«Contre l’aveuglement des faucons extrémistes. Pour la Paix, la Fraternité, le Bien-vivre ensemble entre Israéliens et Palestiniens» par Amadou Bal BA –
Ma conviction profonde est que seul un accord de paix juste et équitable pourra garantir la sécurité aussi bien pour les Palestiniens que les Israéliens. Dans un grand aveuglement, depuis 1948, chaque camp reproche à l’autre la barbarie et le terrorisme. Et pourtant, les larmes, le sang et les morts n’ont rien résolu depuis lors. En effet, depuis 75 ans, la situation dans cette partie du monde, avec sa rhétorique guerrière permanente, est la plus sérieuse et la plus durable menace pour la paix, avec des conséquences néfastes dans d’autres pays, par des actions violentes.
On n’entend que les faucons, toujours assoiffés de sang, dans une démarche victimaire et hautement conflictuelle, réclamant sans cesse un soutien exclusif et inconditionnel, sans aucun examen de conscience. Chaque camp diabolise l’autre en le qualifiant de «terroriste» afin de pouvoir justifier la poursuite de cette logique meurtrière. Curieusement, l’Arabie Saoudite et le Qatar, rangés dans le camp occidental, qui financent massivement le fondamentalisme musulman, ne sont pas considérés comme des pays «terroristes». L’Iran et la Syrie sont « les bêtes noires ». Entre «barbares» et «civilisés», la fin justifie les moyens : «Le fanatisme n’est pas l’apanage d’al-Qaida, de Daech, du Front al-Nosra, du Hamas, du Hezbollah, des néonazis, des antisémites, des partisans de la «suprématie blanche», des islamophobes, du Ku Klux Klan, des «voyous des collines», israéliens et autres adeptes de l’effusion de sang pour imposer leurs croyances. Ces fanatiques et consorts nous sont familiers. Ils sont visibles. On les voit chaque jour à la télévision, l’invective à la bouche, brandissant le poing devant les caméras en scandant des slogans tonitruants. Combattre les extrémistes ne veut pas dire les anéantir tous, mais plutôt contrôler le petit fanatique qui se cache en nous. En effet, le germe visible, ou latent, du fanatisme se cache souvent derrière diverses manifestations de dogmatisme intransigeant, d’insensibilité, voire d’hostilité envers des positions que l’on juge inacceptables. L’une des principales caractéristiques du fanatique est sa propension à vous modeler à son image. Il veut vous convertir sur-le-champ, vous persuader de quitter votre monde et d’adopter le sien» écrit Amos OZ, dans «Chers fanatiques». «La guerre n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens. La guerre est soumise à la politique ; elle n’est pas un phénomène autonome» disait Carl Von CLAUSEWITZ (1780-1831). Par conséquent, le rôle d’un dirigeant politique n’est pas en permanence de faire vivre sa population en insécurité et en guerre, mais de rechercher son bien-être. «La haine aveugle gomme les différences entre les deux camps antagonistes», écrit Amos OZ.
Dans cette guerre, sans fin, les voix des faucons, avec leurs cris de guerre et de haine, «C’est eux ou nous», ont couvert le roucoulement des colombes de la Paix. Ainsi, peu de gens parlent de Mahmoud ABBAS, le chef de l’Autorité palestinienne, un modéré, et maintenant, débordé par les extrémistes du Hamas. Or, les colombes de la paix, l’Israélien, Menahem BEGIN (1913-1983) et l’égyptien, Anouar EL-SADATE (1918-1981) ont été assassinées, crucifiées, par des extrémistes de leur propre pays. En Israël, le Bloc de la paix ou «Gush Shalom» en hébreu, une organisation pacifiste israélienne fondée en 1993 par Uri AVNERY (1923-2018), milite pour la reconnaissance et l’autonomie d’Israël et de la Palestine, en vue de la paix. Par ailleurs, le mouvement, «La Paix maintenant» en hébreu «Chalom Akhshav», fondé en 1978 par Amos OZ (1939-2018), romancier et Amir PERETZ, ancien ministre de la défense, un Juif d’origine marocaine, et collaboration avec 300 officiers de réserve de l’armée israélienne, tout en se réclamant du sionisme, a pour objectif de convaincre l’opinion publique et le gouvernement israélien qu’il est possible et nécessaire d’aboutir par la négociation, d’abord, à «une paix juste et durable fondée sur le principe de deux peuples, deux États, une réconciliation entre Israël et le future État Palestinien et les autres pays arabes voisins».
