DERNIERES INFOS
S'informer devient un réel plaisir

«Cicely TYSON (1924-2021) une brillante et longue carrière, et un modèle pour les actrices noires américaines» par Amadou Bal BA –

0

“In the mind of many, Cicely Tyson is the embodiement of black womanhood. A naturalluy gifted. Tyson is often given credit for inspiring Black American Women to embrace African standard of beauty” écrit Emile M. BELDIER. Cicely TYSON a ouvert la voie pour toutes les générations d’artistes noires : «C’est très excitant de savoir que vous êtes, espérons-le, en train de tracer une voie à suivre pour quelqu’un d’autres»dit-elle. Cicely TYSON a reçu de nombreuses récompenses et distinctions dont deux Emmy. En 2016, le président Barack OBAMA lui a décernée la médaille de la Liberté : «Au cours de sa longue et extraordinaire carrière, Cicely Tyson n’a pas juste eu du succès comme actrice, elle a façonné le cours de l’Histoire» avait dit le premier président noir des Etats-Unis. En 2018, Cicely TYSON, est la première afro-américaine à recevoir un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière, et le symbole qu’elle représente pour les artistes noirs. Elle est «une Reine pour nous tous, les Afro-Américains», avait alors souligné l’acteur et réalisateur Tyler PERRY. «Je n’ai jamais vraiment travaillé pour de l’argent. J’ai travaillé parce qu’il y avait certains problèmes que j’aurais aimé aborder à propos de moi-même et de ma race en tant que femme noire» écrit Cicely TYSON dans ses mémoires. En effet, Cicely TYSON, dans ces combats futurs pour l’égalité réelle a planté une graine de l’espoir et de l’espérance. Cicely TYSON est une leçon de vie. Son message est simple et puissant : «Apprenez qui vous êtes et votre valeur. Respectez-vous et respectez les autres !».

Actrice au cinéma et comédienne de théâtre, Cicely TYSON, pionnière avec sa longue et prolifique carrière de plus de 70 ans, est reconnue comme tous comme très talentueuse : «Tout comme Je Suis est ma vérité. C’est moi, clair et sans vernis, avec les paillettes et la guirlande mis de côté. Ici, je suis en effet Cicely, l’actrice qui a eu la chance de décorer la scène et l’écran pendant six décennies. Pourtant, je suis aussi la fille d’église qui parlait rarement un mot. Je suis l’adolescente qui a cherché du réconfort dans les vers du vieil hymne pour lequel ce livre est nommé. Je suis une fille et une mère, une sœur et une amie. Je suis une observatrice de la nature humaine et rêveuse de rêves audacieux. Je suis une femme qui a souffert autant que j’ai aimé, une enfant de Dieu divinement guidée par Sa main. Et ici, dans ma neuvième décennie, je suis une femme qui, depuis longtemps enfin, a quelque chose de significatif à dire» écrit-elle dans ses mémoires. En militante résolue de la cause des droits civiques, Cicely TYSON a pris la position que son art devait refléter les temps et propulser les Noirs vers l’avant. C’était sa mission de choisir des pièces avec l’intention de changer la façon dont les femmes noires étaient perçues, en reflétant notre dignité. Et c’est exactement ce qu’elle a fait. Cicely TYSON refusait tous les rôles au cinéma de prostituée ou de domestique. A l’époque des lois ségrégationnistes, l’actrice noire était assimilée à la vulgarité, au sexe, à la violence, à la danse ou à la musique, des préjugés que Cicely TYSON ne voudrait pas perpétuer. En effet, Cicely TYSON déclinait ces assignations et considérait qu’elle pouvait interpréter n’importe quel rôle «I know instantly when I should take a role. If my skin tingles as I read the script It is absolutely something I must do. But if my stomac churns, I do not touch the project. As an artist, I should be able to portray anyone” dit-elle sans ses mémoires “Just As I am”.

