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Comment vivre avec la maladie de Charcot ?

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La maladie de Charcot, également appelée sclérose latérale amyotrophique (SLA), est une maladie neurodégénérative qui entraîne une paralysie progressive du corps. Comment la diagnostiquer ? Quelles en sont les causes et les traitements ? Le point avec la neurologue Nadine Le Forestier et Jean d’Artigues, patient SLA porteur du projet « Transat dans un fauteuil ».

Maladie de Charcot, maladie de Lou Gehrig, sclérose latérale amyotrophique ou SLA… Plusieurs noms pour une même maladie neurodégénérative qui touche entre 6 et 8 000 personnes en France. Elle correspond à un vieillissement prématuré des motoneurones, les cellules nerveuses qui gèrent le mouvement des muscles. Elles sont situées dans la moelle épinière et dans le cortex moteur du cerveau. Leur dégénérescence transforme les muscles en tissu cicatriciel et fibreux, entraînant une raideur ou une atrophie, ce qui conduit à des paralysies.

La SLA peut affecter les muscles respiratoires, ceux des membres, de la face ou du pharynx mais jamais ceux de l’œil, du cœur, de la vessie, de l’intestin et des organes sexuels. Si les fonctions intellectuelles et sensorielles ne sont pas affectées, la maladie réduit considérablement l’espérance de vie des personnes touchées.
Génétique, environnement, métabolisme : des facteurs de risques multiples

Il existe plusieurs causes probables (toxiques, génétiques, environnementales, métaboliques…) mais aucun facteur n’a pour le moment été confirmé avec certitude. Certains profils sont plus touchés que d’autres : les hommes sont plus concernés que les femmes, généralement à l’âge de 50 ou 60 ans, souvent chez des personnes très actives, comme des grands sportifs. Il existe également des « clusters », zones géographiques particulièrement touchées qui évoquent l’existence de facteurs environnementaux.

Par ailleurs, 8 à 10% des SLA sont des formes familiales, c’est-à-dire qu’elles touchent plusieurs membres d’une même famille. Le gène SOD1 (pour superoxyde dismutase de type 1) est en cause pour 10 à 20% de ces formes, mais les autres gènes font encore l’objet de recherche : « on découvre de nouveaux gènes impliqués quasiment toutes les semaines », dévoile le docteur Nadine Le Forestier, neurologue à l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière (Paris) et co-responsable du centre SLA d’Île-de-France.

Une maladie qui se déclare souvent tardivement

Jean d’Artigues, vice-président de l’Association pour la recherche sur la SLA (ARSLA) a été diagnostiqué de la maladie de Charcot il y a cinq ans, à l’âge de 48 ans. « Le premier symptôme a été une faiblesse dans la jambe droite. Je montais des escaliers en portant un sac lourd et, au troisième étage, ma jambe s’est dérobée. Je me suis relevé sans dommage mais ce symptôme s’est peu à peu accentué », témoigne-t-il. Aujourd’hui, Jean ne bouge plus que ses mains et ses avant-bras mais il est tout de même bien décidé à mener à bien son projet « Transat dans un fauteuil » pour traverser l’Atlantique en voilier…dans un fauteuil.

Atrophie et raideur des muscles

Chaque jour en France, quatre patients sont diagnostiqués de la SLA et deux autres en décèdent. « Les premiers symptômes dépendent des motoneurones touchés », explique Nadine Le Forestier. « S’il s’agit des motoneurones bulbaires, le patient aura des troubles de l’élocution et de la déglutition. Si ce sont les motoneurones qui régissent le mouvement des membres inférieurs ou supérieurs, le malade aura des crampes, une fatigue à la marche, des fasciculations (ou tressautements musculaires), aboutissant à un déficit moteur » détaille-t-elle.

Pour Jean d’Artigues, les symptômes ont progressé de bas en haut : « en cinq ans, je suis devenu quasiment tétraplégique. J’ai d’abord perdu l’usage de mes jambes, j’ai eu une phase stable pendant deux ans et demi, puis la paralysie a gagné le haut de mon corps. » L’effet de la SLA sur les muscles varie aussi en fonction de la zone nerveuse affectée : « si ce sont les motoneurones de la moelle épinière qui sont touchés, les muscles s’atrophient, alors que si ce sont ceux du cortex moteur, les muscles se raidissent » décrit la neurologue. Une autre forme dite diaphragmatique affecte les fonctions respiratoires. Dans ce cas, les personnes maigrissent, souffrent de difficultés respiratoires puis l’état général s’altère jusqu’à une paralysie.

