DERNIERES INFOS
S'informer devient un réel plaisir

«Danielle GOUZE-MITTERRAND (1924-2011), une authentique socialiste, une Femme rebelle, souveraine et d’exception, une caution morale pour François MITTERRAND» par Amadou Bal BA –

0

Dans le cadre de la commémoration, tout au long de cette année 2021, des 40 ans de la victoire de François MITTERRAND, du 10 mai 1981, il est impensable de ne pas évoquer la place exceptionnelle de Mme Danielle MITTERRAND. En effet, derrière chaque grand homme se cache une Femme exceptionnelle. François MITTERRAND qui venait d’un milieu conservateur, a eu la grande intelligence, de trouver des cautions morales, pour son virage à gauche. «Une femme toujours en avance de deux pas sur notre temps» écrit Jean LACOUTURE.

Danielle MITTERRAND a été un soutien inébranlable à l’ambition politique de François MITTERRAND, courageuse toujours, en dépit des blessures du cœur. Solide dans ses convictions humanistes, elle dira «Au fil des jours, dans l’existence de chaque individu, se tisse la certitude que son sort n’est pas indépendant de celui de ses contemporains. Que ce qui le concerne nous concerne tous». En effet, le rôle joué par Danielle MITTERRAND dans cette virage a été particulièrement déterminant. En effet, Femme de caractère, Danielle MITTERRAND n’a pas été seulement que l’épouse du président de la République François MITTERRAND. Personne de convictions marquées à gauche, et ne renonçant jamais à ce qu’elle croît, par sa détermination et sa fermeté, a réussi à encrer, durablement et définitivement, François MITTERRAND à gauche. «Chemin faisant, je m’interroge sur la capacité des pouvoirs et des hommes de décision à mettre en œuvre une construction pacifique du monde. Ils en parlent tous en toutes occasions mais se résoudre à toucher aux causes de l’injustice, origine des révoltes et des insurrections, ne leur vient pas à l’esprit» écrit Danielle MITTERRAND, une socialiste authentique.

Je préfère cette trajectoire de MITTERRAND, l’Homme politique qui a corrigé certaines errances en allant vers le Bien souverain. «C’est toujours le bon moment de faire ce qui est juste» disait en substance Martin Luther KING (1929-1968). Le maréchal Philippe PETAIN (1856-1951), grand héros de la Première guerre mondiale, avait fait lors de la Seconde guerre mondiale, le chemin inverse ; il a fini ses jours dans la honte et le déshonneur. De nos jours, cette lepénisation croissante la vie politique d’une partie des partisans de la République est un signe inquiétant pour l’avenir de ceux qui se vautrent dans le mensonge et l’instrumentalisation de la haine. «Quand on crache en l’air, ça vous retombe sur le nez» dit un dicton.

Femme de tête, révoltée permanente, généreuse, engagée et souveraine, Danielle MITTERRAND aura vécu plusieurs vies. Danielle GOUZE, fille d’instituteurs radicaux-socialistes, a été élevée dans le culte de la patrie et de l’héroïsme. Résistante à quinze ans, elle s’emploie à sauver les blessés et rencontre nombre de figures illustres. «Mon engagement à gauche, je le tiens de mes ancêtres. J’ai été élevée dans une famille profondément laïque et de gauche. Une famille formidable. Des vignerons bourguignons du côté de ma grand-mère paternelle, des commerçants du côté de mon grand-père paternel. La famille de ma mère était dans les transports et mes parents étaient instituteurs. Si je n’avais pas rencontré François, je serais devenue institutrice à mon tour. C’est grâce à eux que j’ai fait le choix d’une société où c’est l’homme qui est au cœur des préoccupations et non pas l’argent» dit Danielle MITTERRAND.

