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Ousmane Sonko tout sauf cohérent !

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Ousmane Sonko a refusé, mardi, de répondre à la convocation de la Brigade des affaires générales (Bag), alors qu’il avait assuré être à la disposition des enquêteurs. Le leader de Pastef les Patriotes n’en est pas à sa première contradiction.

Et de deux. Après avoir snobé la commission d’enquête parlementaire dans l’affaire dite des 94 milliards de FCFA, Ousmane Sonko a remis le couvert mardi dernier, 25 juin 2019. Convoqué par la Brigade des affaires générales (Bag) pour étayer ses accusations dans l’affaire Petro-Tim, le leader de Pastef les patriotes a encore refusé de jouer le jeu, malgré ses assurances de répondre aux enquêteurs. Une posture à lire, selon des observateurs politiques, dans la droite ligne de son personnage d’homme politique «qui ne croit plus en la Justice». Même si pour d’autres, l’expert fiscal dit plus qu’il ne fait. Et sur ce registre de la contradiction, le chantre de l’antisystème commence à amonceler les casseroles.

La première, pointée du doigt en son temps, fut son compagnonnage avec Pierre Goudiaby Atépa lors de la dernière campagne présidentielle. «Le candidat Ousmane Sonko et moi, rêvons du même pays, expurgé de la corruption érigée en système, nourrissons l’espoir de voir le Sénégal libéré de tout favoritisme», glose l’architecte lors du prêt de son siège à la coalition Sonko Président. Plus que l’ironie des propos, pour quelqu’un qui a longtemps servi le système, l’électorat retient surtout l’incohérence et la facilité de Sonko à s’allier avec celui qu’il dénonçait deux ans plus tôt dans son livre «Pétrole et Gaz au Sénégal, Chronique d’une spoliation». Page 138 : «C’est donc le duo Samuel Sarr-Pierre Goudiaby Atepa qui a introduit Frank Timis au Sénégal et servi de «bélier» pour enfoncer la porte du Président Abdoulaye Wade et imposer la signature de Contrats de Recherches et de Partage de Production, le 21 octobre 2010, des blocs de Sénégal Offshore Sud Profond et Rufisque Offshore Profond au profit de sa société, African Petroleum». On suppute alors sur les difficultés financières et techniques du jeune candidat pour expliquer cette alliance.

Ses proches, eux, parlent d’un repentir politico-idéologique de l’homme d’affaires. La même excuse est servie lorsque Sonko interrompt sa campagne présidentielle pour rencontrer Abdoulaye Wade à Dakar. Contre toute attente. Incarnation de la lutte contre les dérives politiques, il n’avait pourtant pas hésité à tirer sur ce «piètre homme d’Etat», «grand-père indigne» dont le fils, Karim Wade, est «un pur produit du système». En pré-campagne, il signe même sa mise à mort : «Ceux qui ont dirigé le Sénégal depuis le début mériteraient d’être fusillés». Isolé et esseulé à quelques jours du scrutin, Ousmane Sonko se résout à remplacer son romantisme idéologique par du réalisme politique. Au détriment de la crédibilité de son engagement. Interpellé à la sortie de cette rencontre avec Wade où il avait été escorté par Atépa et Boubacar Camara, il essaie : «Il n’ y a pas une alliance contre-nature (…) Le plus important, c’est ce sur quoi on s’est entendu, les intérêts supérieurs de la Nation. Aujourd’hui, le système dont on parle, transcende les hommes. Et un homme peut avoir été à un moment de sa vie, responsable de ceci ou de cela et finalement, se retrouver quelques années plus tard dans une autre dynamique».

Et de fait, chez les Patriotes, on a fini de théoriser l’idéologie transcendante. Un politicien qui se repent est un allié absous. «Si on doit se battre, on se battra avec tout le monde», crie-t-on dans la formation. On s’étonne moins dans ces conditions, de retrouver leur leader assis autour d’une même table qu’Idrissa Seck pour combattre l’élection et le régime de Macky Sall. Selon certains observateurs politiques, Sonko, qui communique beaucoup, est plus dans la parole que dans l’action. D’où ses contradictions politiques.

