«Diary SOW après sa fugue, son nouveau livre «Je pars» par Amadou Bal BA –
Diary SOW vient de faire publier, chez Robert Laffont, un éditeur parisien, son deuxième roman, le 4 novembre 2021, sous le titre «Je pars». Ce deuxième roman de Diary, est largement autobiographique, puisqu’il fait allusion à la fugue, en France, de Diary SOW, en janvier 2021. «Mon expérience m’a beaucoup inspirée pour donner du corps au personnage principal, mon alter ego» dit-elle. Cependant, selon Diary sa fugue serait «strictement personnel. Je ne suis pas Coura et elle n’est pas moi» dit Diary SOW. L’éditeur, Robert Laffont, en a donné le résumé. Disparaître, certains en rêvent. Elle l’a fait. Partir. N’importe où. Prendre sa liberté. Retrouver le contrôle de soi. Oublier la pression, une famille qui aime mal, des ambitions qui sont celles des autres. Cesser de jouer un rôle. Un matin d’hiver, Coura quitte sa chambre d’étudiante, ses amis, Paris, la France. Sans regret. Elle vient d’avoir dix-huit ans, le monde lui tend les bras. Sa disparition est d’autant plus inquiétante qu’elle était une jeune fille modèle, menant une existence parfaitement rangée. À Amsterdam, de nouvelles expériences l’attendent tandis que son passé la rattrape. Que faire ? Donner signe de vie ? Soit, mais à quel prix ?
«Je pars» raconte le destin d’une jeune femme à la recherche d’elle-même. Je rappelle la rigoureuse nécessité d’être responsable dans tout ce qu’on fait et dit. Le jour où il y aura une vraie disparition inquiétante ; ce comportement est de nature à discréditer, très sérieusement, toute opération d’envergure de solidarité et de mobilisation des ressources et énergies de tous. Dans la mythologie grecque, Cassandre prévoyait souvent des malheurs, y compris la défaite des Troyens, mais personne ne la prenait au sérieux.
Que cachait cette fugue de Diary SOW du 4 janvier 2021 ?
En janvier 2021, la disparition brutale et mystérieuse avait inquiété ses proches et avait engendré un emballement médiatique. Le Consul général, à Paris, Amadou DIALLO, avait mobilisé une formidable campagne de communication, bien relayée par la presse française. Je renouvelle ici, notre profonde reconnaissance et gratitude pour cet exceptionnel élan de générosité de tous et des autorités de police françaises. Ainsi, une poignante vidéo a été réalisée et diffusée par M. François DURPAIRE, universitaire et consultant des médias. Un grand merci, François !!! Dans un tweet du 10 janvier 2021, et qu’il en soit vivement remercié, Gilles VERDEZ, journaliste et chroniqueur, a lancé un avis de recherche, pour retrouver Diary SOW. Le cas de Diary SOW nous avait profondément ému tous en raison de ses origines modestes et de son parcours exemplaire. Diary, née le 17 septembre 2000, à Malicounda, près de M’Bour, issue d’un milieu modeste peul, est très méritante : «Elle passe tout son temps à faire des exercices et des devoirs. Elle est une grande fierté pour nous, elle est un enfant exemplaire», dit sa mère Binta. Diary est constamment animée d’un désir ardent de réussir ses études. Quand on veut, on peut «Lorsqu’on désire vraiment atteindre nos objectifs, il y a la possibilité», dit-elle. Après son bac, Diary a obtenu une bourse d’excellence qui lui a permis d’intégrer la classe préparatoire de Louis-Le-Grand, où elle étudiait physique, chimie et ingénierie.
Cependant, une partie de la presse ou de l’opinion publique, en opposition au président Macky SALL, avec des relents ethnicistes ou politiques, n’avait pas manqué de fustiger Diary SOW, prétendant que ses origines peules lui auraient octroyée une attention qu’elle ne mériterait pas. Ces diatribes partisanes sur des questions littéraires sont insupportables. «La jalousie rend irrationnel et intolérant» écrit Diary SOW, dans son roman, «Je pars». Mais il est vrai que «réfléchir, c’est difficile, c’est pourquoi la plupart des gens jugent» écrit Carl Gustave JUNG (1875-1961), fondateur de la psychologie analytique. A chaque fois qu’un Sénégalais brille par ses talents littéraires, je m’en glorifie et m’en réjouis infiniment. Si Diary SOW s’est retrouvée avec de mauvaises notes au lycée Louis le Grand ; cela est un fait incontestable. En revanche, je pense que bien des étudiants sénégalais, arrivant en France, et dont certains que je rencontre, ne sont pas conscients de l’écart considérable du niveau d’études entre la France et le Sénégal. Les nouveaux étudiants sénégalais ont grand intérêt, leur première année en France, à travailler, très dur, pour combler, rapidement, ce gap.