Née le 29 octobre 1924 à Verdun (Meuse), sous le nom de GOUZE, Mme Danielle MITTERRAND grandit dans une famille cultivée et modeste, auprès de ses parents tous deux employés à l’Éducation nationale. La jeune résistante «aux admirables yeux de chat», l’amie de Berty ALBRECHT (1893-1943), une résistante, est la fille d’Antoine GOUZE (1885-1958), un enseignant qui se distingue déjà en 1940 par son refus de recenser les élèves juifs de son collège. Sa mère est Renée FLACHOT (1890-1971) est une institutrice laïque. «Tout à coup ma mère sembla vouloir s’échapper en courant. Mon père la retint par le bras. Elle se débattait, elle courut comme une folle vers le pont. […] Trop malheureuse elle voulait mourir. […] Il aurait suffi qu’un geste désespéré aboutisse. Comme elle devait souffrir cette jeune femme enceinte de moi, trahie par l’homme qu’elle aimait» écrit Danielle MITTERRAND dans «Le livre de ma mémoire».

Résistants de la première heure la famille de Danielle GOUZE héberge clandestinement des résistants durant la guerre. Danielle n’a que 17 ans lorsqu’elle s’engage dans la Résistance, aux côtés de sa sœur Christine GOUZE-RAYNAL (1914-2002), productrice de films et épouse de Roger HANIN. C’est au sein de son réseau qu’elle rencontre François MITTERRAND sous le nom de code «Morland». Danielle est chargée d’aider ce camarade à fuir, et pour ce faire, feint d’être éprise de lui à bord du train dans lequel ils voyagent.

Les deux faux fiancés se prennent à leur jeu et tombent amoureux : «1939-1940 : c’est la drôle de guerre. J’ai quatorze ans. Ma poitrine bat la chamade : «Et je serai à Huez. Heureux si vous le voulez, malheureux s’il vous plaît» Le cœur chaviré, je lis et relis ce message. En cette année-là le monde gronde et vacille. Et moi, j’étais cette jeune fille en fleur et je croyais être amoureuse !» écrit Danielle MITTERRAND. Ils se marient le 28 octobre 1944. Quand la paix sera retrouvée, François MITTERRAND s’engage dans la vie politique en devenant député, conseiller général, puis ministre des anciens combattants. Soutenant la vie politique de son époux, Danielle Mitterrand s’affiche comme une épouse dévouée, simple et proche du peuple, durant les campagnes présidentielles. En raison de la double vie de François MITTERRAND, avec Anne PINGEOT, qui lui a donné une fille, Mazarine, le couple acceptera que Danielle ait un amant, un certain Jean, connu et intégré à la famille.

Quand François MITTERRAND deviendra président de la République, Mme Danielle MITTERRAND refusera ce rôle symbolique et décoratif de «Première dame de France» et préférera le terme «d’épouse du Président de la République». Indépendante et femme de conviction, Mme MITTERRAND n’a jamais renié ses idées. Mme Danielle MITTERRAND, une vraie première dame de l’ombre et capable d’aller vers la lumière au nom de ses convictions quitte à bousculer l’ordre souverain de son mari. «Danielle Mitterrand n’a semble-t-il jamais collé à l’image de ce que doit être « une Première dame de France ». À savoir une femme plus que discrète, dénuée d’opinion, et de caractère — une sourde et muette assez jolie, mais pas trop, serait l’idéal. Les chats ne faisant toujours pas de chiens, Danielle Mitterrand, née Gouze, a hérité du caractère de son père, instituteur radical-socialiste, de surcroît franc-maçon, un rien intransigeant, qui lui a inculqué une admiration totale pour les héros et le sens du courage. Elle est entêtée, Danielle, absolue» écrit François XENAKIS, une de ses biographes.

