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Gambie : Le gouvernement ghanéen « examine » l’extradition de Yahya Jammeh…

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L’ancien président gambien, exilé en Guinée équatoriale, pourrait être contraint de s’expliquer sur la disparition de migrants ghanéens, nigérians, ivoiriens et sénégalais en 2005.

 

Le gouvernement ghanéen a annoncé ce weekend qu’il examinait une requête pour que l’ancien président gambien Yahya Jammeh soit poursuivi au Ghana pour le massacre de plus de 50 ouest-africains, tués en 2005.

Le 16 mai 2018, Human Rights Watch et Trial International avaient publié un rapport qui démontre que plus de 50 migrants, dont 44 ghanéens et 2 sénégalais, tués en 2005 ont été assassinés par les « Junglers », une unité paramilitaire contrôlée par Jammeh, après avoir été détenus par les associés les plus proches de l’ancien président au sein de l’armée, de la marine et de la police.

 

Dr Mustapha Abdul-Hamid, ministre ghanéen de l’information, a indiqué dans une déclaration envoyée aux médias que le Gouvernement que Human Rights Watch, avec Trial International, a « découvert de nouvelles preuves qui, d’après l’organisation, implique l’ancien président gambien Yahya Jammeh dans le meurtre des 44 Ghanéens tués vers le 22 juillet 2005 ».

 

Le ministre a également expliqué  qu’«en vue des implications légales et diplomatiques internationales de la requête, le gouvernement a chargé le ministère des Affaires étrangères et le ministre de la Justice d’étudier la requête, ses implications légales et diplomatiques et de le conseiller sur la voie à suivre. »

 

Martin Kyere, l’unique survivant ghanéen connu ainsi que les familles de disparus, et des organisations ghanéennes de défense des droits humains avaient appelé leur gouvernement à ouvrir une enquête sur la base de ces nouveaux éléments de preuve.

 

Les victimes gambiennes de Yayha Jammeh ont accueilli l’annonce du gouvernement ghanéen avec satisfaction.

 « Ce ne sont pas seulement les victimes ghanéennes qui veulent voir une avancée dans cette affaire » a déclaré Fatoumatta Sandeng, porte-parole de la  ‘Campagne pour traduire Yahya Jammeh et ses complices en justice’ et fille de Solo Sandeng, ténor de l’opposition politique en Gambie, dont l’assassinat avait galvanisé la contestation contre le gouvernement Jammeh en avril 2016. « Nous, les victimes gambiennes, considérons que ceci est le début du processus qui vise à obliger Jammeh à répondre des crimes qui lui sont reprochés ».

 Dans leur rapport, Human Rights Watch et Trial International, ont clairement lié Yayha Jammeh au massacre.

 « Ces migrants ouest-africains ont été assassinés par un escadron de la mort qui recevait ses ordres directement du président Jammeh », a déclaré Reed Brody, conseiller juridique à Human Rights Watch. « Les subordonnés de Jammeh ont ensuite détruit des éléments de preuve essentiels, afin d’empêcher les enquêteurs internationaux de découvrir la vérité. »

 Les 22 années de pouvoir de Jammeh ont été marquées par des abus généralisés, notamment des disparitions forcées, des exécutions extrajudiciaires et des détentions arbitraires. L’ancien président s’est exilé en Guinée équatoriale en janvier 2017, après avoir perdu l’élection présidentielle de décembre 2016 face à Adama Barrow.

Selon les renseignements donnés par les témoins, les migrants qui faisaient route vers l’Europe ont été transférés en juillet 2005 de la plage sur laquelle ils avaient été arrêtés vers le quartier-général de la Marine gambienne, en présence de nombreux officiels des forces de sécurité, parmi lesquels le directeur général de l’Agence nationale de renseignement (National Intelligence Agency, NIA) et le commandant de la garde nationale, tous deux en contact téléphonique avec le président.

 

Plusieurs «Junglers» étaient en outre sur place. En l’espace d’une semaine, ceux-ci ont exécuté sommairement huit migrants près de la capitale Banjul puis les autres en Casamance où leurs corps ont été jetés dans des puits.

 

Martin Kyere a été détenu dans un poste de police de Banjul, puis emmené dans une forêt à bord d’un véhicule. En février 2018, il a expliqué à Human Rights Watch et à TRIAL International comment il a réussi à s’échapper, juste avant que d’autres migrants soient vraisemblablement assassinés. Après plusieurs jours dans la forêt, il est arrivé à Bounkiling en Casamance.

 

« Nous étions à l’arrière d’un pick-up », a-t-il témoigné. «Un homme s’est plaint du fait que les fils métalliques qui nous entravaient étaient trop serrés, et un soldat lui a donné un coup de coutelas à l’épaule, lui tailladant le bras, et il s’est mis à saigner abondamment. C’est à ce moment-là que j’ai pensé : ‘Nous allons mourir.’ Mais alors que la camionnette s’enfonçait dans la forêt, j’ai réussi à délier mes mains. J’ai sauté du pick-up et j’ai couru dans la forêt. Les militaires ont tiré dans ma direction mais j’ai réussi à me cacher. Puis j’ai entendu des coups de feu provenant du pick-up et le cri, en twi [langue ghanéenne]: ‘Que Dieu nous vienne en aide!’»

 

Kyere a aidé les autorités ghanéennes à identifier un grand nombre de morts et a sillonné le Ghana afin de localiser les familles des victimes, et promouvoir les efforts visant à obtenir justice.

 

En octobre 2017, des organisations de défense des droits humains gambiennes et internationales ont lancé la « Coalition pour le jugement de Yahya Jammeh et ses complices » (#Jammeh2Justice), qui appelle à l’ouverture de poursuites contre l’ancien président et ceux qui portent la responsabilité la plus lourde pour les crimes commis par son gouvernement, dans le respect des normes internationales.

Le président gambien Adama Barrow a laissé entendre qu’il solliciterait l’extradition de Jammeh auprès de la Guinée équatoriale si des poursuites à son encontre étaient recommandées par la Commission vérité, réconciliation et réparations, qui doit commencer ses travaux ces prochains mois en Gambie. Toutefois, le gouvernement, ainsi que des activistes et experts internationaux, considèrent que les conditions politiques, institutionnelles et sécuritaires nécessaires ne sont pas encore réunies en Gambie pour que puisse s’y tenir un procès équitable de Yahya Jammeh qui contribuerait à la stabilité du pays et de la région.

Le président de la Guinée équatoriale, Teodoro Obiang, s’est montré pour sa part plus frileux. Après avoir déclaré en janvier 2018 : « S’il y a quelque demande [d’extradition], je vais l’analyser avec mes juristes », il a changé de ton une semaine plus tard, en affirmant  vouloir protéger Yahya Jammeh de sorte à offrir «une garantie pour que les autres chefs d’Etat qui doivent quitter le pouvoir n’aient pas peur des harcèlements qu’ils pourraient subir après ».

Des organisations ghanéennes ont rappelé que la Convention des Nations Unies contre la torture, ratifiée par la Guinée équatoriale, oblige un pays sur le territoire duquel se trouve une personne soupçonnée d’actes de torture, soit à référer cette personne à la justice pour enquête, soit à l’extrader.

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