La solution, à deux Etats voisins, Israël et la Palestine vivant en paix est la seule viable. C’est «la seule solution, selon nous [La France], qui permettra d’assurer durablement que les deux peuples vivent en paix et en sécurité», a déclaré Catherine COLONA, Ministre des affaires étrangères de la France. «Faisons en sorte qu’émerge une Autorité palestinienne qui soit représentative et capable de mener des négociations. De ce point de vue là, Israël a une responsabilité, car il a tout fait pour diviser. En effet, avoir un Etat constitué à côté de soi vaut mieux que d’avoir un pullulement d’organisations terroristes, un chaudron mortifère qui vous menace à chaque instant», dit M. Dominique de VILLEPIN, ancien Ministre des affaires.
Peu de gens se souviennent aussi que deux millions d’Arabes musulmans cohabitent harmonieusement avec les Israéliens et que la Turquie musulmane de ERDOGAN qui fournit l’eau à Israël. Précisons aussi qu’Israël a déjà signé un accord de paix avec l’Egypte, et reste en négociation avec l’Arabie Saoudite. Par conséquent, une paix juste et durable, une démarche sans doute exigeante et courageuse, est le chemin qui vaille et le seul à nature à garantir. La diplomatie doit parler. Peut-être que je suis naïf, on fait la paix, non pas avec ses amis, mais avec ses ennemis notamment ses voisins. Ainsi, jadis, la France après la guerre de Cent Ans, au cours de laquelle toute son aristocratie a été décimée par les Anglais, a eu quand même la clairvoyance de conclure l’Entente cordiale qui dure toujours. La France, humiliée en 1870 à Sedan, aux première et deuxième guerres mondiales, les plus grandes boucheries de l’histoire de l’humanité, s’est pourtant réconciliée avec les Allemands. Ce couple franco-allemand, à la base de la construction européenne, est à l’origine de plus de 70 ans de paix et de prospérité en Europe. Ailleurs, Tutsi et Hutu après un grave génocide, Sud-Africains Blancs et Noirs, après l’Apartheid, vivent ensemble. Rien n’est insurmontable pour les hommes de bonne foi.
Il n’a échappé à personne que toutes les guerres locales ou coloniales, dans lesquelles les colonisés, qualifiés de «terroristes», ont été toutes perdues. L’Irgoun, parti révisionniste, fondé, en 1931, par Menahem BEGIN, comme la Haganah ou «Défense», fondée en 1920 par Vladimir JABOTNSKY (1880-940), étaient des organisations, luttant pour une patrie pour les Juifs, étaient considérées, comme «terroristes» par le colonisateur britannique. Charles de GAULLE, qui avait dit non à l’Occupation a été condamné à mort par contumace, et les résistants français, pendant la Seconde Guerre mondiale, considérés comme des «terroristes». Dans cette résurgence de la Guerre froide, et je souscris à ce que disait Hélène CARRERE-D’ENCAUSSE (Voir mon article), la Russie et l’Ukraine, comme la Turquie, auraient dû être admises au sein de l’Union européenne. Chaque jour, on annonce une imminente victoire de l’Ukraine, et chaque jour on déplore les morts et les blessés.
En dépit, peut-être du fait que je prêche dans le désert, Israéliens et les Palestiniens, ont un grand intérêt à une paix des braves, une paix négociée, sur des bases équitables. En effet, les différentes guerres engagées par chacune des parties n’ont nullement abouti à l’anéantissement de l’autre. On n’a donc rien appris de l’Histoire. En Palestine, Juifs et Musulmans ont longtemps vécu ensemble avec harmonie. Sous l’Empire ottoman, de 1516 à 1917, les deux communautés vivent pacifiquement à l’intérieur du cadre défini par la Charia. La période du mandat britannique (1918-1948) transforme les relations entre les deux communautés et sème les germes du conflit meurtrier qui déchire le pays à la suite de la résolution du 29 novembre 1947 des Nations unies sur le partage de la Palestine entre les Arabes et les Juifs. Depuis, les deux peuples ne cessent de s’affronter dans un conflit qui apparaît comme l’un des plus longs et le plus meurtrier de l’histoire contemporaine.