Diary SOW, par provocation, ingratitude, inconscience ou insolence, explique ainsi la raison d’être de son deuxième livre «Je me suis sentie comme emprisonnée par l’opinion des autres, par la conception qu’ils ont du personnage qu’ils ont construite autour de moi ; ça je l’ai ressenti surtout après mon retour. Je me suis rendue compte qu’en fait, je n’avais pas le droit de faire, ce que j’avais fait, et que l’on me niait justement ce droit. Mon livre est une façon de vous dire, je vous emmerde» dit-elle. Devant la vive réprobation de cette déclaration, Diary SOW a été contrainte de préciser sa pensée ; elle n’aurait adressé ce mot de Cambronne qu’aux personnes l’ayant injustement dénigrée. En raison de cette maladresse est le mal est fait « la parole, c’est comme de l’eau, une fois versée à terre, on ne plus la ramasser » dit un dicton peul.
Le personnage de Coura, dans sa sensualité, sans être irrévérencieuse, est impudique. Dans sa stratégie de communication, l’essentiel c’est de rester au centre du jeu, sous la lumière. Diary, pour son deuxième roman, a réussi à se faire publier chez un grand éditeur parisien, Robert Laffont. Par conséquent, peu importe les écarts de langage ou les cris de la foule, pourvu qu’on parle d’elle. Parlez de moi, en bien ou en mal, mais parlez de moi : «J’ai voulu provoquer de la répulsion, de l’incompréhension, du dégoût, peu importe, tant que ce n’est pas de l’indifférence» écrit Diary SOW. Dans son livre, elle essaie de retranscrire l’état d’esprit qui l’a poussée à «passer à l’acte» en fuyant, comme son personnage, la pression qui reposait sur ses épaules. Ce roman traite donc de la question de la liberté : comment assumer rester, authentiquement, soi-même ? «Ce qui ne va pas, déjà, c’est qu’elle s’est oubliée. Elle a une sorte de mal-être dans sa vie, parce qu’elle ne s’écoute pas suffisamment. C’est l’opinion des autres, le regard des autres qui la dirige. Et quand elle s’en rend compte, il y a ce sursaut, cette rébellion qui fait qu’elle ne peut plus continuer comme ça», écrit Diary SOW.
Loin de cette vision romanesque, on susurre que Diary SOW aurait une relation amoureuse avec un ancien fonctionnaire français de la police devenu diplomate, de 56 ans, affecté auparavant au Sénégal, et passionné pour les femmes peules. Un point à éclaircir. En tout cas, il va falloir que Diary s’en explique sérieusement. Sa disparition, jugée inquiétante, était fondée sur ses performances scolaires et du sérieux qu’elle avait témoigné, jusqu’ici. Une relation amoureuse se célèbre et ne justifierait nullement, si elle était établie, de provoquer de graves frayeurs de ses parents, du Sénégal entier, de la mobilisation de tous, notamment des autorités consulaires du Sénégal à Paris, de la Police française et des médias français ou du Sénégal. Mme Diary SOW, brillante élève sénégalaise, «Miss Sciences» en 2017, a remporté en 2018 et 2019 le concours général. Désignée «meilleure élève» du Sénégal, Diary a donc été honorée par le président Macky SALL ; elle n’a donc pas pu terminer ses études en France.
La jeune Diary est déjà l’auteure d’un premier roman, «sous visage d’un ange», paru chez l’Harmattan, le 16 janvier 2020, et relatant les aventures d’une femme-enfant tiraillée entre traditions et modernité, qui fugue ; une belle histoire d’amour. Par un beau dimanche ensoleillé, la vie de Karim change de fond en comble lorsqu’une jeune fille frappe à la porte de la maison des THIANDOUM. Qui aurait cru que cette rencontre si anodine en apparence, marquerait au fer rouge l’esprit de nos personnages principaux ? Allyn, une femme-enfant à la soif de vivre débordante qui a prématurément passé l’âge des illusions dangereuses ; Karim, cet Apollon à l’âme tourmentée et au cœur insensible verra ses certitudes bouleversées par cette apparente ingénuité et cette rare beauté qui dissimulent un esprit manipulateur et un passé lourd et pensant.
