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L’avocat de Matar Diokhané plaide l’acquittement

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Me Alassane Cissé plaide l’acquittement de son client Matar Diokhané qui encourt la peine de travaux forcés à perpétuité.

Matar Diokhané est décrit comme le cerveau de la bande des présumés terroristes qui sont en train d’être jugés par la Chambre criminelle spéciale de Dakar. Il semblerait que c’est lui qui organisait les recrutements des candidats au djihâd. Pour cela, le parquet a requis contre lui la peine de travaux forcés. Une peine jugée très sévère et incompréhensible par l’avocat de l’accusé, estimant qu’aucun acte ne peut pousser le ministère public à faire une telle demande.

Me Alassane Cissé ne cautionne pas que Diokhané soit catalogué comme étant le chef de file du groupe. Dès sa prise de parole, il a jugé nécessaire de faire un bref rappel avant d’entrer au fond de sa plaidoirie.

L’avocat a rappelé que la justice n’appartient pas aux hommes chargés de la rendre parce que nous sommes tous placés sous la coupole de la loi. « Le Sénégal est sous les feux des projecteurs et tous les pays du monde accordent une importance particulière à ce procès. Les procès, de nos jours, ressemblent toujours aux guerres modèles. Parce que la première victime, c’est toujours la vérité », a déclaré Me Cissé, fustigeant la manière dont les accusés ont été « diabolisés ».

Une atteinte a été portée à l’honneur de ces personnes. Car, déplore-t-il, les enquêteurs ont pris des évènements qui seraient passés au Nigéria, ils les ont décrits sans avoir été sur les lieux avant de les incriminer. Ainsi, le premier tort qui a été causé à son client, c’est le surnom d’Abu Anwar qui lui a été collé.

A l’en croire, les enquêteurs se sont renseignés sur l’accusé et on leur a donné de bonnes informations sur lui mais, ils ont préféré écrire autre chose. « On les a informés du comportement exemplaire dont Matar Diokhané a toujours fait montre. Mais, je m’étonne que ses qualités n’aient pas été rapportées dans le procès-verbal. On veut, vaille que vaille, trouver un terroriste », regrette la robe noire non sans dire qu’il n’y a aucun fait correspondant aux graves incriminations retenues contre son client.

A son avis, ce dossier est spectaculaire et très grave. Ce, d’autant que tout le monde trépignait d’impatience de voir les faits. « Hélas, ce sont des poursuites à l’aveuglette. Rien n’atteste que des investigations sérieuses ont été menées », a-t-il fait remarquer. Avant de dire au juge : « vous êtes le rempart contre ses sentiments d’insatisfaction. A travers la motivation qui sera celle de votre juridiction, nous avons besoin de comprendre quelle est la passerelle qui existe entre le procureur et le juge d’instruction. Je ne parle pas de l’enquête parce que je ne la donne aucune validité ».

Pour lui, ce n’est pas de manière fortuite que le parquet, dans son réquisitoire, a revu à la baisse les charges qui étaient initialement retenus contre Matar Diokhané. A ses yeux, tout le monde l’a entendu dire qu’aucun acte de terrorisme n’a été posé par le sieur Diokhané. Ainsi, la justice ne doit pas être aléatoire. Vu que les règles de droit sont d’une précision telle que, lorsqu’on est poursuivi en justice, on doit savoir à quoi s’attendre.

 

« Il n’y a pas de place pour l’insécurité judiciaire »

« Il n’y a pas de place pour l’insécurité judiciaire », a martelé Me Alassane Cissé. Qui, étayant ses propos, renseigne que l’accusé Alioune Badara Sall est le prototype de la personne qui, à l’instar de son client, n’avait rien à faire dans le procès. L’un des exemples de l’insécurité judiciaire.

Selon lui, Diokhané n’est pas un membre de Boko Haram. S’il a été au Nigéria, c’est parce qu’il a eu un contrat. Il a voyagé seul et n’a embarqué personne. « Si Matar Diokhané  était un membre actif de Boko Haram, les enquêteurs nous auraient démontré en quoi il a posé l’un des actes quelconque qui justifierait sa responsabilité pénale », a-t-il supposé.

Dans le même sillage, Me Cissé est revenu sur la rencontre entre son client et le chef de Boko Haram. Et, c’est  pour dire que le premier allait rencontrer le second, il ne le connaissait et ne savait pas à quoi il ressemblait. « La première arme de Matar Diokhané, c’est sa foi, son courage et ses connaissances. S’il a réussi à faire libérer les Sénégalais qui étaient dans le fief de Boko Haram, c’est parce qu’il a, grâce à son éloquence et sa rhétorique, séduit Aboubacar Shekau. »

S’agissant du financement de terrorisme reproché à Matar Diokhané, l’avocat trouve que ce n’est pas avec 3000 nairas reçu des mains de Shekau qu’on va installer un Etat islamique au Sénégal. Une somme jugée dérisoire et qui n’a pas servi aux accusés.

 

« Un esprit de poursuite doit être un esprit positif et non un esprit qui ne voit que le mal »

« Les véritables terroristes, s’ils existent, ils ne sont pas dans cette salle. Contre aucun de ses accusés, il ne peut être établi une intention terroriste. Cette intention terroriste ne peut être rapportée. Matar Diokhané ne peut être complice d’un quelconque acte terroriste. Aucun acte ne lui a été imputé. Son intention de commettre un quelconque acte de terrorisme est négative », plaide-t-il.

Il ajoute : « demander que Matar Diokhané soit condamné pour complicité de terrorisme, n’est que pure vindicte. Au lieu de saluer le mérite de ce fils du pays, on demande la condamnation d’une valeur humaine telle que Matar Diokhané ».

En ce qui concerne l’apologie du terrorisme, Me Alassane Cissé dénonce la précipitation avec laquelle ledit crime a été plaqué et imputé à tous les accusés impliqués dans cette affaire. Il affirme que le législateur doit avoir un certain recul par rapport à la convocation de certains textes. L’apologie, explique-t-il, est un délit qui pose énormément de difficultés en termes d’élément moral. Un crime qui doit être appliqué à des personnes profondément sures de ce qu’elles disent.

Quid des dossiers sur le terrorisme trouvé dans la chambre de Matar Diokhané lors de la perquisition des éléments enquêteurs ? L’avocat justifie que son client possède cette panoplie de documents parce qu’il est imbu d’un besoin de connaissance. « Il ne recherche que la connaissance, c’est pour quoi sa curiosité s’interroge au terrorisme », a-t-il soutenu non sans dire que son client n’a jamais tenu de discours intimidant à personne.

Cette infraction d’apologie au terrorisme n’existe pas. D’autant que, indique-t-il, une accusation, quelle qu’en soit l’étouffement, doit être établie avec séreux. « Un esprit de poursuite doit être un esprit positif et non un esprit qui ne voit que le mal. Le préjugé est la raison pour laquelle toutes ces personnes sont poursuivies. Je n’ai vu aucun élément permettant d’établir la moindre des infractions retenues contre lui. J’ai la sérénité de savoir qu’aucun élément à charge n’a été démontré contre Matar Diokhané au point qu’il puisse être condamné à la perpétuité. Je pense que votre juridiction n’aura aucune difficulté à l’acquitter », a tranché l’avocat qui, concluant sa plaidoirie, a supplié au juge de motiver la décision qu’il prendra, quelle qu’elle soit.

L’audience reprend aujourd’hui et ce sont les avocats d’Imam Alioune Ndao qui vont entrer en lice.

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