D’une part, les différentes guerres engagées par les Arabes contre Israël ont été toutes perdues et ont fait reculer la cause des Palestiniens. Ainsi, la Ligue arabe, refusant le partage de la Palestine, décidée par l’ONU en 1947, à la suite de la création d’Israël le 14 mai 1948, après 10 jours de guerre, a jeté l’éponge, avec 500 000 réfugiés palestiniens vers la Transjordanie, la Syrie et le Liban. Suivant Théodore HERZL (1860-904) le fondateur du mouvement sioniste, la Palestine, un ancien territoire de l’Empire ottoman, serait la «Terre Promise» pour les Juifs. Les Israéliens, entre le 15 octobre 1948 et juin 1949, ont colonisé le Néguev et la Galilée. En 1956, il y aura la guerre de Charm El-Cheikh, engagée par les Israéliens. La guerre du Kippour ou guerre du ramadan ou guerre d’octobre ou guerre israélo-arabe de 1973 opposa, du 6 au 24 octobre 1973, Israël à une coalition militaire arabe menée par l’Égypte et la Syrie. Différents attentats ou détournements d’avions dans les années 70 avaient marqué les esprits, notamment l’attentat de Munich, du 5 au 6 septembre 1972, onze athlètes israéliens ont été tués par une organisation palestinienne, «Septembre Noir». Au cœur du regain de la tension, se trouve une attaque du Hamas, en date du 7 octobre 2023, ayant plus de 1200 morts et une prise d’otages de plus de 200 personnes.
D’autre part, Israël, en violation des résolutions des Nations unies, prévoyant trois zones : Israélienne, palestinienne et internationale : Jérusalem, ne cesse de réduire la partie occupée par les Palestiniens, de nouvelles implantations, un mur étanche en 2002 et des conquêtes de nouveaux territoires. La guerre des Six Jours du 5 au 10 juin 1967 a opposé Israël, à l’Egypte, la Jordanie et la Syrie, et s’est soldée par la perte, pour l’Égypte de la bande de Gaz, et de la péninsule du Sinaï, la Syrie le Plateau du Golan et la Cisjordanie, Jérusalem-Est. Du 16 au 18 septembre 1982, les Palestiniens du Liban ont été confrontés aux horreurs des massacres de Sabra et Chatila, à Beyrouth, par la milice fasciste libanaise phalangiste, avec la complicité d’Ariel SHARON (1928-2014). Israël en réplique, à l’attaque du Hamas, d’octobre 2023, a bombardé Gaza (3500 morts, dont un hôpital) et plus de 3 millions de déplacés bloqués à la frontière égyptienne, sans secours. Israël a massé ses troupes et une attaque serait imminente sur Gaza ; ce qui fait craindre des débordements, un nouveau bain de sang, un Chabra et Chatila bis, et donc un regain de tension dans le monde. Les déplacés palestiniens manquent de vivre et de médicaments. Un vrai désastre humanitaire, en violation des lois de la guerre. «Il y a aussi une exigence de responsabilité que nous devons porter à la tête de la communauté internationale. Nous (La France) sommes peut-être l’un des pays qui a la plus forte expérience de ces situations de guerre, de crise, du terrorisme. Nous avons donc une expérience à partager et nous devons être imaginatifs, nous devons trouver des solutions en termes humanitaires», dit M. Dominique de VILLEPIN, ancien ministre des affaires étrangères. Aux Etats-Unis, le 18 octobre 2023, des Juifs progressistes ont réclamé un cessez-le-feu «Jews say, ceasefire, Now !».
La rencontre en 1993, entre Yasser ARAFAT (1929-2004) et Yitzhak RABIN (1922-1995) n’avait rien donné. Face à la montée des périls, le Qatar, qui abrite des dignitaires du Hamas, et d’autres fondamentalistes de l’Afghanistan ou les Frères musulmans, a entrepris des médiations. Plus que jamais, la Paix, la Fraternité, la Justice et le Bien-vivre ensemble, dans le respect mutuel, sont au cœur de nos préoccupations.
