C’est à croire qu’une certaine presse a lu, à l’envers, la décision de la Cour de justice de la CEDEAO dans l’affaire des douaniers syndicalistes. En réalité, la Cour a rejeté la requête des douaniers puisque l’État du Sénégal a renoncé à la procédure disciplinaire intentée contre les syndicalistes qui, faut-il rappeler, ont déjà gagné leur combat syndical depuis la décision de l’Organisation internationale du Travail (OIT).
En effet, la question du droit syndical des douaniers sénégalais a déjà fait l’objet de recommandations de la part du Comité de la liberté syndicale de l’OIT qui, dans son rapport numéro 384, mars 2018, « invite le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 8 de la loi 69-64 du 30 octobre 1969 portant statut des douanes afin de supprimer l’interdiction faite au personnel des douanes d’exercer leurs droits syndicaux ».
A ce propos, la Commission d’Experts pour l’application des Conventions et Recommandations (CEACR) de l’OIT a publié ses observations priant le gouvernement d’indiquer tout progrès à cet égard et de répondre de manière complète aux commentaires y relatives avant 2020.
En attendant, l’Etat du Sénégal vient d’autoriser l’organisation de la 8éme édition du forum régional des syndicats des agents des douanes de l’espace UEMOA, jadis incriminé. Il se tiendra, à Dakar, du 05 au 08 novembre 2019. A cette occasion, les douaniers sénégalais pourront s’exprimer librement conformément à la liberté syndicale.
L’on se rappelle qu’en guise de représailles à l’internationalisation de leur combat syndical, l’État du Sénégal avaient suspendus ces douaniers et avait bloqué toutes leurs sources de revenus pour, semble t-il, décourager l’internationalisation du combat syndical.
L’Etat du Sénégal les a rétablis dans leurs droits professionnels et matériels juste avant l’audience de la Cour de justice de la CEDEAO, tenue à Abuja, le 27 février 2019.
C’est ainsi que dans leur plaidoirie, les conseils de l’Etat ont pu affirmer que « le Gouvernement respectait la légalité et protégeait les droits de ses citoyens, y compris les agents des douanes, (…) et que le demandeur avait déjà été réintégré dans ses fonctions avec tous ses avantages ». D’ailleurs, selon la Cour, « la demande de l’Etat du Sénégal aux fins de condamnation de Ndiaga SOUMARE à lui verser la somme de cinquante millions (50 000 000) de francs CFA à titre de dommages et intérêts pour procédure frustratoire et vexatoire n’est pas motivée ; c’est pourquoi, celle-ci ne peut être favorablement accueillie car le caractère abusif de la procédure initiée et l’intention de nuire du requérant n’ont pas été démontrés par l’Etat du Sénégal ».
In fine, la Cour de justice de la CEDEAO s’est prononcée, uniquement, sur les droits fondamentaux objet de la requête des douaniers à savoir : le droit à l’éligibilité, les libertés de réunion et d’expression et le droit à un procès équitable.
La Cour de justice de la CEDEAO, « par ces motifs :
Statuant publiquement, contradictoirement en matière de violation des droits de l’homme en premier et dernier ressort ;
Se déclare compétente pour connaitre du litige ;
Rejette l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’État du Sénégal ;
Déclare la requête recevable mais mal fondée ;
Constate que le Droit d’être éligible, le droit de réunion et d’opinion et le
droit à un procès équitable de Ndiaga SOUMARE n’ont pas été violés ;
Dit par ailleurs qu’il n’y a pas déni de justice ;
Déboute l’État du Sénégal de sa demande de dommages et intérêts en ce que la
procédure initiée par Ndiaga SOUMARE n’est pas frustratoire.
Amicale des Inspecteurs et Officiers des Douanes Authentique