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Aminata Touré: Itinéraire d’une dame de fer

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Précédemment envoyée spéciale du président de la République, Aminata Touré, 57 ans, est depuis hier la présidente du Conseil économique, social et environnemental. Lentement, mais sûrement, elle tisse sa toile et se positionne de plus en plus comme une personnalité incontournable dans le dispositif du régime de l’Apr. Itinéraire d’une militante infatigable au parcours politique atypique

Héraut de la traque des biens supposés mal acquis, tombeur d’Hissène Habré, Aminata Touré, 57 ans, continue d’échelonner les paliers de l’Etat. D’abord ministre de la Justice en 2012, ensuite Premier ministre la même année, puis envoyée spéciale à partir de 2013, Aminata Touré siège, depuis hier, à la tête du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Elle remplace à ce poste l’ex-ministre des Collectivités locales et de la Décentralisation sous Abdoulaye Wade, Aminata Tall. Celle-ci aura passé six longues années aux affaires, sans jamais être inquiétée jusqu’à son départ avec tous les honneurs du chef de l’Etat qui a tenu à lui rendre un vibrant hommage. Ainsi en a décidé hier le président de la République Macky Sall. ‘’Par décret n°2019-905 pris ce jour, Monsieur le Président de la République a nommé Madame Aminata Touré, Présidente du Conseil économique, social et environnemental, en remplacement de Madame Aminata Tall. Le chef de l’Etat magnifie le travail remarquable réalisé par Madame Aminata Tall à la tête de cette institution, au cours des six dernières années’’, lit-on dans un communiqué lapidaire signé par le porte-parole du gouvernement, Ndèye Tické Ndiaye Diop, par ailleurs Ministre de l’Economie numérique et des Télécommunications. La nomination d’Aminata Touré à la tête du Cese ne surprend guère les observateurs avisés de la scène politique. Sans jamais se concrétiser jusqu’ici, son arrivée à ladite station a toujours été annoncée, depuis sa destitution de la primature. La rumeur persistante, qui a toujours véhiculé cette information, est finalement devenue une réalité depuis d’hier. Même si cette nomination parait comme une récompense politique de son engagement aux côtés du président Macky Sall, bien avant même son avènement à la tête du pays, personne ne peut aujourd’hui nier que l’actuelle présidente du Cese a le profil de l’emploi. Puisqu’elle a exercé, dans sa trajectoire, des fonctions plus complexes et plus ardues. Elle aura passé 10 mois et 5 jours seulement à la tête du gouvernement, mais elle y a quand même laissé ses empreintes. Mais la station ministérielle qu’elle a le plus marquée demeure le ministère de la Justice. Nommée à ce poste en 2012, dans le premier gouvernement dirigé par l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye, Aminata Touré s’est vite attelée à la réforme du système judiciaire sénégalais avec, en toile de fond, la réduction des délais de détention préventive à l’origine du surpeuplement dans les prisons sénégalaises, le rapprochement des tribunaux avec les citoyens et l’élargissement de la représentativité du Conseil constitutionnel sénégalais. Mais aussi et surtout la lutte contre la corruption et la concussion, avec la fameuse traque des biens mal acquis, à l’origine de l’arrestation, de l’emprisonnement et de la condamnation du fils de l’ancien président de la République, Karim Meïssa Wade, à 6 ans de prison, en plus d’une amende de 138 milliards pour enrichissement illicite. Aminata Touré aura joué un rôle crucial dans cette affaire qui va tenir en haleine l’opinion publique sénégalaise pendant plus de deux ans. Dans les mêmes formes, elle a également conduit, avec rigueur, le procès de Hissène Habré. D’ailleurs, si l’ex-président tchadien, condamné pour crime de sang et crime contre l’humanité, réfugié au Sénégal pendant des décennies sans être inquiété, a pu être jugé, c’est en partie grâce à elle. Elle a pesé de tout son poids et usé de toutes ses relations pour qu’enfin, le procès puisse se tenir en terre africaine, notamment au Sénégal et mené par la justice sénégalaise sans que le mis en cause ne soit extradé, comme l’avaient pourtant voulu certains pays européens comme la Belgique. Dépeinte comme une dame de fer, Aminata Touré a su se frayer une place non négligeable, non seulement dans l’entourage immédiat du président Macky Sall, mais aussi dans le dispositif de la coalition de la mouvance présidentielle. Son limogeage et sa descente aux enfers, après sa défaite face à Khalifa Sall aux élections locales de 2014, n’ont, en effet, pas altéré sa position politique qui reste encore solide. Ses relations avec Macky Sall datent d’avant l’accession de ce dernier à la magistrature suprême. Elle a participé à la rédaction du programme ‘’Yoonu Yokute’’ en 2010. Mimi Touré, comme l’appellent les intimes, s’est forgé une personnalité, depuis sa prime jeunesse. Militante des Droits de l’homme depuis l’âge de 14 ans, Aminata Touré est active dans les milieux universitaires français de gauche et membre de la Ligue communiste des travailleurs (Lct), futur Mouvement pour le socialisme et l’unité (Msu). Lors de la campagne électorale de 1993, elle est la première Sénégalaise directrice de campagne pour le compte de Landing Savané dont elle rejoint le parti l’année suivante. Aminata Touré devient ensuite directrice des programmes de l’Association sénégalaise pour le bien-être familial (Asbef). À partir de 1995, elle travaille pour le Fonds des Nations Unies pour la population (Fnuap), d’abord comme conseillère technique principale au ministère de la Famille et de l’Action sociale du Burkina Faso, puis en qualité de conseillère régionale du Fnuap pour les pays africains francophones et coordinatrice du programme ‘’Genre et Vih’’ en Afrique de l’Ouest pour le Bureau régional du Fonds des Nations Unies pour la femme. En 2003, elle est nommée, à New York, directrice du Département droit humain du Fnuap. C’est à partir de 2010 qu’elle quitte le New Jersey pour s’installer au Sénégal. Elle devient alors la directrice de cabinet de Macky Sall, Président de l’Alliance pour la République. Pendant la dernière campagne électorale, elle a été de toutes les étapes du périple du candidat Macky Sall effectué à l’intérieur du pays. En tant qu’envoyée spéciale, c’est elle qui joue les bons offices politiques, éteint les foyers de tension au sein de la coalition Bby et monte au front pour défendre le chef de l’Etat contre les attaques. Sa nomination à la tête du Cese parait donc comme une récompense politique assez méritée. Reste à se mettre en action pour repositionner une institution toujours perçue par les populations sénégalaises, non seulement comme un site de recasement d’une clientèle politique, mais une institution budgétivore.

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