Cicely TYSON jouait souvent des personnages de femmes très fortes ou de dirigeants noirs dans la lutte pour les droits civiques. Ainsi, dans la fameuse série, «Roots» ou «Racines» d’Alex HALEY (1921-1992), Cicely TYSON incarne le personnage de Bineta, la mère de Kounta KINTé, (Joh Amos), Maya ANGELOU (1928-2014) est la grand-mère, Nyo Boto. La naissance de Kounta KINTé est célébrée, Gambie, avec un grand faste ; c’est un hommage à l’Afrique des animiste ou l’esprit des ancêtres. Capturé au cours d’une expédition en forêt, Kounta KINTé est embarqué, dans des conditions atroces, en bâteau, à destination, pour être réduit en esclavage. Alex HALEY, craignant des réactions négatives d’une partie de cette Amérique suprémaciste, avait décidé de faire diffuser toutes les séries de Racines en une seule semaine, du 23 au 30 janvier 1977, sur ABC. Mais le succès dépassa tous les espoirs. Cette série est un grand début dans la dénonciation des 400 années d’esclavage et une puissante regénération de l’esprit des droits civiques.

Cicely TYSON est née à Harlem, New York, le 19 décembre 1933, d’une fratrie de trois enfants. Ses parents, des immigrants de la Caraïbe arrivés aux Etats-Unis en 1919 et sont originaires d’une petite, l’île de Niévès (Nives en anglais), de 92 kilomètre carrés, non loin de Porto-Rico, une colonie britannique indépendante depuis 1983. Ils sont de conditions modestes, son père, William Augustine TYSON, étant ouvrier charpentier et peintre en bâtiment. Sa mère, Frederica Theodosia HUGGINS, une domestique très dévote, considérait que le fait d’aller au cinéma ou au théâtre. Mais Cicely, initialement, très timide, se passionnera pour le cinéma. Après ses études, elle exercera le métier de secrétaire à la Croix rouge. Très soigneuse de son look et prenant grand soin de ses cheveux, elle est recrutée comme top model par «Artois Studio Playhouse». Cicely n’était pas née pour rester longtemps secrétaire “I know that God didnot put me on the face of this earth to being on a typewriter for the rest of my life !” dit-elle.

Cicely TYSON suit des cours chez «Barbara Modeling School». Cicely fera, plusieurs fois, la couverture du magazine «Ebony».

Cicely commence par de petits rôles au cinéma, en 1956 dans «Dark of the Moon» et la fait la couverture de Vogue Harper’s Bazar. En 1959, elle joue dans une série télévisée «CBS Camera Three». En 1961, Jean GENET (1910-1986) la fait jouer, à Broadway, dans l’une de ses pièces de théâtre, «The Black» (Les Nègres), aux côtés de Maya ANGELOU. Dans cette pièce de théâtre, quand la Cour accuse les Nègres d’un crime, ces derniers deviennent comédiens et offrent pour leur jugement une belle tragédie grotesque. Les Nègres comédiens, possédés par une fureur carnavalesque, se réunissent cérémonieusement dans un lieu clandestin pour jouer à la tragédie classique devant la Cour juge. Ils répètent pour la énième fois Le Meurtre de la Blanche et inventent alors la mort, la vie et l’amour. Les Nègres jouent à paraître ce qu’ils sont déjà et à être ce qu’ils ne sont pas. Non loin, une révolte se prépare. Dans la préface des Nègres, publiée pour l’édition de la pléiade, Jean GENET explique : «Cette pièce est écrite non pour les Noirs, mais contre les Blancs». Jean GENET ne se met pas à la place des Noirs, mais s’efforce de mettre le spectateur blanc face àson propre racisme et les stéréotypes de la négritude sur lesquels il repose. Cette pièce, une solidarité envers tous les opprimés du monde, se joue en Amérique, dans les années 60, dans un contexte racialisé de lutte pour les droits civiques, contre la violence des suprémacistes blancs, le mythe du «Rêve américain » d’égalité ne s’applique, en fait, qu’à certains, et excluait les Noirs. C’est à cette occasion, Cicely TYSON se rase la tête, à une époque où la mode est aux cheveux lisses des femmes blanches ; aussi les femmes afro-américaines commencent à l’imiter.

