«Élections législatives anticipées du 17 novembre 2024. Les forces politiques en présence. Une dynamique de l’opposition, en vue d’une cohabitation au Sénégal ?», par Amadou Bal BA
L’Assemblée nationale du Sénégal a été dissoute par le président Bassirou Diomaye FAYE dans un message à la nation du 12 septembre 2024 (Voir mon article, Médiapart), en vue d’élections législatives anticipées, pour le 17 novembre 2024. Il a eu une troisième grande alternance, dit de rupture, au Sénégal, le 24 mars 2024. Cependant, le PASTEF, le parti au pouvoir actuellement, que dirige le Premier ministre, Ousmane SONKO, n’avait pas de majorité parlementaire, à l’issue des législatives du 31 juillet 2022 (Voir mon article, Médiapart). En effet, sur les 165 députés, élus pour cinq ans, le PASTEF n’en disposait que de 56 sièges, le président Macky SALL et ses alliés, 81 sièges ; 24 députés sont du PDS.
Le PASTEF, le Parti au pouvoir, après avoir éjecté maître Moussa DIOP, refusé la transhumance, mais accepté de partir avec deux petits partis politiques. Maître Moussa DIOP, allié d’abord d’Ousmane NGOM, du PDS, avait rejoint, quand il résidait en France, le Parti socialiste sénégalais. Un jour, à notre réunion au Pré-Saint-Gervais, près de Paris, il a débarqué avec une cinquantaine de ses militants et voulait être séance tenante, secrétaire général de la section de France du parti socialiste sénégalais. Son putsch ayant échoué, on n’a plus revu maître Moussa DIOP. Revenu au Sénégal, maître Moussa DIOP, a rejoint l’APR , qu’il a fini par quitter de façon rocambolesque, après ses déclarations sur Ila Touba.
Le PASTEF, élu sur un projet dit de rupture le 24 mars 2024, dès le premier tour, a refusé, par la voix de son Président, Ousmane SONKO, qui est également le Premier ministre, d’exposer au Parlement, jusqu’à sa dissolution, son projet de gouvernement, sa vision du Sénégal et donc de l’avenir «Ousmane SONKO, on l’attendait devant l’Assemblée nationale, pour faire sa déclaration de politique, comme en Mauritanie et bientôt en France. N’étant pas sûr de son projet qui n’existe pas, de sa vision, de son ambition, il a préféré dissoudre l’Assemblée nationale, qui avait été convoquée par le président de la République, Bassirou Diomaye FAYE, et qui a lui-même arrêté la date de la déclaration de politique générale le vendredi 13 septembre 2024. Cependant, comme c’est le Premier ministre, Ousmane SONKO, qui décide de tout, il a avait déjà annoncé, à l’avance, qu’il y aura dissolution de l’Assemblée nationale, que les députés ne perdent rien pour attendre ; il n’y aura pas de motion de censure ; il n’y aura pas de DPG, et le Président de la République s’est exécuté, tout simplement. On n’attend du Premier ministre pas grand-chose, rien tout», dit Mamoudou Ibra KANE, de la «Nouvelle responsabilité» d’Amadou BA.
Que pèse réellement le PASTEF ? Aux présidentielles de mars 2024, Ousmane SONKO et Bassirou Diomaye FAYE, en prison depuis 11 mois, ont été libérés à 10 jours du 1er tour ; ce qui a transformé ce scrutin en referendum et Amadou BA, candidat officiel de l’APR, a cependant obtenu près de 36%. Depuis l’accès du PASTEF, quand on a vu qu’ils ont fait, en termes de reniements (Poursuite des opposants, chasse aux sorcières, menaces, convocations à la DIC, et emprisonnement, utilisation des audits pour intimider les opposants, amateurisme, arrogance, manque du sens des convenances, espérance des jeunes en berne), beaucoup de Sénégalais commencent à s’interroger sérieusement sur l’avenir de cette exemplaire démocratie sénégalaise.
Comment l’opposition envisage d’aller à cette bataille des législatives du 17 novembre 2024 ?
Il existe plus de 300 partis politiques dont certains sont microscopiques. Aussi, l’opposition, pour ratisser large en vue de provoquer la cohabitation, part aux législatives en trois grands blocs.
