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Entretien avec le Directeur Général de l’Asprodeb: “Il n’y a plus d’obstacles au bon déroulement de la campagne de commercialisation arachidière”

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Six semaines après le démarrage de la campagne arachidière, et à la suite des mesures prises par le gouvernement, notamment la suspension de la taxe à l’exportation, les inquiétudes d’une mévente de l’arachide ne se sont pas dissipées. Les acheteurs chinois ne sont pas encore visibles et les huiliers privés semblent timidement entrer en campagne. Pour mieux comprendre la situation, nous avons rencontré, Monsieur Ousmane NDIAYE, Directeur Général de l’ASPRODEB, (Association Sénégalaise pour la Promotion du Développement à la Base) qui est l’outil technique et économique des organisations paysannes et qui est impliquée à double titre dans la filière arachidière par le programme de production de semences certifiées d’arachide de ses membres et par son programme de contractualisation pour la production d’arachide d’huilerie avec l’industriel COPEOL Sénégal. Il s’est prononcé sur le déroulement de la campagne de commercialisation arachidière .

Entretien…

Monsieur Ndiaye comment se passe cette campagne de commercialisation ?

Depuis le 4 décembre 2017, cinq membres de l’ASPRODEB sont engagés dans la campagne de commercialisation.  Ils collectent l’arachide de leurs membres et des producteurs des communes avoisinant celles de leurs groupements de base. Nos cinq membres couvrent 210 points de collecte dans les régions de Kaolack, Kaffrine, Tamba, Fatick, Diourbel et Thiès.

L’ASPRODEB qui a signé, aux noms de ces cinq membres, avec COPEOL-Sénégal, un contrat de livraison d’arachide, a fourni, à date, 25 638 tonnes qui ont été payées par COPEOL-Sénégal. Donc, pour les producteurs et productrices qui viennent vendre au niveau de nos points de collecte, les choses se passent bien. Alhamdoulilahi.

Le contrat avec COPEOL-Sénégal couvrait-il d’autres aspects en dehors de l’achat des récoltes ?

Le contrat avec COPEOL-Sénégal est une innovation dans la situation actuelle de la filière arachide. Grâce au partenariat que nous construisons ensemble, COPEOL Sénégal partage les risques avec les producteurs. Ainsi, ces producteurs et productrices ont pu disposer, entre le 15 mai et le 15 juin 2017, donc à temps, de 3 945 tonnes d’engrais et de 2 330 tonnes de semences. En valeur, ces intrants représentent 1 milliard 500 millions de FCFA. COPEOL-Sénégal a prêté cette somme à 30 000 producteurs à un taux d’intérêt de 0% l’an.

Je voudrais faire remarquer que notre partenariat avec COPEOL Sénégal a également soulagé l’Etat du Sénégal parce qu’il n’a consenti aucun franc de subvention pour les intrants. Les producteurs et productrices qui ont bénéficié de ces intrants en sont totalement satisfaits et ont manifesté leur volonté de poursuivre dans ce chemin de prise en charge propre de leurs affaires.

Selon les informations que nous avons recueillies, COPEOL-Sénégal risque de limiter ses achats ? Quelles conséquences pourraient en découler pour les producteurs ?

Effectivement, il y a encore un souci important à résoudre entre le Gouvernement et COPEOL-Sénégal. Cependant, il faut signaler, qu’en début de campagne, plusieurs obstacles empêchaient COPEOL-Sénégal de s’engager à fond dans la collecte. Mais depuis quelques semaines, le Gouvernement du Sénégal a levé presque tous les obstacles sauf un. Toutefois, il nous a été donné de savoir que les choses vont dans le bon sens afin de résoudre définitivement ce dernier souci.