En 1962, elle remporte le «Drama Desk Vernon Price» dans «Moon over a Rainbow Shawl». A partir de 1963, Cicely participe à différents shows télévisés, notamment avec George C SCOTT (1927-1999) et à la série «East Side/West Side», dans laquelle elle a un rôle de secrétaire ; ce qui donne une plus grande notoriété. Cicely collabore avec Sammy DAVIS Jr, en 1966, un opéra comique «The Guilding Light».

Le succès viendra en particulier, en 1972, pour son rôle de Rebecca Morgan, dans le drame, «Sounder» ; c’est une mère-courage, en Louisiane, dans un Sud rural et raciste, lors de la Grande dépression, assurant seule l’éducation de ses enfants. Parce que leur chien «Sounder» est vieux, David et son père, Nathan, ne ramènent rien de la chasse. Le père vole de la viande, et, est jeté en prison pendant un an. En 1974, Cicely TYSON est récompensée d’un Emmy de la meilleure actrice dans «Autobiography of Miss Jane Pittman», un téléfilm basé sur une nouvelle écrite en 1971 par Ernest J. GAINES relate, par le biais du personnage de Miss Jane, cent ans d’histoire américaine, de la guerre de Sécession à la lutte pour les droits civiques. Miss Jane raconte son «autobiographie» à la demande d’un jeune professeur d’histoire noir. Cependant, Ernest GAINS précise que l’ouvrage est bien une autobiographie fictive ; car il ne s’agit pas de dire une personne mais un peuple. Il précise souvent que Miss Jane est un composé de plusieurs personnes dont le récit lui-même est relayé par plusieurs protagonistes et s’élabore autour de leur témoignage. Par conséquent, dans ce film, Cicely TYSON joue le rôle de Miss Jane, une femme noire du Sud, née en esclavage dans les années 1850 et vivant pour devenir membre du mouvement des droits civiques dans les années 1960. En 1976, Cicely TYSON participe au film «La Couleur des sentiments» dans lequel trois femmes, que l’Apartheid social alors en vigueur oppose, se lancent le défi à la fois simple et fou, d’écrire ensemble un livre sur leurs conditions de vie. Une jeune blanche, Skeeter (Emma STONE), qui vient de terminer ses études de journalisme, rentre dans sa famille à Jackson (Missippi). La lutte pour les droits civiques vient de démarrer et le Ku Klux Klan fait encore sa loi dans le Sud. Skeeter a choisi de faire une enquête sur les conditions de vie des bonnes noires chargées à l’époque des enfants, de la cuisine et de l’entretien de la maison. Elle parvient à convaincre deux d’entre elles, la timide Aibileen (Viola DAVIS) et la rebelle Minny (Octavia SPENCER) de témoigner des brimades et des humiliations dont elles sont victimes au quotidien. Ce faisant elles prennent le risque d’être identifiées et chassées par leurs maîtres. Hostiles au départ, les autres domestiques du quartier les rejoignent, elles apportent des récits qui permettent la rédaction d’un livre-choc qui devient un best-seller. Au fur et à mesure qu’elle se rapproche de ces femmes, Skeeter est rejetée par ses amies d’enfance blanches accrochées à leurs privilèges et enfermées dans leurs vies de femmes au foyer oisives. Cicely TYSON joue le rôle de Constantine. C’est un puissant réquisitoire contre le racisme et l’esclavage. En effet, grâce à une solidarité blanche insidieuse, les employés noirs ne peuvent quitter un travail sans risquer de ne jamais en retrouver, n’ont aucun accès à l’emprunt, peuvent être accusés de vol sans preuve, sont fermement punis si vol il y a, et risquent d’être abattus par le Ku Klux Klan.

Cicely TYSON disparaît le 28 janvier 2021, à l’âge de 96 ans et l’hommage est planétaire. Cicely TYSON s’était mariée à deux reprises ; une première fois à 18 ans, le 27 décembre 1942, avec Keneth FRANKLIN, qui disparaît peu de temps après. Le divorce ne sera prononcé qu’en 1956. Cicely entretient, pendant de nombreuses années une liaison avec Miles DAVIS, un homme à femmes et drogué. Ils ne se marieront qu’en 1981 pour divorcer en 1988, mais entretiendront toujours une relation amicale.