Aussi bien Israël que la Palestine ont un grand intérêt à une paix négociée. Israël, en raison de son savoir-faire, notamment dans les domaines de l’agriculture, du business, du renseignement et de la défense, aurait tout le monde arabe et africain, comme partenaires. Les Palestiniens, 5 millions d’habitants, sortiraient du territoire minuscule dans lequel ils sont enfermés, certains travaillaient en Israël, et pourraient mieux circuler à travers le monde entier. «Qui sont les bons ? Qui sont les méchants du film ? Pendant la guerre du Vietnam, c’était facile. Le peuple vietnamien était la victime, les Américains du mauvais côté. Avec l’Apartheid, pareil : l’Apartheid était un crime. Mais lorsqu’il s’agit du conflit israélo-palestinien, les choses se compliquent. Je ne résoudrais rien en désignant d’un côté les anges, de l’autre les démons. Ce n’est pas une lutte entre le Bien et le Mal. Mais plutôt une tragédie au sens ancien, un conflit entre deux causes justes. Les Palestiniens sont en Palestine, parce que la Palestine est la patrie, et la seule patrie, du peuple palestinien. Les Juifs sont en Israël, parce qu’il n’y a aucun autre pays au monde que les Juifs, en tant que peuple, peuvent appeler leur patrie. Les Palestiniens veulent le pays qu’ils appellent la Palestine. Les Israéliens veulent exactement le même pays, pour exactement les mêmes raisons. Cela donne lieu à une tragédie. Le mot compromis a mauvaise réputation. Pour moi, le mot compromis signifie la vie. Le contraire du compromis, pour moi, signifie le fanatisme et la mort. Un compromis signifie que le peuple palestinien, pas plus que le peuple juif israélien, ne sera écrasé et humilié» écrit Amos OZ dans «Aidez-nous à divorcer ! Israël-Palestine, deux Etats maintenant». Juif laïque de gauche, Amos OZ tout en faisant l’éloge du sionisme, reconnaît aussi le droit des Palestiniens, depuis l’Empire ottoman, à vivre dans leur propre pays.
Je partage pleinement le point de vue de l’écrivain et humaniste israélien, Amos OZ, qui est de bon sens. En effet, faire croire que seul le choix des armes, des colons ou du Hamas, peut assurer la sécurité de tous, est la plus grande escroquerie de notre temps. Depuis 75 ans, aucun camp n’a réussi à détruire l’autre. L’histoire montre que Juifs et Arabes vivent ensemble de très longue date. En 622, l’année de l’Hégire, le Prophète Mahomet, fondateur de l’lslam (Voir mon article, Médiapart, 27 décembre 2020), est allé se réfugier à Médine, une importante communauté juive. L’Islam a été fortement influencé par la religion juive (Jeun, interdiction de manger du porc, originellement, les Musulmans, pour la Qibla, se tournaient vers Jérusalem, pour faire la prière). Il faut signaler aussi que d’importantes communautés juives vivent, notamment, au Maroc, en Tunisie et en Algérie. En particulier, en Israël, une population de 9,6 millions habitants, il y a encore 2 millions de Musulmans arabes (21%), de nationalité israélite. Jadis, sous la domination ottomane depuis l’an 1548, Arabes et Juifs avaient vécu ensemble jusqu’en 1918, soit plus de cinq siècles. Cette cohabitation a continué sous le mandat britannique de 1918 à 1948, la Turquie, rangée du côté de l’Allemagne nazie, a perdu la Palestine. Et même en dépit de la guerre entre Juifs et Arabes, les colons Juifs emploient des travailleurs palestiniens, qui traversent les lignes du front, parfois au péril de leur vie. Dans mon XIXème arrondissement, Musulmans, Juifs, croyants, non-croyants, LGBT, nous vivons tous, dans nos diversités en pleine harmonie. Pourquoi c’est possible ici, mais ne l’est pas ailleurs ?
Indications bibliographiques
BENDELAC (Jacques), Israël-Palestine : demain deux Etats partenaires ?, Paris, Arman Colin, 2012, 272 pages ;
CHOMSKY (Noam), PAPPE (Ilan), Palestine, Paris, Ecosociété, 2016, 184 pages ;
COHEN (Amnon), Juifs et Musulmans en Palestine et en Israël, Paris, Tallandier, 2016, 256 pages ;
GRESH (Alain), Israël-Palestine, vérité sur un conflit, Paris, Fayard, 2001, 200 pages ;
LATTE-ABDALLAH (Noam), PARIZOT (Cédric), Israël/Palestine : L’illusion de la séparation, Paris, Presses universitaires de Provence, 314 pages ;
OZ (Amos), Aidez-nous à divorcer ! : Israël-Palestine, deux Etats maintenant, Paris, Gallimard, 2003, 39 pages ;
OZ (Amos), Chers fanatiques. Trois réflexions, traduction de Sylvie Cohen, Paris, Gallimard, 2018, 128 pages ;
OZ (Amos), Comment guérir un fanatique ?, traduction de Sylvie Cohen, Paris, Gallimard, 2006, 77 pages ;
OZ (Amos), Israël-Palestine, and Peace, San Diego, New York, Londres, Harcourt Brace, 1994, 150 pages ;
SANBAR (Elias), La Palestine expliquée à tout le monde, Paris, Seuil, 2013, 112 pages ;
SIEFFERT (Denis), Israël-Palestine, une passion française, Paris, La Découverte, 2014, 276 pages.
Paris, le 19 septembre 2023, par Amadou Bal BA – http://baamadou.over-blog.fr/