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Rebelles contre les abîmes d’une tradition

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Dans la commune de  Dabaly le poids de  la tradition s’abat sans pitié sur les filles et hypothèques leur avenir.  Certaines refusent  cependant de se marier tôt. Elles comptent poursuivre leurs études, ambitionnent de devenir  médecin, militaire entre autres.

C’est une « Djolfo », une Wolof, (ethnie au Sénégal). Sileye  Ware  présente ainsi, sa fille  Penda. Chez les wolofs  les filles attendent d’être matures  pour se marier. Ce n’est pas le cas chez les Peuls.  Le père considère sa fille comme une rebelle qui se dresse contre les règles de sa société. Penda a juste  16 ans.  Sa beauté attire,  sa  taille  svelte et  séductrice ne  traduit point  état mineur.  Cette rébellion est mal vécue dans une localité où la tradition donne la primauté aux hommes. A Dabaly les femmes sont soumises, les enfants aussi. Pour Penda Ware, le respect  de ses parents ne signifie pas forcément de dire oui, à chaque fois. «  Il faut  savoir  dire  non avec respect » c’est  sa  philosophie. « Toutes mes petites sœurs se sont mariées malgré elles. Moi j’ai refusé. Mon ambition est de réussir dans les études », explique-t-elle d’emblée,  le  sourire  aux lèvres. Le teint noir, scarifiée, elle a tout d’une halpoular même si son père refuse de l’accepter comme telle. « L’année de ses  douze ans, alors qu’elle  devait  faire le Cm2, elle  s’est rendue à  Dakar chez sa marraine pour grandes vacances, depuis, elle est revenu avec cette idée. Une véritable tête de mule. Elle ne se résigne jamais,même  avec le temps. Elle campe sur sa position », témoigne Oumy Ly sa mère. Cette dernière ne veut  pas passer pour celle qui l’influence aux yeux de son mari et  de la société. Ce, même si  la  bonne  dame  n’approuve  pas  parce qu’ayant vécu  une situation qu’elle   ne souhaite  point  à  son enfant «  Avec son père on a fini de la laisser à elle-même. Promise plus de trois fois en mariage, à chaque fois elle renvoie les prétendants » révèle la mère. Penda   n’est pas simplement la brebis galeuse  de sa famille. Dans le village, il se murmure qu’elle va  finir vieille fille parce qu’il y a des hommes qu’on ne repousse pas. « Il en  existe même  qui  me le disent sur un ton ironique mais j’ai foi en  Dieu et en ma personne », dit-elle.  Awa BA sa meilleure  amie, la soutient dans sa position : «  j’ai essayé, mais cela n’a pas marché avec mon père. Aujourd’hui j’ai une fillette, mais j’encourage Penda  à rester sur cette dynamique ». Awa pense que quand on réussit  sa vie on peut avoir  le mari de son choix après.

En plus d’être rebelle, Penda  est très ambitieuse. Elle s’entend très bien  avec son professeur de mathématiques, sciences physiques. Elle tend ainsi à se renforcer dans  les matières scientifiques. « Monsieur Bâ  dit que je dois être bien dans ce domaine si je veux concrétiser mon rêves de devenir médecin » dit-elle. L’enseignant confie:« c’est toujours encourageant  de trouver des filles comme ça dans des villages pareils. Aussi se fait-on le plaisir de les encadrer. Elles sont rares celles qui ont son ambition ici» Mieux  le  professeur montre cet élève en modèle. «  Elle est tout le temps citée  en exemple par les enseignants ici », dit-il. Plutard, elle  compte  mener le combat  contre les mariages précoces dans sa localité. Aujourd’hui elle  s’attache  à ne pas commettre un faux pas  sur ses études pour n’offrir aucun prétexte à son père qui ne manquerait pas de saisir la moindre occasion. Ses moyennes annuelles tournent depuis la sixième autour de 16/20.

Elle n’est  pas la seule. A Kabacoto, Binta Ndao une autre jeune fille rêve  de devenir militaire. Pour une adolescente d’une  localité  ancrée  sur les traditions, ce choix est mal vu. Mais Binta 15 ans  est soutenue par son frère qui est sous les drapeaux. «Il est mon idole, quand il a été informé  de mon désir, il m’a  demandé de ne pas me marier très tôt et de poursuivre mes études. Si je persévère sur ce chemin, il promet de m’aider à faire de mon rêve une réalité », dit-elle. Aujourd’hui le lot de ces jeunes filles grandit surtout quand après le BFEM. Certaines  d’entre elles se rendent dans les villes pour poursuivre leurs études.

