Lutte contre le tabagisme : quels sont les effets escomptés de l’augmentation des taxes sur les produits du tabac ?
La taxation du tabac pour induire des recettes fiscales dans les caisses de l’Etat ne date pas d’aujour d’hui. En effet, déjà en 1776, l’économiste Adam Smith préconisait de taxer le tabac. La taxation du tabac n’avait à l’époque aucun objectif de santé publique. Car on n’avait pas encore fait le lien entre la consommation de tabac et l’exposition à la fumée de tabac et les 26 maladies identifiées aujour d’hui par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) parmi lesquelles on peut citer : lescan-cers, les broncho-pneu¬mopathies chroniques obs¬tructives (BPCO), les cardio¬pathies ischémiques et les accidents vasculaires céré¬braux (AVC)).
Pendant la deuxième guerre mondiale (1939-1945ç dans les bagages des soldats qui allaient au front, on trouvait des paquets de cigarettes. Le tabac était partout, dans les scènes de cinéma et les évènements sportifs et culturels.
Dans les années qui ont suivi l’OMS a remporté une bataille qui a révolutionné substantiellement les attitudes, les comportements et la perception que l’on avait du tabac.
Le lien est désormais établi par des preuves scientifiques éprouvées entre la consommation de tabac et l’exposition à la fumée de tabac et l’apparition du can¬cer du poumon, du cancer du larynx, du cancer des cavités buccales, des broncho-pneu-mopathies chroniques obs¬tructives (BPCO), cardio¬pathies ischémiques et les AVC. Etc. Le tabac nuit non seulement à celui qui en consomme mais aussi à son entourage.
L’industrie du tabac n’est pas restée bras croisés durant tout ce temps.Ayant perdu la bataille sur la question : si le tabac nuit à la santé ou pas, elle a riposté en déplaçant le champ de bataille ailleurs. Elle a mis en œuvre de nouvelles stratégies de marketing et de communication pour continuer à vendre ses produits qui tuent. Ainsi, le tabac bien que nuit gravement à la santé est resté un produit licite voire même normal.
Plus souvent, les gens se posent la question à juste titre « si le tabac est aussi dangereux pour la santé, pourquoi n’interdit on pas sa production, sa vente et son usage purement et simplement ?
De plus en plus de voix commencent s’élever dans le monde demandant l’interdiction de la production, de la commercialisation et de l’utilisation du tabac. Au moment où la communauté internationale avait établi scientifiquement la nocivité du tabac pour la santé, on aurait dû en profiter pour criminaliser la production, la vente et la consommation du tabac ? Malheureusement, ce ne fut pas le cas. Ainsi, au Sénégal, il n’est pas interdit de fumer du tabacmais il est interdit de fumer dans les lieux publics visés à l’article 18 de la loi 2014-14 du 28 Mars 2014.
Depuis l’entrée en vigueur de la Convention Cadre de l’OMS pour la Lutte Antitabac (CCLAT) le 27 Février 2015 dont notre pays est une partie, la perception de la taxation des produits du tabac et son objectif ont changé.Désormais, la taxation des produits du tabac n’a pas pour unique objectif pour l’Etat d’encaisser des recettes fiscales induites par le commerce des produits du tabac mais de promouvoir la santé autrement dit elle a un objectif de santé publique.
L’article 6 de la Convention Cadre de l’OMS pour la Lutte Antitabac (CCLAT) alinea1 dispose « Les Parties reconnaissent que les mesures financières et fiscales sont un moyen efficace et important de réduire la consommation de tabac pour diverses catégories de la population, enparticulier les jeunes. »
En termes claires, l’augmentation de la taxe sur les produits du tabac vise à rendre financièrement inaccessible le tabac aux personnes démunies, aux ado-jeunes et aux jeunes ne percevant pas de salaire. Cependant,quel est l’objectif de l’augmentation de la taxe sur les produits du tabac ? Et quels sont les effets escomptés de la hausse du prix du tabac ?
En résumé, l’augmentation de la taxe vise par répercussion à hausser le prix du tabac tandis que l’élévation du prix du tabac à un niveau élevé a pour objectifs de dissuader ceux et celles qui n’ont jamais fumé à commencer de fumer, d’empêcher ceux et celles qui ont cessé de fumer à recommencer de fumer et d’inciter ceux et de celles qui fument de cesser de fumer.
En somme, la taxe est un levier sur lequel s’appuie l’Etat pour augmenter ses recettes fiscales mais dans le cadre de la lutte antitabac,la taxe vise à réduire la prévalence du tabagisme liée à la consommation du tabac et à l’exposition à la fumée de tabac par répercussion de la taxe sur le prix du tabac.En quoi faisant ? En appliquant un type de taxe et un niveau de taxation suffisamment élevé (70% de la part du prix de la cigarette) pour obliger l’industrie du tabac a répercuté la hausse sur le prix de la cigarette.
Le type de taxe appliqué sur les produits du tabac, au Sénégal, est la taxe ad valorem c’est-à-dire une taxe appliquée selon la valeur ou la quantité de sortie d’usine. Or il a été démontré que ce type de taxe n’est pas efficace et présentent plusieurs limites qui plombent la hausse substantielle du prix des cigarettes et l’amélioration des recettes fiscales contrairement au type de taxe dite spécifique dont les effets bénéfiques sont largement supérieurs selon les spécialistes.
L’adoption de la Nouvelle Directive régionale de taxation des produits du tabac dans les pays parties à la CEDEAO, le 17 Décembre 2017 a permis aujour d’hui , le Sénégal d’élever le niveau de taxation des produits du tabac de 45% à 65%.
Par ailleurs, dans le sens d’améliorer ses recettes fiscales et protéger la santé des populations, l’Etat du Sénégal se doit de changer la base des taxes d’accises en y incluant les marges commerciales à l’effet que le consommateur (le fumeur) puisse subir la totalité des répercussions de hausse de taxes.
Ce que l’on gagne en recettes fiscales vaut-il ce que l’on perd ? Selon l’étude menée par le Consortium pour la Recherche économique et Sociale (CRES) sur l’évaluation des coûts sanitaires des maladies liées au tabac, le tabagisme a coûté 122 milliards de FCFA à l’Etat en 2017 contre 24 milliards de FCFA de recettes fiscales composées ainsi qui suit : 20 milliards de recettes induites par le commerce du tabac et 4 milliards provenant de la masse salariale distribuée par l’industrie du tabac.
Selon toujours cette même étude, « si l’on répartit le coût total par catégorie d’agents économiques, les ménages supportent une part plus importante des coûts totaux liés au tabagisme que l’Etat. Ils perdent annuellement 71 milliards alors que l’Etat ne perd que 51 milliards de FCFA. »
Vive le Sénégal !
Vive la république !
Par Baba Gallé DIALLO
Email : babadediana@gmail.com