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De nouvelles vidéos de migrants torturés en Libye publiées sur les réseaux sociaux

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Sur des vidéos relayées par le compte Twitter « Refugees in Libya », trois hommes et deux femmes sont violemment battus par des trafiquants d’êtres humains. Les victimes, qui seraient détenues dans la ville de Bani Walid, à environ 200 km de Tripoli, supplient qu’on leur vienne en aide. Ces images apportent une nouvelle preuve des exactions subies par les migrants en Libye.

Attention, les images publiées dans cet article peuvent heurter la sensibilité des lecteurs.

Ils s’appellent Aaron Tadesse, Deacon Nftalem, Lewam Addis Beyene, ou encore Adam Mehamed. Ils sont détenus depuis au moins trois semaines dans des conditions insoutenables dans des prisons secrètes en Libye, gérées par des milices – des prisons non officielles, différentes de celles gérées par le Département libyen de lutte contre la migration illégale (DCIM), qui dépend du ministère de l’intérieur.

Dans des vidéos diffusées par le compte X (ex-Twitter) « Refugees in Libya » ces jeunes gens sont torturés et affamés par des trafiquants d’êtres humains. les scènes se dérouleraient à Bani Walid, à environ 200 km au sud de Tripoli.

Deux vidéos montrent des femmes : Lewam Addis Beyene et Mercy Zeru Debas. Ces migrantes érythréennes sont violemment frappées dans le dos par des hommes armés de bâton – et sont couvertes d’hématomes.

« Ces images ont été tournées le 2 novembre 2023 », affirme à InfoMigrants David Yambio, l’administrateur du compte « Refugees in Libya », qui demande au gouvernement libyen et à la Commission européenne d’intervenir pour mettre fin à ces mauvais traitements.

 

Deux autres posts publiées sur X montrent un homme éthiopien, Kibrom Gebremariam, et un jeune garçon, Adam Mehamed, un mineur de 16 ans, hurlant sous les coups de fouets de leurs geôliers. « La vidéo avec le jeune a été tourné le 29 octobre », explique encore David Yambio. Ses tortionnaires lui réclament 12 000 dollars (environ 11 000 euros).

Sur une dernière vidéo, un jeune homme érythréen au corps amaigri, une croix autour du cou et les mains attachées, Deacon Nftalem, supplie, la voix terrorisée, qu’on lui vienne en aide. « Je suis en Libye depuis quatre mois, et je n’ai personne pour m’aider », dit-il en tigrinya sur les images. Les trafiquants lui réclament 7 500 dollars (environ 7 000 euros). Enfin des photos d’un homme avec des blessures sanguinolentes assis le dos courbé sont aussi visibles.

« Les vidéos nous ont été envoyées par les trafiquants eux-mêmes », signale David Yambio. « Ils utilisent les numéros des victimes et nous contactent sur notre hotline Whatsapp. Jusqu’à présent, nous avons pu parler à six personnes [via cette hotline] sur les 17 que nous avons vues lors de ces appels vidéo », précise-t-il. La ligne d’assistance téléphonique dont parle David Yambio a été lancée en octobre 2021 par « Refugees in Libya » pour les migrants coincés en Libye, elle fonctionne 7 jours sur 7, et 24h/24.

« Les trafiquants nous ont contactés sur notre WhatsApp et filmaient les tortures »

« Les trafiquants n’utilisent pas leur téléphone, ils prennent ceux des migrants, et nous appellent », continue David Yambio. Ce qui les rend intraçables. Ils réclament des rançons contre leur libération, une pratique largement répandue en Libye. « Ils ont compris que leurs prisonniers n’avaient pas de familles vers qui se tourner pour les aider. C’est comme ça que nous avons reçu les premières vidéos. Ils nous appellent et filment les séances de tortures ».

La ville de Bani Walid est tristement célèbre pour être l’une des terribles étapes sur la route des migrants. En 2017, un Camerounais prénommé Issa expliquait déjà à InfoMigrants qu’il fallait « prier Dieu pour de pas être vendu dans un ghetto de Bani Walid« . En janvier 2020, Ibrahim, un Sénégalais, racontait que « Bani Walid [était] le pire endroit sur terre ».

David Yambio, lui-même réfugié soudanais en Italie après plusieurs années en Libye, rappelle inlassablement sur les réseaux sociaux que les conditions de vie dans ces geôles de Bani Walid sont insupportables.

« Les exilés que vous voyez sont tous enfermés dans une seule pièce. Ils doivent faire leurs besoins dans une bouteille », détaille-t-il. « Sur les vidéos que nous recevons, nous devinons qu’il y a plusieurs pièces dans la prison où ils sont enfermés. Mais nous sommes incapables de dire combien ».

Des exactions documentées par les médias

En Libye, les exactions envers les exilés sont monnaie courante. Dans ce pays en proie au chaos depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, les groupes armés n’hésitent pas à kidnapper des migrants en pleine rue, sur la route de l’exil ou dans leur appartement, à filmer les tortures qu’ils leur infligent dans le but d’extorquer de l’argent à leurs proches. Il n’est pas rare non plus que des gardiens des centres de détention officiels revendent eux-mêmes des migrants à des trafiquants.

Ce n’est pas la première fois que les médias – dont InfoMigrants – documentent ces graves abus. En septembre 2022, la rédaction s’était procurée les images d’un adolescent soudanais torturé en Libye par ses bourreaux réclamant là aussi une rançon. L’enlèvement et les tortures avaient eu lieu dans l’ouest de la Libye.

« L’argent… où est l’argent ? », répète à plusieurs reprises le tortionnaire. « Tu n’as pas d’argent ? Je ne te crois pas… Donne-moi 5 000 [dinars libyens, soit environ 1 000 euros, ndlr] et tu pourras sortir d’ici », insiste-t-il tout en frappant avec un bâton et son arme le migrant à terre. L’homme fait mine de réarmer son fusil et lance : « La prochaine sera dans ta tête ».

Des tortionnaires arrêtés

La justice tente de mettre fin à l’impunité de ces tortionnaire et de les intercepter. En janvier 2023, un Erythréen, Kidane Zekarias Habtemariam, avait été arrêté au Soudan par la police des Émirats arabes unis. L’homme était connu pour être le trafiquant d’êtres humains « le plus recherché au monde ». Il était à la tête d’un réseau criminel ayant kidnappé et escroqué des centaines de migrants d’Afrique de l’Est désirant se rendre en Europe, et qui transitaient en Libye. Il est également soupçonné d’avoir tué certains d’entre eux.

L’Érythréen est par ailleurs complice d’un autre trafiquant majeur, Tewelde Goitom, extradé en octobre dernier aux Pays-Bas, qui a dirigé le centre offficiel de Bani Walid, en Libye. Surnommé « Walid », Tewelde Goitom a été condamné à 18 ans de réclusion en mai 2021, en Éthiopie.

Malgré les preuves de plus en plus nombreuses des cas de maltraitance envers des migrants en Libye, l’Union européenne n’a pas cessé son aide financière au pays. Depuis 2017, l’Italie, avec le soutien de Bruxelles, forme les garde-côtes libyens et leur fournit des équipements, afin d’intercepter en Méditerranée un maximum de migrants désireux de rejoindre le Vieux continuent. Au total, en quatre ans, 32,6 millions d’euros ont été alloués à Tripoli, d’après l’ONG Oxfam.

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