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Agents véreux, escrocs et traite moderne… le sordide business autour des jeunes footballeurs africains

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Fruit d’une enquête de plus d’un an dans les coulisses du foot africain, « Magique système » lève le voile sur le business sordide autour des jeunes footballeurs du continent.

Sur le continent africain, ils sont des millions à rêver de chausser les crampons sur les pelouses des clubs européens. Didier Drogba, George Weah, Samuel Eto’o… Autant de noms qui résonnent dans les rues de Dakar, de Kinshasa ou d’Abidjan comme la promesse d’un avenir meilleur. Résultat : ils seraient environ 6 000 mineurs à quitter chaque année le continent pour tenter leur chance de l’autre côté de la Méditerranée.

Dans leur livre Magique Système, les deux journalistes Barthélémy Gaillard et Christophe Gleizes décortiquent le sordide business de la misère, qui s’est développé autour des jeunes footballeurs africains. Car ces derniers sont devenus un « nouvel or noir », que s’arrachent les clubs du Vieux continent. On estime ainsi que les ressortissants africains représentent désormais 23 % de l’ensemble des effectifs de première division.
À la recherche de « chair fraîche »

Pendant plus d’un an, Barthélémy Gaillard et Christophe Gleizes ont sillonné l’Afrique à la rencontre des agents véreux et des escrocs de tout poil, qui entendent avoir leur part du gâteau. À l’image de ce rabatteur franco-malien, qui écume les terrains de Bamako à la recherche de « chair fraîche ». Ses jeunes victimes doivent payer la bagatelle de 2 à 3 millions de F CFA (soit 3 000 à 4 500 euros environ), censés leur donner droit à un voyage en Espagne et à un essai en Liga. Lequel n’aura évidemment jamais lieu.

Mais il y a aussi les plus gros poissons, comme la mystérieuse fondation Aspire créée par le gouvernement qatari en 2004. Dans les brochures de présentation, celle-ci se présente comme « un projet humanitaire fascinant et unique, qui vise à donner du pouvoir à la jeunesse du monde entier ». Sous le vernis apparaît pourtant une entreprise de siphonnage à grande échelle des talents de l’Afrique. Avec l’idée, peut-être, de constituer une équipe nationale qatarie digne de ce nom en vue du Mondial 2022.

La majorité est broyée par le cynisme du foot business, qui se nourrit des rêves du continent pour mieux prospérer

Quid du rôle des clubs européens ? Aux yeux des auteurs, ces derniers portent une lourde responsabilité dans ce trafic, en étant à l’origine « d’une spéculation fondée sur le commerce d’êtres humains – certes consentants, mais surtout exploités – soit une forme de traite moderne, au sens littéral du terme ». Comme aux jeux de hasard, la martingale n’est pas assurée à tous les coups. Mais elle peut rapporter gros : après avoir été achetés une bouchée de pain, certains joueurs peuvent ainsi être revendus des millions.
« Une forme de traite moderne »

Non-contents de leur jolie plus-value, certains clubs font également preuve d’une avarice rare lorsqu’il s’agit de passer à la caisse. En témoignent les démêlés relatés dans le livre autour de Junior Kabananga, un joueur formé au club congolais du CS Aigles Verts avant de partir à Anderlecht en Belgique.

Comme lui en donne droit le règlement de la Fifa, le président des Aigles Verts réclame à Anderlecht des indemnités de formation estimées à 100 000 euros. Le début d’un long combat judiciaire fait de coups bas et de mesquineries, qui s’achèvera par une décision de la Fifa favorable aux Belges.

« Ces agissements se répètent à la chaîne, dans l’anonymat le plus total, pour des montants parfois bien moins élevés, estiment les auteurs. C’est la recrudescence de ces pratiques qui fait système. L’Europe en bénéficie largement et ne redistribue rien, en toute légalité. »

Un système dans lequel les joueurs africains sont le plus souvent perdants : « 70% des footballeurs africains connaissent ainsi une situation d’échec, à base de chômage, de blessures, de galères et de faux papiers ». Tous broyés par le cynisme du foot business, qui se nourrit des rêves du continent pour mieux prospérer.

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