Au nom de la virginité

Une grossesse  non  désirable, est   une honte  à Dabaly. La virginité au mariage, une obligation. Comme solution, le mariage précoce. Tout au moins, aux yeux des parents. «  Il faut donner  les filles très tôt en mariage, sinon, elles se livrent  aux hommes. Quand un  enfant va à l’école, on ne peut contrôler ses sorties ». dit l’autorité locale. Oumar Ba, maire de la commune  de Dabaly, signe  des deux mains cette pratique, une tradition locale.  Cela se répète comme le refrain d’une chanson populaire  par les différents parents. C’est le mot d’ordre. On se l’est passé  aussi à Kabacoto, l’autre grand village  de la commune. On brule les étapes dans ces localités. De l’enfance, les jeunes filles passent directement  au statut de  jeunes mères.  A Kabacoto et à Dabaly le mariage est scellé quand la fille a entre 12 et 13 ans. On n’y trouve pratiquement pas de jeunes filles. Celles qui  ont 15 et 18 ans, ont déjà entre deux et trois enfants.  Dans cette  localité du département de Nioro, le mariage précoce est la règle. L’exception est donc, de voir une fille mature, instruite et épanouie sans époux. Même les autorités administratives approuvent.

 

Les  cas   sont nombreux,  les histoires différentes. Dans presque toutes les situations, les filles acceptent l’autorité parentale. Sur la place publique de Kabacoto, Binta Wellé se promène. Le visage triste, la mine  renfrognée,  elle traine encore les douleurs d’une nuit de noce. Mais, avec  fierté, car c’est la tradition. Elle est  juste âgée  de 15ans et est l’épouse du chauffeur de « l’horaire »  local.  Un choix  que lui a imposé un père soucieux de préserver la virginité de son enfant jusqu’au mariage. « Mon père m’a convoqué  un jour pour m’annoncer la nouvelle de mon mariage, j’ai accepté sans  broncher » explique-t-elle. Elle ajoute que ses parents ont pris cette décision parce qu’elle n’était pas très  brillante à l’école. Mais, malgré  tout, elle voulait au moins avoir un diplôme avant d’abandonner l’école.  Aujourd’hui, elle est au foyer et y restera en tant que femme. Pourtant dans sa propre  famille, son frère qui vit en Espagne est marié  à Dieynaba Diallo.  La taille fine,  Cette  jeune  fille incarne une beauté  sobre dans un physique  de top model. Contrairement  à Binta, Dieynaba  poursuit ses études et, est en classe de 3éme  secondaire. «  J’ai la chance d’avoir un mari qui ne vit pas au Sénégal, je poursuis donc mes études en attendant  qu’il revienne  au pays. Souvent  à leur retour les « Modou-modou » imposent l’abandon à leurs  jeunes épouses, et ils  choisissent les élèves en se mariant.

 

A  Dabaly, même situation. Yacine Ly  se souvient, elle aussi du jour  où en pleine  composition alors qu’elle était en classe de troisième, des inconnus sont venus l’arracher de force. Face à l’impuissance  d’un professeur d’anglais,  fonctionnaire de l’Etat sans  pouvoir. C’est devant une forfaiture  maquillée en pseudo-tradition.  Son père venait de donner son accord. Le mari devrait l’enlever et le ramener après la consommation  du mariage pour une cérémonie festive. « Je suis tombée la nuit même  dans les bras  d’un  inconnu, alors que j’étais à deux doigts  d’obtenir le brevet de fin d’études » raconte la jeune mère de deux enfants. Les faits remontent à 2006.  Aujourd’hui elle regrette encore mais  relativise : « C’est la tradition on  fait avec. On a la malchance d’en faire partie ».Yacine garde  tout de même espoir. «  Je ne veux pas que mon enfant subisse le même  sort et j’y veille. Comme toute histoire, la révolte se fera un jour  pour une éradication définitive  d’un tel  fléau.  Cela  a même commencé au compte-gouttes, et le temps le propagera », optimise Yacine. Comme pour  dire,  Dabaly, un jour connaitra un destin meilleur.

 

Yandé Diop

 

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