Si cela n’était pas fait dans des délais raisonnables, un grand nombre de producteurs et de productrices risquent de brader leurs productions.  Cela irait dans le sens contraire voulu par les plus hautes autorités de l’Etat, qui malgré la baisse du prix au producteur partout dans les pays produisant de l’arachide, a voulu maintenir le pouvoir d’achat des producteurs en acceptant de payer la différence entre le prix de 210 FCFA pratiqué au Sénégal et le prix au producteur tel qu’il résulte des cours de l’huile d’arachide.

Une seconde conséquence serait une remise en cause de notre partenariat avec COPEOL-Sénégal. En effet, si cette dernière n’arrive pas à acheter suffisamment d’arachide, il y a de fortes chances que l’unité industrielle soit arrêtée.

Donc, l’avenir de la filière arachide est-elle menacée ?

Sans aucun doute. L’industrie est indispensable au développement d’une agriculture qui ambitionne de nourrir les populations, de donner des emplois aux jeunes et de procurer des revenus décents aux familles d’agriculteurs, sans compter les autres effets sur l’économie nationale. Ces objectifs sont ceux que le Gouvernement veut réaliser. Les membres du CNCR et de l’ASPRODEB soutiennent et contribuent à la réalisation de ces objectifs et c’est pourquoi depuis trois ans, les Organisations de Producteurs, membres du CNCR et de l’ASPRODEB, tout en louant les efforts de soutiens financiers du Gouvernement du Sénégal, ont pris leurs responsabilités, c’est-à-dire acheter au prix coûtant leurs intrants pour être prêts à produire lorsque les pluies sont là. Mais cela suppose qu’il y ait un industriel ou des industriels avec lesquels travailler pour acheter la production. C’est cela que nous essayons avec COPEOL Sénégal de mettre progressivement en place tout en soulageant les finances publiques. Nos 30 000 producteurs et productrices sont prêts à continuer sur ce chemin d’auto-prise en charge et d’autres producteurs, par milliers, veulent les rejoindre. Cela ne sera possible que si des industriels sont présents et font comme COPEOL Sénégal fait avec nous.

Le Gouvernement vient de suspendre la taxe à l’exportation, est-ce une solution au problème de la commercialisation ?

A court terme, cette suspension baisserait le prix de revient des exportateurs et donc forcément cela peut aider à des achats plus importants à condition que les exportateurs puissent trouver des acheteurs et signer des contrats. Mais, aujourd’hui, nous constatons que la Chine qui est la principale destination à l’export, même sans taxe, n’est pas dans une position favorable pour pouvoir acheter au cours officiel de 210 FCFA. Cette situation ainsi que les difficultés de suivi et de contrôle des activités d’achat des exportateurs peuvent être des risques qui exposent les producteurs à vendre en dessous du prix de 210 FCFA.

Pour vous la filière arachidière est donc dans une très mauvaise posture ?

La filière arachidière est peut-être celle qui a reçu le plus de soutiens financiers des pouvoirs publics. Depuis plus de deux décennies, la filière est malade à cause de multiples dysfonctionnements qui ne datent pas donc d’aujourd’hui. Nous, organisations paysannes, nous pensons qu’il est temps que nous soyons avec les industriels, les vrais gestionnaires de la filière. Ce que nous demandons au gouvernement, c’est de favoriser un environnement profitable aux acteurs nationaux, en soutenant les relations contractuelles qu’ils tissent entre eux, en améliorant les investissements publics, notamment pour la fertilité des sols et en encourageant un alignement des prix sur les réalités économiques. De notre côté, nous fournissons des efforts pour disposer de semences certifiées, d’engrais de bonne qualité, d’équipements agricoles pour être résilients face aux changements climatiques et pour également avoir notre propre personnel pour un appui technique de proximité des producteurs et productrices. Le but est, sur le moyen terme, d’augmenter notre productivité grâce à de hauts rendements. Le CNCR et l’ASPRODEB sont toujours disposés, autour d’une table, avec les vrais acteurs (Organisations Paysannes et Huiliers en particulier) sous l’égide du Gouvernement, à rénover cette filière.

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