Diary, avait déjà annoncé en 2018 qu’elle préparait un deuxième roman. «Je suis en série scientifique, mais ça ne m’empêche pas d’avoir un intérêt appuyé pour les matières littéraires», affirmait-elle. Naturellement, et contrairement à certains qui dénigrent systématiquement les créateurs artistiques, comme les professeurs Iba Der THIAM, Oumar SANKHARE ou le Prix Goncourt, M. Mohamed M’Bougar SARR, je préfère d’abord prendre connaissance du 2ème ouvrage de Diary SOW et vous faire part ensuite de mes remarques.
Le roman, composé de 17 chapitres, est d’un style simple, fluide, mais rigoureux. Il est dédié à son père «A papa, parti trop tôt, trop vite, trop loin» écrit Diary. On est loin du vocabulaire savant et riche du prix Goncourt, Mohamed M’Bougar SARR qui a compulsé différents dictionnaires.
L’héroïne du roman, Coura, est confrontée à la nuit, à des cauchemars ; elle rêve d’avoir accouché, alors qu’elle est encore vierge et vit dans la chasteté avec son ami Adam. Mais cette chasteté c’est le prix de son ambition «ma virginité, je la traîne comme un fardeau. Rien à voir avec la morale, la pudicité, la religion, ni un quelconque vœu de chasteté. Simple question de prudence. (…) Etudier, viser plus haut, toujours plus haut, pas de distractions, pas de sexe, pas de bébé» écrit Diary. L’héroïne du roman a cédé aux exigences de sa famille et s’est oubliée elle-même «Cela fait longtemps que j’avance, courbée sous les attentes et les regards des autres, que j’ai oublié de m’écouter, de me plaindre. Il ne m’est jamais venu à l’esprit de me révolter, je suis résignée. Mon instinct m’a souvent avertie de ne pas suivre l’opinion du plus grand nombre. A désirer trop fort un chemin lisse, on ne s’oublie pas impunément. Là réside la cause du trouble» écrit Diary.
L’héroïne Coura, interpelle son compagnon, Adam, «Si un jour, je disparaissais ?». Le besoin de vivre et de rester authentiquement soi-même, la naissance de l’individualisme, est l’un des thèmes majeurs de ce roman «L’ambition aveuglée, enfin vaincue, finira, par s’incliner» écrit-elle. C’est donc la fuite que Coura veut affirmer son identité et probablement, son ambition littéraire «Quand j’ai regardé au fond de moi, j’ai vu pire, bien pire. J’ai peur de moi. Disparaître, au fond, c’est se suicider d’une partie, voire de la totalité de soi, une mort différente, une mort identitaire presque» écrit Diary.
L’essentiel du roman se déroule à Paris où le Sénégal est presque absent. Le père de Coura est ambassadeur en France. Son frère, le beau et ténébreux Mansour, est un fainéant «Désinvolte, fantasque et volage, il voyage quand il en a envie, mène ses activités comme bon lui semble, se ruine pour des projets non aboutis» écrit Diary. Sa meilleure amie, Larissa, est considérée comme superficielle «Plus j’ai grandi, plus je l’ai associée à ces âmes matérialistes, futiles et creuses, chez qui tout est vernis. Pourtant, même ainsi, je la trouvais belle, émouvante dans sa superficialité» écrit Diary. L’héroïne tombe amoureuse d’un guitariste, un Français. En effet, son ami, Adam, est rencontré lors d’une exposition d’œuvres de son frère Mansour «Les gens passaient sans s’arrêter. Moi, je suis restée debout à l’écouter fascinée, jusqu’à ce qu’il range la guitare dans son étui. Il s’était alors tournée vers moi, avait souri. J’avais ressenti une chaleur. Et, d’emblée, je m’étais liée d’affection à lui. Comme une évidence» écrit Diary. Hugo, est le colocataire grincheux et intolérant.
