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Professeur Ousmane Diakhaté : «Il ne faut pas supprimer la vie des téléfilms»

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Au Sénégal, les spectateurs consomment plus de téléfilms que le théâtre vivant mis sur scène. Ce qui fait que le sixième art peine à se faire une place. Dans le cadre de la journée mondiale du théâtre célébrée ce mercredi 27 mars, Le Témoin s’est entretenu avec l’éminent Professeur Ousmane Diakhaté, enseignant à la Faculté des Lettres Modernes de l’Université Cheikh Anta Diop et spécialisé en ce genre qu’il enseigne. L’ancien Directeur du théâtre Daniel Sorano pense également que « Le Grand théâtre » est trop grand pour un théâtre vivant.

M. Diakhaté, peut- on encore parler de l’existence de la discipline théâ- trale au Sénégal ?
Oui ! On peut bien parler de l’existence de cette discipline au Sénégal. C’est un fait que tout le monde peut constater. Il existe bien une pratique théâtrale avec beau- coup de pièces qui sont jouées.

On déplore également l’absence de dramaturges…
C’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup de dramaturges. Cela nécessite une bonne pièce de théâtre et une bonne maitrise de la langue.

Comment créer la vocation ?

Il faut d’abord faire en sorte que l’écri- vain s’intéresse davantage aux pièces théâtrales. Pour y arriver, je crois qu’il faut multiplier les ateliers d’écriture. Faire en sorte que ceux qui écrivent s’intéressent au théâtre. L’écriture théâtrale est plus dif- ficile que l’écriture poétique. Il y a lieu de multiplier les ateliers d’écriture pour sus- citer cet intérêt pour cette écriture. Je crois que les deux ensembles pourront améliorer considérablement la pièce théâ- trale

Sous cette grille, la crise que connait le théâtre ne pourrait-elle pas s’expliquer par l’absence de dramaturges ?

Ce domaine est multiforme. Il faut que la pièce théâtrale soit bien écrite. Il faut que cette écriture s’améliore. Il faut que les écrivains soient nombreux et qu’ils soient outillés d’une bonne maitrise de la langue. Il y a quelque chose à faire dans ce domaine

L’avènement des troupes privées avait donné un regain à la
discipline avant son essoufflement. Qu’est ce qui pourrait expliquer ce dé- clin ?

Vous avez parfaitement raison ! Les troupes professionnelles étatiques ne peuvent pas avoir un monopole de la pièce théâtrale. Il faut que, parallèlement aux troupes d’Etat, qu’on développe les troupes privées. De ce fait, on multiplie les expériences et les bonnes pratiques théâtrales… Je pense que le théâtre gagnerait à créer des conditions d’éclosion de troupes privées. Parce qu’on multipliera ainsi l’expérience et on aura ainsi beau- coup d’enthousiasme qui n’ont pas forcé- ment une place dans le théâtre d’Etat. Si vous voyez le théâtre visuel au Sénégal, le seul théâtre d’Etat c’est le théâtre Daniel Sorano. Cette structure, en tant que professionnelle étatique, ne peut pas gérer l’ensemble du théâtre. Il faut donc l’en- semble autour de Daniel Sorano, qu’il y ait une politique qui permet l’éclosion des troupes privées

Quel est l’avis du Professeur sur la prolifération des téléfilms ?
Il ne faut pas supprimer la vie des téléfilms. Il faudrait simplement que les consommateurs savent que seul l’écran n’est pas la scène et que le théâtre vivant met en corps à corps les destinateurs et les acteurs. C’est une forme de théâtre pur. Une théâtralité pure ne peut effectivement être comparée à un théâtre qui porte en endroit beaucoup de procédés filmiques et des procédés théâtraux. Donc, il faut que les consommateurs distinguent le théâtre vivant du théâtre télé- visé. D’ailleurs ceux qui jouent régulièrement les spectacles par destina- tion d’un écran se rendent compte de ça. Au cinéma, c’est la technicité qui fait tout.

Au théâtre vivant, c’est le metteur en scène qui est l’acteur. C’est ça qui fait la différence

Comment jugez- vous le jeu de ces acteurs ? Un acteur a intérêt à

jouer vivant. Pour qu’il puisse exercer un métier pur, il faut qu’il joue devant un public. Un métier de corps à corps avec le public dans un théâtre vivant. Ils peuvent faire de temps en temps des films, mais qu’ils ne se perdent pas dans les films. Qu’ils restent longtemps dans

les films sans jouer de théâtre vivant peut leur faire perdre leur métier. Parce que l’attente du public et les efforts donnés ne sont pas les mêmes. A l’écran, une bonne partie est faite par les techniciens contrairement au théâtre vivant qui est un spectacle plus naturel plus pur.

Quid des paroles souvent jugées osées ?
Il y’a des choses qui ne sont pas acceptées dans un théâtre. Dans toute activité humaine, on doit être courtois. Même dans notre tradition, une personne doit être correcte. Qu’il s’agisse du théâtre ou n’importe quelle autre activité. Quand on parle, on doit parler correctement quelle que soit la discipline. On doit soigner son langage.

Pensez- vous que le Grand Théâtre constitue un grand gâchis ?
Non, je ne le pense pas. Tout lieu de

production d’un spectacle est bénéfique. Le grand théâtre est un bénéfice. Ce que vous pouvez dire, c’est qu’il est trop grand pour un théâtre vivant. Parce qu’en général, les spectacles de théâtre s’adressent à un nombre qui ne dépasse pas mille. On a intérêt à avoir un public assez important pour qu’il soit lieu d’échange pour qu’il y ait interaction. Si le théâtre est trop grand, s’il n’ y’a pas beaucoup de spectateurs, ça se ressent dans le spectacle. Sur ce plan, nous sommes entièrement d’accord que le Grand Théâtre est trop grand pour un théâtre. Dans les autres pays du monde, c’est rare de voir une grande salle pour un théâtre.

Comment faire revivre le théâtre

Pour faire revivre le théâtre, c’est juste- ment par vous les journalistes. C’est d’en faire une large communication. Il faut que tout le monde en parle, qu’on échange pour voir ce qu’il faut améliorer ensemble. Voir ce qui ne va pas et essayer de proposer des solutions pour améliorer notre Sixième Art. Vous, les journalistes, avez un grand rôle à jouer.

Le grand problème de ce secteur est –ce réellement le public ?
Il y’a qu’à même, qu’on le veuille ou non, une raréfaction du public. On dirait que le public ne se sent pas intéressé par le théâtre. Il y’a plusieurs raisons. Le théâtre n’est pas simple. Il y’a une différence entre la formation d’un patricien de théâtre et la formation de journaliste en matière de théâtre. Sur ce plan -là, pour que le théâtre ait un grand nombre, il faut que le public soit édifié dans les écoles, dans tous les lieux de rencontres pour qu’il s’intéresse au théâtre .Il faut qu’aussi que les acteurs jouent avec la meilleure qualité.

Source : Le Témoin

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