Diagnostiquer la SLA reste long et complexe

Dans tous les cas, le diagnostic est long car il nécessite d’écarter toutes les autres maladies aux symptômes similaires. « Dès le départ, je suis allé consulter un neurologue mais il a fallu six mois pour confirmer le diagnostic » raconte Jean d’Artigues. Une attente qui reporte la prise en charge déjà tardive puisque la maladie a souvent commencé bien avant les premières manifestations physiques : « comme pour les maladies d’Alzheimer et de Parkinson, le souci est qu’il y a des millions de cellules et des milliards de connexions nerveuses : la maladie peut donc s’installer à bas bruit pendant plusieurs années, sans que cela se voit cliniquement » déplore le docteur Le Forestier. « Quand les malades consultent pour les premiers symptômes, on voit souvent la fin d’une longue histoire » Et l’annonce d’une telle maladie est effroyable car il n’y a pas de guérison. « Elle est toujours mortelle, souvent en quatre ou cinq ans après le diagnostic » révèle Nadine Le Forestier.

Mais pourquoi l’issue est-elle toujours fatale ? Quand la maladie gagne du terrain, les motoneurones de la structure bulbaire, qui innerve la bouche, le pharynx et le larynx, dégénèrent. Sans ces motoneurones, la prise alimentaire, la déglutition et la respiration sont compliquées. Avaler devient difficile car le risque de fausses routes augmente, ce qui peut causer des pneumopathies. De plus, lorsque le diaphragme est touché, il contrôle moins bien la respiration et le malade a alors besoin d’une assistance pour respirer.

Entre médicaments et séances de kiné

La maladie est incurable et évolue à un rythme différent chez chaque malade. « Mais ce n’est pas parce qu’on est impuissant qu’on est incapable », nuance Nadine Le Forestier. Du côté des traitements médicamenteux, les médecins prescrivent actuellement le couple riluzol et vitamine E à forte dose. Le riluzol bloque le glutamate, un neurotransmetteur excitant des motoneurones. Lorsque ces derniers sont en dégénérescence, le glutamate les use plus vite. Le riluzol va donc ralentir la progression de la maladie. « Mais le souci est qu’on arrive parfois bien trop tard, et deux-tiers des motoneurones ne sont déjà plus fonctionnels », déplore la neurologue.

« Personnellement, j’ai fait le choix de ne pas prendre ce traitement parce que son efficacité est réduite et qu’il occasionne de nombreux effets secondaires » raconte Jean d’Artigues. « Aujourd’hui je bénéficie de soins qui ne sont pas relatifs à la maladie mais qui luttent contre la perte de facultés physiques et les douleurs, comme des séances de kinésithérapie avec rééducation fonctionnelle. »

Il existe d’autres traitements symptomatiques pour améliorer la déglutition, diminuer les crampes ou les raideurs, mais aussi une prise en charge nutritionnelle, « car la part métabolique est très importante » avertit la neurologue.

Enfin, à un stade avancé de la maladie, il existe des traitements de suppléance comme la gastrostomie (sonde reliée à l’estomac), la ventilation respiratoire avec un masque puis par incubation avec trachéotomie. Ce dernier choix est lourd de conséquence : « la personne est au lit, ne peut ni parler, ni manger, nécessite une aide à domicile 24 heures sur 24 et pour autant, la maladie continue de progresser », informe le docteur Le Forestier. Un suivi psychologique sera souvent utile pour aider le malade mais aussi ses proches à accepter et à mieux vivre avec cette pathologie.

Plusieurs recherches sont en cours pour mieux cerner la complexité de la maladie et les multiples facteurs qui rentrent en compte, pour identifier les différentes cellules impliquées mais aussi pour élaborer de nouvelles thérapies. « Le traitement du futur devra répondre aux différentes formes de la SLA et sera donc plurimédicamenteux » annonce Nadine Le Forestier. En attendant, « il ne faut surtout pas perdre espoir » souligne Jean d’Artigues. « L’annonce de ce diagnostic est une nouvelle terrible, le scénario peut paraître très noir et pourtant on peut continuer à vivre. Des moyens existent pour nous aider à traverser cette drôle de période de vie » et, pourquoi pas, à réaliser un rêve.

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