Cependant, Amsterdam, en Hollande, a la côte, Mohamed M’Bougar SARR fait démarrer son prix Goncourt dans cette ville ; Diégane Latyr Faye, le narrateur, y fera une excursion. C’est cette ville hollandaise que choisit, par hasard, Coura, résidant à Paris, comme destination de sa fugue : «J’ignore ce que je vais faire, et qui je vais rencontrer. Je ne sais pas où aller, mais n’ayant pas assez réfléchi, qu’importe la destination ! Des villes tourbillonnent, se chevauchent : Londres, Bruxelles, Amsterdam ! A un guichet, je prends à tout hasard un billet pour Amsterdam. C’est juste ça le prix de la liberté : un vulgaire bout de papier !» écrit Diary. En effet, après la peur d’un saut dans l’inconnu, à la Gare du Nord, à Paris, Coura s’est décidée de se disparaître «une seule pensée m’obsède. Ça y est. Je pars» écrit-elle.
La décision de partir est liée à cette volonté de s’émanciper de toutes ces tutelles étouffant Coura «Je ne me suis jamais sentie aussi vivante que la nuit où j’ai pris ma décision. C’est décidé, je n’irai pas en cours. Plus d’horloges, de calendriers, d’obligations, d’agendas. Après le désir physique, le fantasme du départ est revenu supplanter l’attachement au présent. J’ai une priorité maintenant : Moi. Parce qu’il y a une vie à vivre. Parce que c’est la seule façon d’exister. Parce que, sans cela, je suis condamnée à d’éternels remords» écrit-elle. L’héroïne aspirant à la liberté, se sent étouffée par le père «J’ai enfin compris : je n’avais choisi pour moi, mais pour mon père. Toujours en quête de son approbation, je voulais l’impressionner, attirer son attention. J’étais son «produit». Il m’avait transmis sa vanité agaçante, un désir de briller, le goût de paraître. Et de peur de décevoir, j’étais allée loin, dans la soumission » écrit Diary.
A Amsterdam, Coura, l’héroïne du roman, «Je pars», s’émancipe et se transfigure : «Comme si, en fait, en partant, elle laissait son enfance derrière elle. Elle se sent vieillie. Elle va le dire dans le roman. Cet acte va la mener vers une meilleure connaissance d’elle-même, une meilleure connaissance de sa condition de femme, une meilleure connaissance de son corps. Oui, on peut vraiment le définir comme un rite de passage» écrit-elle.
Initialement, et à sa réapparition, après la fugue de janvier 2021, Diary SOW avait refusé de donner une explication claire et rationnelle à son geste qui avait mobilisé le Sénégal et la France. Du moins, sa réponse de l’époque a été sibylline «ceux qui cherchent une explication rationnelle à mon acte seront déçus, puisqu’il n’en a aucune» dit-elle. En réalité cette fugue serait-elle une mise en scène, machiavélique, ayant abouti à ce roman, «je pars» ? En effet, d’aucuns croyaient Diary SOW avait renoncé à tout, notamment à ses études «Qui dit je renonce à quoi que ce soit ?» avait-elle rétorqué.
L’intrigue n’est pas loin de la réalité, après la fugue, c’est le retour au domicile familial et la crainte des parents d’une nouvelle escapade. Diary ne donne dans son livre aucune explication plausible et cohérente des frayeurs causées aux siens «J’avais de pause, de ralentir» écrit-elle. Du moins cette expérience amoureuse de ce diplomate français, déguisé sous le prénom d’Adam, si elle a été parfois compliquée à gérer, ne serait peut-être pas terminée «Il faut tout reprendre à zéro, se réapprendre l’un l’autre, s’aimer de nouveau» écrit-elle. Cette fugue a fait grandir Diary, avec parfois, un élan poétique «L’hiver bientôt va s’enfuir. Bientôt l’éclosion de l’été. Et tout renaîtra à la vie. Et je pourrai en fin observer le monde et le trouver beau» écrit Diary SOW. Sans doute, une ambition littéraire qui promet d’autres romans.
Références bibliographiques
SOW (Diary), Sous le visage d’un ange, Paris, L’Harmattan, 2020, 314 pages, au prix de 26 euros ;
SOW (Diary), Je pars, Paris, Robert Laffont, 2021, 208 pages, au prix de 16 €.
Paris, le 14 novembre 2021, par Amadou Bal BA – http://baamadou.over-blog.fr/