«Escroquerie politique»

C’est là un fait. Dans l’affaire contre l’ancien directeur des Impôts comme dans celle contre Pétro-Tim, Ousmane Sonko n’a jamais hésité à monter au front, à dire et réitérer ses accusations. Le leader politique s’est toujours dit prêt à être auditionné. La dernière déclaration de ce genre date d’après la sortie du procureur de la République. En réaction, il tenait alors ces propos : «Mais qu’à cela ne tienne, je le prends au mot et me mets à la disposition totale de ses «enquêteurs» pour réitérer et fournir les preuves de mes accusations de trafic d’influence, conflit d’intérêt, faux, prise illicite d’intérêts, fraude fiscale, concussion et trahison, contre les personnes de Macky Sall, Aliou Sall, Aly Ngouille Ndiaye, Amadou Bâ et Cheikh Ahmed Tidiane Bâ, Mohamed Abdallah Boun Dionne».

La Brigade des affaires générales de la Division des investigations criminelles (Dic) l’a pris au mot. Convoqué mardi, le leader politique a préféré envoyer de la documentation aux inspecteurs. Un autre faux bond qui s’apparente à de l’escroquerie politique pour le tonitruant directeur de l’information de la chaîne télé 2Stv. Ben Makhtar Diop : «Lorsqu’une opportunité lui est offerte pour étayer ses accusations, il se débine. Quelque part, il y a de quoi se poser des questions. Est-ce que tout ce que Sonko dit est vrai ? Quand on donne des leçons, on se doit d’être irréprochable. Il aurait été bien que l’action soit jointe à la parole. Abdoul Mbaye, quoi qu’on en dise, s’est toujours mis à la disposition de la Justice. Pour moi, c’est plus qu’une faute politique. Je l’aurais assimilé à de l’escroquerie politique, voire médiatique».

Dans le parti de l’ex-inspecteur des impôts, on se défend d’une telle imposture, en parlant, sous couvert, d’un «piège» dans une «enquête pas sérieuse». Un argument qui n’empêchera pas Samba Dialimpa Badji de poser également la véracité d’éléments solides dont Sonko se prévaut dans ces histoires judiciaires. Mais pour le rédacteur en chef du bureau Africa Check pour l’Afrique Francophone, la posture de l’opposant est moins à lire dans le judiciaire que dans la stratégie politique. «C’est la réaction qu’il a depuis le début, quand le Procureur a fait sa conférence de presse. C’est de tourner en dérision la sortie du Procureur. Le fait de refuser d’aller à la Bag, c’est une autre façon de continuer dans cette logique de tourner en dérision la sortie du Procureur. Une manière pour lui de dire que cette affaire ne mènera nulle part». Là serait l’explication des attitudes contradictoires d’Ousmane Sonko. Il ne croit fondamentalement plus en la justice sénégalaise.

«Il répète à longueur de journée que le procureur de la République est le procureur du président de la République. Dans ces conditions, pourquoi se livrer au dispositif de collecte de preuves ou d’interrogatoire de la justice ?», questionne Mame Less Camara.

Retour en arrière lorsque l’inspecteur des impôts est menacé de radiation de la Fonction publique. Il se prête au jeu de l’administration, avec la convocation de ses supérieurs et prend même un avocat pour défendre sa cause. Ce qui ne changera rien au verdict. De cette expérience personnelle, le traumatisme. Renforcé par la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire sur l’affaire de détournement foncier, alors que lui s’attend à une saisine du Procureur. Sa réaction lorsqu’on lui apprend la création de cette commission, en pleine campagne électorale, est éloquente : «Ce sont des enfantillages», s’exclamait-il. La commission qui doit déposer son rapport dans 2 mois (août) n’aura pas réussi, malgré l’audition d’une vingtaine de personnes, à faire plier le député. Comme il est peu probable qu’Ousmane Sonko réponde un jour à ces appels à témoin. D‘autant plus qu’il a assez répété avoir développé dans son livre l’affaire Petro-Tim. Et pour Mame Less Camara, «c’est difficile d’aller au delà de ce qu’il a déjà écrit». Encore plus lorsqu’on n’est pas spécialiste du pétrole. Mais alors, pourquoi saisir le Procureur, si l’on ne croit pas en la justice qu’il incarne ? N’est-ce pas la grande contradiction qui fonde l’action politique de l’homme Ousmane Sonko ?

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