau une résidence impériale. Son action concerna surtout l’aménagement intérieur et les jardins. Le château est une première fois meublé afin de recevoir le pape Pie VII pu père Gregorio (1742-1823) qui doit participer à la cérémonie du sacre de Napoléon. Le 19 juin 1812, le Pape Pie VII arrive à Fontainebleau pour une captivité qui durera dix-neuf mois. L’Eglise, c’est à dire à la fois le Vatican et le clergé local, n’est pas assez soumise au goût de l’Empereur. En juin 1809, il apprend que le Pape a signé contre lui une bulle d’excommunication. Il le fait alors enfermer, les armées impériales occupaient à cette époque l’Italie, et peu après il fait annexer les Etats Pontificaux à l’Empire. Le projet de Napoléon est de soumettre l’Eglise à son autorité : les papes devraient prêter serment à l’Empereur, et obéir à un nouveau Concordat.

A la fin du règne de Napoléon, en 1814, Fontainebleau a retrouvé tout son lustre : Grands Appartements, Appartements intérieurs et Petits Appartements sont richement et somptueusement meublés. A l’extérieur, le jardin de Diane et le jardin des Pins (jardin anglais) sont remodelés et sacrifient au tracé irrégulier alors en vogue. Si Napoléon résida seulement 170 jours à Fontainebleau, le château reste cependant très lié à sa figure : il fut notamment le théâtre de la première abdication et des Adieux à la garde. Déchu et exilé, il s’en rappela comme de la «vraie demeure des rois, la maison des siècles».

Sous le règne de Louis Philippe (1773-1850), la Volière fut abattue et des rénovations entreprises pour la Chapelle de Saturnin, la plus ancienne église du château. Cette église bénie par l’archevêque de Canterbury, n’était plus affectée au culte, elle servait de magasin, de salle d’adjudication ou de salle à manger. Il rénova également la salle d’attente, la salle Henri II, la porte-dorée, l’escalier du Roi, la salle des gardes, les appartements de la Reine, le pavillon de l’étang. Les travaux, sous Napoléon III, portèrent essentiellement sur les décors intérieurs. On trouve au château de Fontainebleau, «Le Musée chinois» et les salons de l’impératrice Eugénie qui a fait déposer une collection d’objets d’art d’Extrême Orient, notamment de Chine et du Siam. On peut y admirer «Le Musée Napoléon 1er», avec sa collection de meubles d’objets d’art et de portraits de l’Empereur, ainsi «Appartement du Pape», Pie VII y ayant séjourné en 1804 et en 1812.

Le château est agrémenté d’un «jardin de Diane», avec une statue dite «Diane à la biche». Sous l’Empire, il a été transformé en jardin à l’anglaise. Le «Jardin Anglais», avec ses pins, présente des paysages agrémentés d’une rivière, des allées sinueuses et d’une collection d’essences exotiques. Le Parc, long de 1200 mètres, avec son canal, a été aménagé sous Henri IV. Fontainebleau, c’est aussi un vaste domaine boisé de 17000 hectares, anciennement appelé forêt de Bière ou de bruyère. Fontainebleau est une forêt des passions humaines «On y marche, on y galope, pédale, varappe, herborise, peint et chasse» écrit Anne VALLAEYS. Dans la forêt de Fontainebleau, très giboyeuse, l’aristocratie y pratique, de nos jours, deux fois par semaine, la chasse à courre. Situé au cœur d’un massif forestier de dix-sept mille hectares, le château de Fontainebleau a été l’un des séjours privilégiés des souverains qui ont régné sur la France. François 1er, roi chevalier, devait se plaire à Fontainebleau, ce domaine fort sain et agréable, avec une qualité de vie. La vaste forêt paisible, riche en animaux de toute espèce, se prêtait à la chasse, aux joutes et tournois, ainsi qu’aux grandes fêtes.

Par ailleurs, Fontainebleau est à quelques kilomètres de Barbizon, une ville d’artistes, dans le canton de Fontainebleau, qui vaut bien le détour. En effet, ville de 1600 habitants en Seine-et-Marne, la commune de Barbizon est un endroit mythique appelé le «village des peintres» du fait de son histoire. En 1850, les peintres français pré-impressionnistes sont à la recherche de beaux paysages, et découvrent ainsi cette charmante commune, située à proximité de la forêt de Fontainebleau. Quittant la grisaille parisienne et venant profiter du printemps fleuri de ce magnifique village, les peintres de l’époque nous laisseront par leurs œuvres de merveilleux souvenirs immortels de notre commune telle qu’elle l’était à la période des peintres impressionnistes (Jean-Baptiste COROT, Claude MONET, Auguste RENOIR, Alfred SISLEYS, Théodore ROUSSEAU, etc.). Marcel Proust était venu à Fontainebleau pour une semaine, avec ce fameux coup de téléphone à sa mère.

Bibliographie sélective :

CABESTAN (Jean-François), Visite à Fontainebleau, Séminaire Master I, habitat Patrimoine, Paris I, 2009-2010, 57 pages ;

DAN (Pierre) FRANCINI (Thomas), Les trésors des merveilles de la maison royale de Fontainebleau, Paris, Sébastien Cramoisy, 1642, 354 pages ;

DAN (Pierre) GUILBERT (Pierre, Abbé), Description historique des châteaux, bourgs et forêts de Fontainebleau, Paris, André Cailleau, 1731, vol I, 242 pages et vol II, 309 pages ;

DEROY (Léon), Les chroniques du château de Fontainebleau, Paris, Pierre Roger, 1900, 358 pages ;

DIMIER (Louis), Fontainebleau, Paris, Renouard, H. Laurens, 1908, 184 pages ;

DIMIER (Louis), Le château de Fontainebleau et la cour de François 1er, Paris, Calmann-Lévy, 1930, 234 pages ;

DROGUET (Vincent) POLTON (Jean-Claude), «Fontainebleau et Henri IV», Société des amis et mécènes de Fontainebleau, 2010, n°4, pages 3-32 ;

DROGUET (Vincent), «Fontainebleau et le temps des jardins», Société des amis et mécènes de Fontainebleau, 2011, n°5, pages 2-23 ;

JAMIN (E), Fontainebleau sous le roi des Français, Louis Philippe, Paris, Delaunay, Fontainebleau, S. Petit, 1836, 74 pages ;

JESTAZ (Yvonne), Fontainebleaux, une ville entre château et forêts, Versailles, Arts Leps, 1995, 167 pages ;

MUENTZ (Eugène), MOLINIER (Emile), Le château de Fontainebleau au XVIIème siècle d’après des documents inédits, Paris, Nogent Le Rotrou, Daupeley-Gouverneur, 1886, 118 pages ;

VALLAEYS (Anne), Forêt des passions, Paris, Stock, 2006, 326 pages ;

VATOUT (Jean), Souvenirs historiques des résidences royales de France, Fontainebleau, Paris, Firmin Didot, 1837, 639 pages.

Paris, le 11 juillet 2015 et 16 juillet 2021, M. Amadou Bal BA – http://baamadou.over-blog.fr/.

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