Dans son livre, «La levure du pain», dans les années trente, en Bretagne, encore jeune, Danielle GOUZE découvre sa conscience et l’intolérance adulte. Elle a eu son tableau d’honneur, mais pas les framboises acidulées qui, rituellement, l’accompagnent. Elle sait pourtant qu’elle a bien travaillé, que ces bonbons, elle les mérite. Alors, pourquoi ? Il lui faudra quelque temps pour comprendre qu’à travers elle, la directrice «punissait» son père, ardent démocrate et libre penseur. L’exclusion, l’injustice, Danielle MITTERRAND n’acceptera jamais de s’en accommoder. Danielle MITTERRAND est en permanence animée par un désir intact d’équité. Ne pas baisser les bras devant des causes réputées perdues. Ne pas éluder la responsabilité élémentaire de restaurer l’homme, d’où qu’il soit, dans sa liberté et dans sa dignité. «Il faudra bien qu’un jour j’aie le courage d’aller encore plus loin dans mes réflexions, que j’aborde le véritable devoir d’ingérence humanitaire, donc politique, et que j’oublie les frontières diplomatiques» dit-elle. La tâche n’est pas simple, et le constat souvent douloureux. «Certains diront que je suis entêtée, mais comment ne pas l’être quand on croit à la cause que l’on défend» dit Danielle MITTERRAND. Mais si l’on n’a pas le pouvoir de donner le pain, il faut continuer d’en être la levure. Aussi, à travers son association «France Libertés», créée en 1986, Danielle MITTERRAND a tenu rester dans l’arène social et politique, par une posture très à gauche, en recevant même Fidèle CASTRO, en faisant libérer des prisonniers politiques, en lançant des appels pour la fin de l’Apartheid. «J’ai fondé France Libertés en 1986. J’ai eu envie de continuer à défendre les causes qui me tenaient à cœur : les droits de l’homme, l’éducation, l’économie solidaire. Ce n’est pas parce que j’étais Première Dame que j’allais cesser de respirer et d’agir !» dit-elle. Depuis le Var jusqu’au Brésil, «La liberté se conquiert» aimait à dire Danielle MITTERRAND. «Ce livre est le reflet d’une volonté d’écrire et de raconter, en toutes libertés certes, mais aussi en toute conscience. Sans trop déborder sur ma vie privée ni juger les hommes en dehors de leurs actes. Certes, mes coups de boutoir sont nombreux, percutants et sans concession, mais ils viennent du coeur, s’adressant autant à ceux que j’aime qu’à ceux qui me détestent» précise-telle, dans son livre «en toutes libertés».

Disparue le 22 novembre 2011, Mme Danielle MITTERRAND avait donné naissance à trois enfants, Pascal est mort prématurément en 1945, Jean-Christophe, né le 19 décembre 1946 et Gilbert, né le 4 février 1949. «J’ai eu une vie bien remplie. Je n’ai pas eu le temps de m’ennuyer. Une vie avec de grandes joies. Avec de grandes souffrances aussi. Mais je n’ai aucun regret. J’assume tous mes choix. J’ai mes convictions et je m’y tiens» disait-elle.

Indications bibliographiques

1 – Contributions de Danielle Mitterrand

MITTERRAND (Danielle), Ces hommes sont avant tout nos frères, Paris, EAN, Pockett, 1997, 140 pages ;

MITTERRAND (Danielle), En toutes libertés, Paris, EAN, 1996, 351 pages ;

MITTERRAND (Danielle), La levure du pain, Paris, J-C Gasewitch, 1992, 207 pages ;

MITTERRAND (Danielle), Le livre de ma mémoire, Paris, J-C Gawsevitch, 2007, 518 pages ;

MITTERRAND (Danielle), Le printemps des insoumis, Paris, Ramsay, 1998, 305 pages ;

MITTERRAND (Danielle), Mot à mot, Paris, Cherche Midi, 2011, 188 pages ;

2 – Critiques de Danielle Mitterrand

PICAR (Michel), MONTAGARD (Julie), BASILE (Anne), Danielle Mitterrand, portrait, Paris, Ramsay, 1982, 234 pages ;

SAUVARD (Jocelyne), Les trois vies de Danielle Mitterrand, Paris, L’Archipel, 2012, 221 pages ;

XENAKIS (Françoise), Danielle Mitterrand, une fille qui voulait être Antigone, Paris, Ramsay, 2006, 454 pages.

Paris le 6 mai 2021 par Amadou Bal BA – http://baamadou.over-blog.fr/

laissez un commentaire