A Dolol Soubalo, Hordonlé et Ganguel, dans les départements de Matam et de Podor, beaucoup de familles peinent à manger à leur faim. Hantés par une possible famine qui menace le Fouta des profondeurs, les villageois sonnent l’alerte. Nos confrères de l’Obs ont fait le voyage dans le coin « affamé » du Daandé Maayo.
La faim a un visage. Mamadou Gaye, chef de village de Dolol Soubalo, carré de terre enfoui dans le « Daandé Maayo » dans la région de Matam, en fait l’expérience tous les jours. Corps frêle et visage fatigué, le septuagénaire porte d’ailleurs la voix des « affamés » de son terroir. Il affirme, le débit haut : « Tous les jours, des villageois viennent me voir pour me faire part de leur situation misérable, parce qu’ils ne mangent pas à leur faim. Nous essayons de nous épauler les uns les autres, mais la situation est alarmante. Cette année, la culture du riz n’a pas été bonne. Nous avons été confrontés à un sérieux problème d’eau. Outre l’installation tardive de la saison des pluies, nous avons eu des problèmes avec l’irrigation. Nous n’avons pas pu récolter. Un mauvais présage. Pour dire vrai, la faim nous guette ». Puis, Mamadou Gaye d’avertir : « cette année, la période de soudure sera trop longue pour nos familles, parce que nous n’avons pas eu une bonne campagne rizicole. Nos réserves sont presque toutes épuisées ».
Le soleil est bien haut lorsque le chef du village de Dolol Soubalo liste les mille plaintes et complaintes de sa localité. Laquelle, selon lui, reste sous la menace d’une probable famine, d’autant plus que que tous les signaux sont au rouge. « Il y a quelques années, beaucoup de villageois se nourrissaient de bouillie de riz. Mais maintenant, les choses se sont améliorées grâce aux programmes rizicoles de la Saed. Mais nous risquons de revivre ce même calvaire, avec l’équation de beau, le riz demeurant notre principal aliment de base. Nous réclamons également la constriction d’un poste de santé, car tomber malade à Dolol Soubalo c’est synonyme de mort. Nous femmes accouchent dans les chambres, avec tous les risques que cela comporte », regrette Mamadou Gaye. Qu rappelle qu’en 1987, le village avait enregistré 14 décès à cause d’une épidémie de diarrhée favorisée par les mauvaises conditions de vie et d’hygiène. Moi-même j’ai été hospitalisé et j’ai failli trépasser à cause de cette pathologie qui avait miné notre village ».
Aux confins de la société « Funtankée » dans le « Daandé Maayo », à une cinquantaine de kilomètres de la région de Matam, dans la commune de Wouro Sidy, trône fièrement derrière de hauts palmiers, acacias et palmiers, Dolol Soubalo. Un village de pêcheurs où les populations ont faim. Dans ce patelin niché dans le Fouta des profondeurs, la pauvreté est une réalité, les villageois tirent le diable par la queue. Dolola un sol aride et sec. Où pousse une végétation basse, quasi steppique. Ici la poussière argileuse tapote les visages et la chaleur d’étuve brûle le cuir chenu. Cette année, la production rizicole laisse à désirer, les paysans retiennent leur souffle et craignent une famine. « La mauvaise campagne rizicole hante tout le village. Nous avons déjà connu la faim, donc c’est normal que les gens s’inquiètent à ce point. Il faut que l’Etat prenne des mesures urgentes et adéquates, avant que ka situation s’empire. Une famine n’est pas à écarter dans le village et ses environs ».
Omar Amadou Guèye, notable de Hordonle, atteste, serein : « Nous avons vécu la famine. La situation a beaucoup changé, il faut le reconnaitre. Mais les risques sont toujours présents. Nous ne sommes pas sortis de façon définitive de la situation de famine, car certains ménages de la zone sont très vulnérables à cause de la pauvreté. Il y a eu des réalisations en matière d’assistance alimentaire, mais les taxes fixées et les frais relatifs à l’acquisition des champs de culture sont très chers ».
A Ganguel, les villageois sont impuissants et chagrinés, mais restent dignes et fiers. Mais comme un « ventre affamé n’a point d’oreilles », la famine qui se profile fait déjà son lot de victimes. Abdourahmane Niang, cultivateur et habitant de Ganguel : « Nous n’avons pas de problème d’eau car nous avons le fleuve, mais nous n’avons pas de machines pour la culture du riz et ne pratiquons plus la pêche à cause du barrage. Cette année, nous avons vraiment peur que la famine s’installe dans le village et ses environs ».