Un premier grand bloc des libéraux marque le retour en force de l’ancien président du Sénégal, Macky SALL, sur la scène politique. En effet, l’APR, le Parti de l’ancien président Macky SALL, le PDS de maître Abdoulaye WADE mais en fait dirigé par son fils Karim WADE, «REWMI» d’Idrissa SECK, Convergence Démocratique, «Bokk Gis Gis» de Pap DIOP, mais aussi Me Aïssata TALL SALL, viennent de conclure un accord électoral pour aller ensemble à ces législatives anticipées Coalition «Takku Wallu» Sénégal. Aussi bien le président Macky SALL que M. Karim WADE résident à l’étranger. Or ce sont de très fortes personnalités dont l’implication dans la campagne électorale sera nécessaire et sous quelle forme ? L’autre enjeu majeur, c’est le financement de la campagne électorale, l’APR étant dans l’opposition. Cette question de l’argent, nerf de la guerre est centrale.
Un deuxième grand bloc est autour d’Amadou BA, «La Nouvelle responsabilité», qui avait obtenu 36% aux dernières présidentielles ; il s’est allié avec des Partis de la mouvance socialiste, notamment avec Aminata M’BENGUE NDIAYE, et l’AFP de Moustapha NIASSE, pour former la coalition «Jamm Ak Njarin».
Un troisième grand bloc est l’alliance entre Barthélémy DIAS, député-maire de Dakar, sous la bannière Sam Sa Kaddu, regroupe plusieurs forces politiques telles que le Parti de l’unité et du rassemblement (PUR), Taxawu Sénégal de Khalifa SALL, le PRP de Déthié FALL, Papa Djibril FALL, président du parti, «Les serviteurs», Bougane Gueye Dany de «Guem Sa Bop / Les Diambars», Anta Babacar NGOM, présidente de l’ARC et Thierno BOCOUM, président du mouvement AGIR, la L.D. de Nicolas N’DIAYE.
Je trouve que l’opposition a bien joué ainsi en ratissant large en vue de provoquer la première cohabitation au Sénégal le 17 novembre 2024. Apparemment, l’opposition compte se regrouper ou se désister, mutuellement, dans les endroits où le PASTEF pourrait l’emporter.
M. Ousmane SONKO ambitionne de devenir président de l’Assemblée nationale, une personnalité ayant vocation de succéder au Président de la République en cas d’intérim. Or, le bilan du PASFEF étant faible, comme si on attendait le Premier ministre en ROBESPIERRE, un coupeur de têtes, veut installer un climat de terreur, à travers ses audits. «La politique d’endettement effrénée (Sous Macky Sall) a donné lieu à l’utilisation des ressources non transparentes et favorable à la corruption, une méthodologie pour détourner, en masse, des deniers publics», dit le Premier ministre Ousmane SONKO. Dans cette stratégie assumée de chasse aux sorcières, après les interdictions de sortie du territoire de 16 personnes, la perquisition du domicile de M. Farba NGOM, un député-maire, Me Moussa Bocar THIAM, maire de Ouro-Sogui, de l’Agence judiciaire de l’État, est convoqué devant la Division des investigations criminelles (D.I.C.). M. Ousmane SONKO, dans l’opposition, avait fustigé l’instrumentalisation de la justice sous Macky SALL, mais le voilà au pouvoir, devenu un dictateur.
Il n’est pas certain que le PASTEF puisse donner des leçons de moralité à ses prédécesseurs. Les valises d’argent continuent pour le clergé musulman, les fonds secrets n’ont pas été supprimés, et le contrat avec l’Espagne, concernant l’électrification rurale, bruisse de 7 millions égarés. La place de l’argent, dans le jeu politique, est une question sérieuse. Sans financement des partis politiques, comment le PASTEF va-t-il régler ses frais de campagne électorale ?
Dans tous les cas, les pirogues et les inondations continuent. L’espoir est en berne. Le 17 septembre 2024 pourrait être l’occasion d’une cohabitation. L’opposition, comme la France, pourra travailler, convenablement, avec le président Bassirou Diomaye FAYE, un homme raisonnable, respectueux des principes de l’État de droit, gravement menacés.
Références bibliographiques
BA (Amadou, Bal), «Enjeux des législatives du 17 novembre 2024», Médiapart, 14 septembre 2024 ;
BA (Amadou, Bal), «Dissolution, dramaturgie et tensions», Médiapart, 12 septembre 2024 ;
BA(Amadou, Bal), «Sénégal : vers une dissolution du Parlement, des élections législatives anticipées», Médiapart, 4 septembre 2024 ;
BA(Amadou, Bal), «Amadou BA envisage de créer son parti politique», Médiapart, 10 septembre 2024 ;
BA(Amadou, Bal), «Sénégal : bilan d’une alternance dite de rupture très mitigée», Médiapart, 19 août 2024.
Paris, le 29 novembre 2024, par Amadou Bal BA