Indications bibliograhiques

1 – Contributions de Cicely TYSON

TYSON (Cicely), BURFORD (Michelle), Just as I Am. A Memoir, préface Viola Davy, Harper Collins, 2021, 432 pages.

1- 1 Films
1957 : “Carib Gold» de Harold Young : Dottie
1959 : «Le Coup de l’escalier» (Odds Against Tomorrow) de Robert Wise : la barmaid du clubb de jazz
1959 : «La Colère du juste» (The Last Angry Man) de Daniel Mann : la fille à gauche sur le porche
1966 : “A Man Called Adam» de Leo Penn : Claudia Ferguson
1967 : «Les Comédiens» (The Comedians) de Peter Glenville : Marie-Thérèse
1968 : «Le Cœur est un chasseur solitaire»(The Heart Is a Lonely Hunter) de Robert Ellis Miller : Portia
1972 : “Sounder» de Martin Ritt : Rebecca Morgan
1976 : “The River Niger» de Krishna Shah : Mattie Williams
1976 : “L’Oiseau bleu» (The Blue Bird) de George Cukor : Tylette, le chat
1978 : “A Hero Ain’t Nothin’ But a Sandwich» de Ralph Nelson : Sweets
1979 : “Airport 80 Concorde » (The Concorde: Airport ’79) de David Lowell Rich : Elaine
1981 : “Bustin’ Loose” de Oz Scott et Michael Schultz : Vivian Perry
1991 : «Beignets de tomates vertes» (Fried Green Tomatoes) de Jon Avnet : Sipsey
1997 : «Les Seigneurs de Harlem» (Hoodlum) de Bill Duke : Stephanie St.Clair
2005 : “Winn-Dixie mon meilleur ami » (Because of Winn-Dixie) de Wayne Wang : Gloria
2005 : “Madéa, grand-mère justicière » (Diary of a Mad Black Woman) de Darren Grant : Myrtle
2006 : «Affaire de femmes» (Madea’s Family Reunion) de Tyler Perry : tante Myrtle
2006 : «Idlewild Gangsters Club» (Idlewild) de Bryan Barber : la mère de Hopkins
2007 : «À cœur ouvert» (Reign over me) de Mike Binder : Miriam
2011 : «La Couleur des sentiments» (The Help) de Tate Taylor : Constantine Jefferson
2012 : “Alex Cross» de Rob Cohen : Nana Mama
2013 : “The Haunting in Georgia» de Tom Elkins : Mama Kay
2017 : “La Dernière tournée» (Last Flag Flying) de Richard Linklater : Mrs. Hightower
2020 : “Rupture fatale» (A Fall from Grace) de Tyler Perry : Alice.

2- 1 Pièces de théâtre
Dark of the Moon, 1959
Talent, 1959
The Blacks, 1961
Moon on the Rainbow Shawl, 1962
Tiger, Tiger Burning Bright, 1962
The Blue Boy in Black, 1963
Carry me back to the Morning Heights, 1963.

2 – Autres interviews ou critiques

American Biographies, Connecticut Grohier, 2006, vol 9, 143 pages, spéc page 133 ;

BELDIER (Emile, M), Contemporary Black Biography, Detroit, Thomson Gale, 2005, vol 51, 281 pages, spéc pages 161-166 ;

NIQUET (Christopher Niquet), «L’allure de… Cicely Tyson et Miles Davis par Ron Galella, New York, 1968», Vanity Fair, avril 2017, n°45, pages 38-39 ;

TYSON (Cicely) “Interview”, Ebony, février 1981, pages 124-132, janvier 1979, page 27, mai 1974, page 38 ;

TYSON (Cicely) “Interview”, Jet, 12 septembre 1994, page 56.

Paris le 29 janvier 2021 par Amadou Bal BA – http://baamadou.over-blog.fr/

laissez un commentaire